S'unir pour la santé : Recueil de cas de partenariat des IRSC

Instituts de recherche en santé du Canada
160, rue Elgin, 9e étage
Indice de l'adresse 4809A
Ottawa (Ontario) K1A 0W9 Canada

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada (2009)
No de cat. MR21-138/2009
ISBN 978-0-662-06585-2

Révisé par Allison Forsythe (chargée de projet) et Christopher Lendrum (expert-conseil en rédaction)

Table des matières


Avant-propos

Dès leur création, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont adopté une approche large et globale à l'égard des partenariats. Grâce aux relations établies par nos 13 instituts, un certain nombre de directions et plusieurs initiatives, nous avons conclu des partenariats avec le secteur public, le secteur privé, des organismes bénévoles oeuvrant dans le domaine de la santé et des organismes internationaux.

Pourquoi travaillons-nous en partenariat?

En termes simples, nous travaillons en partenariat parce que nous sommes conscients de n'être qu'un des maillons de la grande chaîne que constitue le milieu de la recherche en santé au Canada. Les IRSC reconnaissent que l'efficacité de la recherche en santé dépend des efforts conjugués de nombreuses personnes et de nombreux organismes déterminés à améliorer la santé de la population canadienne. Nous devons travailler avec nos partenaires pour cerner les lacunes, financer les meilleurs projets de recherche et appliquer les nouvelles connaissances afin d'améliorer la santé de la population, d'offrir de meilleurs soins de santé et de favoriser la croissance économique. La science devient de plus en plus interdisciplinaire. Tout comme les IRSC doivent travailler avec leurs partenaires pour faire connaître les répercussions et les avantages de la recherche en santé, les chercheurs doivent considérer les meilleurs moyens d'établir le contact avec leurs homologues d'autres disciplines et de communiquer avec des interlocuteurs qui n'appartiennent pas au milieu scientifique traditionnel. La société ne peut récolter tous les fruits de nos investissements dans la recherche en santé si les découvertes ne sont pas mises en application par d'autres chercheurs, des responsables des politiques, des prestataires de soins de santé, des patients, ainsi que par le secteur public, le secteur privé, le secteur bénévole et le secteur de la santé publique. Tous ces objectifs se réalisent au moyen de partenariats.

La mise en pratique du savoir issu de la recherche ou l'application des connaissances, selon l'expression que nous utilisons aux IRSC, est un aspect fondamental de notre mandat. Nous avons élargi notre compréhension de l'application des connaissances (AC) et en distinguons deux types : l'AC en fin de subvention et l'AC intégrée. L'AC en fin de subvention peut inclure les activités réalisées à la fin des travaux subventionnés, telles que la publication d'articles, la présentation d'exposés ou même le recours au marketing social pour promouvoir la dissémination des résultats et favoriser leur application. Dans l'AC intégrée, on invite les personnes qui utiliseront en fin de compte les connaissances issues de la recherche à prendre part au processus de recherche en soi, notamment à définir les questions de recherche et à étudier les solutions possibles. L'AC en fin de subvention ou l'AC intégrée, ou les deux, sont illustrées dans de nombreuses études de cas parmi celles qui suivent.

Dans la présente publication, vous découvrirez des partenariats des plus divers et influents qui illustrent plusieurs possibilités de collaboration : collaboration entre chercheurs et collaboration entre le milieu universitaire, la communauté et les responsables des politiques. Vous trouverez deux types de cas : 1) portraits de lauréats du Prix du partenariat des IRSC au cours des années précédentes décrivant le travail réalisé en partenariat et présentant les opinions des récipiendaires; et 2) récits décrivant des partenariats fructueux ainsi que les antécédents de collaboration, les techniques de communication et les leçons apprises.

D'importantes leçons peuvent être tirées de ces partenariats :

  • Reconnaître les possibilités et agir
    La Dre Anne Snowdon le résume parfaitement dans Portrait d'un partenariat : Prix du partenariat des IRSC en 2006 (étude de cas no 2) : « Lorsqu'une possibilité se présente, ne serait-ce que l'espace d'un moment, il faut la reconnaître immédiatement et agir. » Comme l'illustre l'étude de cas de la Dre Snowdon, des partenariats extrêmement fructueux peuvent voir le jour à la faveur d'une simple discussion au cours d'une pause-café. Parfois les situations les plus inattendues peuvent éveiller la création chez des partenaires potentiels, mais il faut saisir l'occasion.
  • Communiquer ouvertement et fréquemment
    Une communication efficace et régulière peut se révéler essentielle pour établir la confiance des partenaires et ne pas perdre de vue les objectifs du partenariat. Le Dr Brett Finlay fait ressortir la nécessité de communiquer régulièrement pour échanger des connaissances et tirer parti des chevauchements entre les équipes de recherche (étude de cas no 8). Pour sa part, la Dre Sandra Jarvis-Selinger met l'accent sur la nécessité d'une communication ouverte pour maintenir les liens avec les collectivités vivant en milieu rural et éloigné (étude de cas no 5). Le Dr Cy Frank souligne l'importance de donner une rétroaction aux partenaires, surtout une rétroaction positive, pour les informer des progrès qu'ils réalisent (étude de cas no 10). La communication efficace peut s'avérer un facteur de motivation important.
  • Reconnaître que le partenariat nécessite du temps
    La confiance et la crédibilité dans un partenariat ne s'acquièrent pas du jour au lendemain. Il faut du temps pour traiter avec un grand nombre de personnes et concilier des points de vue, des programmes et des horaires différents. Le fait de reconnaître un retard possible et d'en tenir compte dans les plans généraux peut contribuer au succès du partenariat. L'Association pulmonaire du Canada, par exemple, a compris que pour faire participer des intervenants à l'échelle nationale, il faudrait beaucoup de temps et d'énergie; elle a donc fixé des échéances réalistes à phases multiples pour l'élaboration du Cadre de travail national sur la santé pulmonaire (étude de cas no 1). Elle a établi des délais appropriés pour la consultation et a eu recours à des méthodes créatrices pour communiquer avec le plus grand nombre de personnes possible sans retarder les travaux indûment.
  • Fonder la relation sur la confiance et le respect
    Affirmer qu'un véritable partenariat doit être fondé sur la confiance et le respect mutuel peut sembler évident; toutefois, le dire et le réaliser sont deux choses tout à fait différentes. Dans le cas de partenariats multidisciplinaires, multiculturels ou multisectoriels, il peut être facile de hiérarchiser les connaissances, l'expertise ou le pouvoir (selon les objectifs de l'initiative ou du partenariat). Une telle hiérarchisation peut toutefois entraver la coopération. Il est possible qu'un des partenaires assume un plus grand rôle de direction que les autres dans la collaboration, mais ce partenaire doit écouter les points de vue des autres participants et respecter leur contribution. Comme il a été démontré dans la mise en oeuvre des centres d'apprentissage Ktunaxa (étude de cas no 5), si la confiance et le respect ne sont pas à la base du partenariat dès le début, des forces externes sur lesquelles les partenaires n'ont pas d'emprise peuvent sérieusement compromettre la relation.
  • Établir des contacts, beaucoup de contacts
    Il ne faut jamais sous-estimer la possibilité d'établir des contacts. Tout comme il est important de reconnaître les possibilités de partenariat et d'agir en conséquence, le réseautage s'avère un exercice important, car il favorise des idées pouvant mener à de solides alliances. Denis Morrice, par exemple, décrit comment les relations avec les chercheurs, les patients, les ministres et les bailleurs de fonds pour la recherche en santé ont changé le contexte de la recherche sur l'arthrite (étude de cas no 4), tandis que Dawn McKenna précise que le réseautage qui s'opère lors d'ateliers et de conférences aide à créer des idées et des possibilités (étude de cas no 6).
  • Reconnaître que les partenariats peuvent avoir des répercussions plus importantes que celles prévues
    Rechercher une expertise supplémentaire, écouter des points de vue différents et favoriser l'application des connaissances sont des activités qui permettent de produire des retombées plus importantes que celles prévues — et qui nécessitent des partenariats. Le partenariat HELP, par exemple, montre comment les relations entre les chercheurs, les communautés et les responsables des politiques peuvent mener à des changements de politique à l'échelle provinciale (étude de cas no 3). L'étude portant sur les sentiments des femmes durant la grossesse montre que le fait de rassembler des intervenants compétents peut mener à la création d'un nouveau service de santé pour les femmes (étude de cas no 9). Enfin, le partenariat Positive Spaces, Healthy Places montre comment la participation des membres de la communauté, des chercheurs et des responsables des politiques peut contribuer à l'établissement de meilleurs logements supervisés pour les personnes vivant avec le VIH/sida (étude de cas no 14).

Les IRSC se distinguent par leur mandat qui consiste non seulement à produire de nouvelles connaissances, mais aussi à appliquer ces connaissances afin d'améliorer la santé de la population canadienne et mondiale. Le présent recueil d'études de cas vous fera connaître des partenaires qui sont animés d'une passion et doués d'une capacité d'inspiration, et qui ont amélioré la vie de nombreux Canadiens et Canadiennes. Au nom des IRSC, je les remercie de leur travail.

Ian Graham, Ph.D.
Vice-président, Application des connaissances
Instituts de recherche en santé du Canada

D'un seul souffle : Cadre de travail national sur la santé pulmonaire

L'Association pulmonaire du Canada

Les maladies respiratoires ont des conséquences importantes pour des millions de personnes au Canada. Toute substance inhalée dans les poumons, qu'il s'agisse de polluants atmosphériques ou de drogues, peut causer une maladie respiratoire; par conséquent, chaque citoyen canadien est exposé à un certain risqueFootnote 1. En fait, les maladies pulmonaires touchent déjà un Canadien sur cinq, et on estime qu'elles coûtent 154 milliards de dollars par année en soins de santé et en perte de productivité. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, d'ici 2020, les maladies pulmonaires seront la troisième cause de décès dans le mondeFootnote 2.

Enjeu : Au Canada, les maladies pulmonaires touchent déjà une personne sur cinq. Toute tentative pour réduire les répercussions de ces maladies nécessite des ressources et la participation de nombreux intervenants.

Comme les maladies respiratoires englobent un grand nombre de maladies, toute tentative visant à en réduire les répercussions nécessite la participation de divers ordres de gouvernement, de l'industrie et de nombreux organismes. Les intervenants dans le domaine de la santé respiratoire ont cherché, des années durant, des moyens de maximiser les ressources, d'échanger des connaissances et d'améliorer les services afin de réduire les nouveaux cas et de traiter les personnes atteintes.

En tant que porte-parole national pour la santé respiratoire, l'Association pulmonaire a rassemblé, en avril 2006, 40 intervenants de divers secteurs afin d'élaborer le Cadre de travail national sur la santé respiratoire. Lors de la première réunion, un comité directeur intérimaire a été mis sur pied, et on a établi les grandes priorités et l'orientation générale du cadre de travail.

Le Cadre de travail national sur la santé pulmonaire a pour objectif de combler les écarts fondamentaux entre la situation actuelle dans le domaine de la santé respiratoire au Canada et la situation souhaitable. Il existe actuellement de nombreux « regroupements d'excellence » dans l'ensemble du milieu de la recherche en santé respiratoire. Le but du cadre est d'élaborer des mécanismes de coordination et des protocoles qui seront mis en oeuvre à l'échelle nationale et qui permettront à d'intervenants de collaborer et d'échanger de l'information, du savoir et des ressourcesFootnote 3.

Harmonisation et collaboration : la clé du succès

Solution : Coordonner le travail des intervenants et les stratégies au moyen d'une initiative « fabriquée au Canada » qui unit les efforts pour réduire les conséquences des maladies pulmonaires.

Le Cadre de travail national sur la santé pulmonaire est une initiative « fabriquée au Canada », menée par l'Association pulmonaire et l'Agence de la santé publique du Canada, qui vise à coordonner les efforts pour la prévention et le traitement des maladies respiratoires. Le cadre de travail a été élaboré selon un processus inclusif afin de favoriser la rétroaction et la collaboration des intervenants, et son approche globale s'appuie sur la coopération.

La mise sur pied du comité directeur intérimaire a permis de tirer parti des points de vue, des compétences, des connaissances et de l'expertise de nombreux spécialistes, notamment du Dr Peter Liu, directeur scientifique de l'Institut de la santé circulatoire et respiratoire des IRSC (ISCR des IRSC), et du Dr Malcolm King, directeur scientifique de l'Institut de la santé des Autochtones des IRSC (ISA des IRSC).

Entre avril 2006 et avril 2007, quatre groupes de travail composés de divers intervenants se sont inspirés du travail effectué par les gouvernements et les intervenants à l'échelle nationale, provinciale, territoriale et régionale et ont fait connaître leurs points de vue, formulé des recommandations et donné des conseils sur quatre points particuliers : les maladies chroniques, les maladies infectieuses, l'environnement et la lutte contre le tabagisme. Les groupes de travail ont présenté leurs conclusions aux 170 intervenants présents à la première réunion intitulée « Plan d'action » qui a eu lieu en avril 2007. Pendant deux jours, les participants ont discuté des priorités stratégiques, des résultats, des objectifs et des moyens pour améliorer la santé respiratoire de la population canadienne. On a aussi présenté aux participants le « Rapport sur l'inventaire des atouts et l'analyse des lacunes », qui donne un aperçu des services, de la recherche, des lignes directrices et des cadres de travail en place au pays dans le domaine de la santé respiratoire.

La réunion « Plan d'action » a permis d'unir et de guider les nombreux intervenants. En fait, au cours de cette réunion, ils ont été plus de 135 à signer un « appel à l'action » qui a ensuite été présenté à des politiciens et à des intervenants au cours de l'été 2007.

Approche : On a obtenu la contribution et la rétroaction des intervenants en créant des groupes de travail, en organisant des ateliers, des réunions et des téléconférences et en donnant des présentations dans le cadre de conférences.

Grâce à l'information recueillie et à l'expertise des intervenants, on a rédigé un document décrivant les principales composantes du cadre de travail. Ensuite, lors de réunions ou d'ateliers tenus dans chaque province et territoire, on a demandé à divers intervenants, à des patients et à des représentants du gouvernement de revoir le document, de le commenter et de faire des suggestions. On a tenu des réunions et des consultations additionnelles avec les principaux intervenants dans le domaine de la santé chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis afin de s'assurer que les activités et stratégies proposées étaient adéquates et qu'elles tenaient compte de la situation et des défis particuliers des communautés autochtones du Canada.

Le comité directeur intérimaire et son président, l'Association pulmonaire, ont pris en considération une demande faite par les participants à la réunion, soit élargir l'effectif du comité pour en accroître les compétences, le savoir et l'expertise. En réponse à cette demande, les 19 membres originaux du comité se sont livrés à une évaluation de leurs propres compétences et expertise en remplissant un questionnaire sur ce sujet. Les membres ont fourni des renseignements sur les réseaux et les organisations auxquels ils étaient affiliés, leurs sujets de recherche, ainsi que les populations avec lesquelles ils travaillaient étroitement et ils ont précisé comment leurs compétences et expertise étaient utiles au comité. L'analyse de ces renseignements a fait ressortir les forces du comité, mais a aussi révélé des écarts à combler. S'appuyant à la fois sur les résultats de l'évaluation et la rétroaction des intervenants présents à la réunion d'avril 2007, le comité a établi la liste des organismes qui pourraient lui suggérer des candidats pour combler les écarts. Toutes les candidatures étaient excellentes, mais le comité n'a pu toutes les retenir en raison de sa taille et des restrictions budgétaires. Toutefois, dans un esprit de collaboration, le comité s'est montré prêt à travailler avec toutes les personnes mises en nomination, qu'il s'agisse de siéger à de nouveaux comités (qui se forment) ou de participer à des ateliers dans les provinces ou les territoires.

Partenariat au sein du cadre de travail

Le Cadre de travail national sur la santé pulmonaire a vu le jour grâce au travail de plus de 500 participants, notamment des personnes, des organisations, des représentants de gouvernement et d'autres intervenants bénévoles. De nombreux bénévoles ont contribué à la réalisation du cadre de travail; ce sont notamment des experts en médecine, des représentants d'organismes non gouvernementaux (ONG), du gouvernement, de l'industrie, de groupes de patients, de groupes autochtones et de groupes de défense de l'environnement. Le temps consacré par ces bénévoles équivaut à plus d'un million de dollars. Ils ont effectué de la recherche préliminaire, participé à l'élaboration d'un ensemble de propositions en matière de rentabilité, conçu et évalué des modèles de soins, rédigé des documents et des trousses d'information et ont parlé aux intervenants de chaque région du pays.

De ces efforts résulte un document exhaustif qui décrit la santé respiratoire au Canada et les défis à relever, et qui offre une solution collective pour y faire face.

L'Association pulmonaire et plusieurs autres ONG ont utilisé le document du cadre de travail comme point de départ de leur plan stratégique. Grâce à leur travail au sein du comité directeur, plus de 27 organismes et intervenants ont commencé à travailler en collaboration afin de réaliser tous les points du plan d'action du cadre de travail : ils investissent temps, argent et ressources humaines pour y arriver. Ce partenariat constituera un atout inestimable pour réaliser pleinement le cadre de travail et le plan d'action tout en s'assurant qu'avec la participation du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, les intervenants dans le domaine de la santé respiratoire disposent véritablement d'un plan stratégique commun.

Mise en application du cadre de travail

Certains enjeux présentent de nombreux aspects ou sont tout simplement trop complexes pour être réglés par une seule organisation. Le cadre de travail est un réseau composé de nombreux intervenants qui travaillent en collaboration pour atteindre des buts qu'ils ne pourraient pas atteindre seuls. Le comité directeur a réussi à insuffler aux intervenants la même vision et les mêmes objectifs unificateurs, tout en leur permettant de conserver leur identité.

Résultats : Un plan stratégique commun pour les intervenants dans le domaine de la santé respiratoire qui leur permet de travailler en collaboration et de produire un impact optimal. Les intervenants ont contribué à donner une orientation détaillée et appropriée pour les cinq premières années du cadre de travail.

Au sein du cadre de travail, chaque champ d'action stratégique inclut un but ainsi que cinq ou six stratégies pour atteindre ce but. Les intervenants sont allés plus loin en suggérant des activités stratégiques pour fournir un contexte et une orientation qui permettraient d'atteindre ces buts. En faisant connaître les chefs de file, les partenaires potentiels, les points de référence et les délais d'exécution des travaux, des programmes et des initiatives qui existent déjà, les intervenants ont contribué à donner une orientation détaillée et appropriée pour les cinq premières années du cadre de travail. Pour chaque stratégie, il y aura une série d'indicateurs mesurables pour déterminer le progrès réalisé dans l'atteinte du but de chaque champ d'action stratégique. On établira aussi une série de critères précis pour mesurer la pertinence de chacun des travaux, programmes et initiatives pour s'assurer que chaque étape du processus est efficace et conforme aux stratégies et aux buts du cadre de travail.

Leçons apprises

Pour obtenir des résultats, l'Association pulmonaire a veillé à ce que toutes les réunions d'intervenants et tous les ateliers pour l'élaboration du cadre de travail soient très bien structurés. On a eu recours aux services du même animateur pour toutes les réunions. Cette démarche s'est avérée un excellent moyen d'assurer l'uniformité et le maintien d'une structure, d'ajouter des précisions contextuelles à chaque discussion et de tirer parti des réalisations antérieures.

Les problèmes de temps et d'argent ont constitué un défi de taille dans les efforts entourant le cadre de travail, lesquels ont contribué à une profonde difficulté pour l'Association pulmonaire : faire appel à un grand nombre d'intervenants différents pouvant avoir une influence sur un cadre de travail national sur la santé respiratoire et pouvant, en retour, être touchés par un tel cadre.

L'Association pulmonaire a surmonté ces problèmes :

  • en adoptant une politique de transparence et de collaboration qui lui a permis de trouver des partenaires et des alliés, de maximiser les ressources et d'établir des liens avec des intervenants de milieux avec qui elle n'avait habituellement pas de contact;
  • en faisant preuve de créativité pour solliciter les intervenants, c'est-à-dire en utilisant diverses méthodes comme les rencontres en personne, le site Web ou le courriel et les téléconférences;
  • en assistant à divers ateliers et conférences, en faisant des présentations et en invitant l'auditoire à poser des questions et à donner son opinion.

Dans l'ensemble, le processus a permis de tirer une leçon importante : il faut continuer sur sa lancée; faire en sorte que les gens ne perdent pas de vue l'objectif fixé s'est révélé crucial pour aller de l'avant et maintenir le partenariat pour l'avenir.

Portrait d'un partenariat : Prix du partenariat des IRSC en 2006

Dre Anne Snowdon, RCE AUTO21, Université de Windsor
Dr John Mann, DaimlerChrysler Canada (maintenant Chrysler Canada Ltée)

Lorsqu'elle travaillait en tant qu'infirmière à l'unité des soins intensifs d'un hôpital pour enfants à Ottawa, la Dre Anne Snowdon a été témoin d'un trop grand nombre de blessures invalidantes et de décès attribuables aux accidents de la route. Au Canada, les accidents de la route continuent d'être la principale cause de décès et de blessures graves chez les enfants de moins de 14 ans. Même si l'utilisation de dispositifs de retenue pour enfants est obligatoire en vertu de la loi, chaque jour au Canada, environ deux enfants meurent ou sont grièvement blessés dans un accident de la routeFootnote 4. En 2002, la Dre Snowdon, convaincue que la société devait faire quelque chose pour protéger les enfants, s'est donné comme mission de concentrer ses efforts sur « la seule idée » de sauver la vie des enfants en comprenant pourquoi les accidents de la route peuvent avoir des conséquences si désastreuses sur ces derniersFootnote 5.

Dans son travail en tant que chef du département d'ingénierie de Chrysler Canada, le Dr John Mann connaissait lui aussi les résultats tragiques des accidents de la route impliquant de jeunes enfants qui n'étaient pas retenus correctement. L'industrie et le gouvernement s'efforçaient déjà de comprendre les causes et l'explication mécanique de ces blessures et décès, et une panoplie de dispositifs efficaces et de règlements avaient été mis au point pour résoudre ce problème important. Malheureusement, ces efforts étaient insuffisants; encore beaucoup trop de personnes au Canada n'utilisaient pas correctement les dispositifs de sécurité pour enfants ou ne les utilisaient pas du tout. Pour le Dr Mann, il était évident que les améliorations technologiques à elles seules ne permettraient pas d'atteindre les résultats dont la société avait tant besoin.

Avec le soutien d'AUTO21, le programme fédéral des Réseaux de centres d'excellence dans le domaine du transport automobile, la Dre Snowdon a formé une équipe multidisciplinaire en recrutant des chercheurs de l'Université de Windsor et de l'Université Western Ontario afin de mieux comprendre les parents et leurs décisions relativement à l'utilisation d'un siège de sécuritéFootnote 6. L'équipe a fait enquête auprès de plus de 1300 familles du Sud de l'Ontario et a découvert que les parents n'étaient généralement pas informés au sujet des sièges de sécurité pour enfant et des risques de blessure dans les véhicules, et que, trop souvent, ils cédaient lorsque les enfants ne voulaient pas utiliser leur siège de sécuritéFootnote 7. Selon des études similaires, on estime que plus de 80 % des parents tentent d'utiliser les systèmes de sécurité pour enfants dans les véhicules, mais que moins de 20 % d'entre eux les utilisent correctement ou de façon suffisamment efficace pour protéger les enfantsFootnote 8.

À la lumière de cette information, la Dre Snowdon et son équipe ont mis au point une intervention éducative à l'appui de décisions des parents favorisant l'utilisation sécuritaire des sièges pour enfants. Grâce au financement d'AUTO21 et au soutien de Chrysler Canada, l'équipe de la Dre Snowdon a pu mettre au point un programme pour enseigner aux familles comment assurer la sécurité des enfants à bord des véhicules. Le Dr Mann a réuni une équipe d'experts en sécurité dans l'industrie pour qu'ils apportent leur savoir en conception de systèmes de sécurité, en stratégies de prévention des accidents et en réglementation gouvernementale à l'équipe de recherche de la Dre Snowdon. Ensemble, ces experts ont conçu, pour les familles, un programme éducatif multimédia appelé Bobby Shooster Rides Safely in his Booster. Il a été établi que le programme permettait d'augmenter considérablement les connaissances des parents en ce qui a trait à l'utilisation correcte des sièges de sécurité pour enfants dans les véhiculesFootnote 9.

Dès la première rencontre du groupe, il était évident qu'allait s'établir un vrai partenariat fondé sur des intérêts communs, des connaissances et des compétences complémentaires et sur le désir de changer le cours des choses. Au départ, la présence de la Dre Snowdon a piqué la curiosité des ingénieurs qui se demandaient ce qu'une infirmière pouvait bien faire en recherche dans le domaine du transport automobile. Elle a rapidement saisi l'occasion de leur expliquer que les infirmières étudient les comportements en matière de santé et de préciser qu'elle pouvait apporter à l'équipe l'expertise nécessaire pour atteindre des résultats concluants.

De plus, les deux équipes comprenaient qu'une technologie, aussi perfectionnée soit-elle, ne peut être efficace si les gens décident de ne pas en tenir compte ou l'utilisent incorrectement. La Dre Snowdon et son équipe se sont efforcées de comprendre les raisons justifiant les décisions des parents et de transposer ces connaissances pour créer des programmes d'intervention plus efficaces. Le Dr Mann et son équipe étaient très intéressés par les résultats de cette étude et par leur utilité possible pour améliorer la technologie et la sécurité du transport des enfants. Malgré les méthodes et les expériences très différentes des équipes, leurs buts ont convergé dans un partenariat qui a été stimulant et profitable pour les deux parties.

« Il est important de créer des partenariats qui sont constructifs, qui permettent de faire des progrès réels quant à la sécurité des enfants et qui, en même temps, donnent à chaque partenaire la possibilité d'atteindre ses propres objectifs. »

C'est ainsi que le Dr Mann a assumé avec enthousiasme un rôle essentiel en se faisant le champion de ce partenariat au sein de l'industrie et en faisant connaître les réalisations et les résultats de l'équipe de recherche. « Nous sommes tous concernés par la sécurité, quels que soient nos intérêts ou notre domaine d'activité. Qui n'est pas bouleversé lorsqu'un enfant est blessé ou tué - surtout lorsque cela aurait pu être évité? », fait remarquer le Dr Mann. Par souci de la sécurité des enfants, Chrysler a apporté un soutien actif et indéfectible en offrant des ressources et en permettant à des cadres supérieurs et à des employés de réaliser ce travail au compte de la compagnie. Il s'est développé une synergie entre les équipes qui ont réussi à réduire le nombre de blessures et de décès chez les enfants canadiens. C'est pour cette raison qu'elles ont remporté le Prix du partenariat des IRSC en 2006.

Depuis, « la seule idée » de sauver la vie des enfants est devenue une force motrice, « un concept qui a pris vie » en inspirant les universités, les principales compagnies internationales et les organismes gouvernementaux et qui, avec la participation de chaque nouveau groupe, stimule la créativité et la croissanceFootnote 10.

« Lorsque nous parlons du nombre de blessures et de décès survenant chez les enfants au Canada et de la possibilité de les prévenir, les gens écoutent. Il importe de les intéresser suffisamment pour qu'ils veuillent établir un partenariat », déclare la Dre Snowdon, qui est maintenant professeure agrégée à la Odette School of Business de l'Université de Windsor et coordonnatrice de thème pour la recherche sur la santé, la sécurité et la prévention des blessures du réseau AUTO21. « Les possibilités de partenariat qui aident à sauver la vie des enfants intéressent toujours les partenaires potentiels pour des raisons affectives. Nous connaissons tous des enfants ou avons des enfants et nous voulons tous aider. Il est important de créer des partenariats qui sont constructifs, qui permettent de faire des progrès réels quant à la sécurité des enfants et qui, en même temps, donnent à chaque partenaire la possibilité d'atteindre ses propres objectifs. »

« Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les partenaires vivent dans votre monde. Vous devez leur dire ce que vous pouvez faire ensemble qui leur rapportera directement... et les aider à voir pourquoi un partenariat est essentiel au succès de chacun. »

La Dre Snowdon fait remarquer qu'en dépit du vif intérêt que suscite le sujet de la recherche, le travail en partenariat ne se fait pas comme par magie. Il faut beaucoup de temps et d'énergie pour cultiver les possibilités de partenariat. « Lorsqu'une possibilité se présente, ne serait-ce que l'espace d'un moment, il faut la reconnaître immédiatement et agir », conseille-t-elle. Par exemple, la relation de son équipe avec Magna International, qui a mené à la création d'un nouveau siège rehausseur, a commencé à la pause-café d'une réunion de recherche. « Lorsqu'ils se sont montrés intéressés par mes travaux, j'ai immédiatement vu la possibilité d'appliquer les résultats de mes recherches à la création d'un siège pour enfants avec Magna, et j'ai immédiatement fixé un rendez-vous avec eux afin d'en discuter plus longuement. »

Avant la réunion avec les dirigeants de Magna, la Dre Snowdon a fait un travail préparatoire afin de comprendre ce qui pouvait intéresser cette entreprise et quelle expertise celle-ci pouvait apporter au projet. « Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les partenaires vivent dans votre monde », explique-t-elle. « Nous, les chercheurs, sommes passionnés par notre travail et, trop souvent, nous pensons que les autres ont la même passion. Lorsque nous n'arrivons pas à convaincre les autres de nos idées passionnantes, nous avons beaucoup de mal à comprendre pourquoi. Vous devez donner aux partenaires potentiels les outils leur permettant de voir comment vous pouvez travailler ensemble - il s'agit de l'une des stratégies les plus importantes pour créer des partenariats. Vous devez leur dire ce que vous pouvez faire ensemble qui leur rapportera directement, et plus important encore, vous devez les aider à voir pourquoi un partenariat est essentiel au succès de chacun. » Selon la Dre Snowdon, ce dialogue est essentiel au succès de la collaboration. « Travailler en partenariat, c'est d'abord connaître et comprendre les perspectives et les objectifs opérationnels de chaque partie, l'équipe de recherche et le partenaire de l'industrie, et trouver ensuite les synergies qui peuvent déboucher sur l'innovation. »

Magna a travaillé avec l'équipe de la Dre Snowdon pour créer un siège rehausseur qui, à la fois, protège les enfants et correspond à la stratégie commerciale de l'entreprise. « Il était évident que notre programme Bobby Shooster avait une influence sur les parents, mais nous savions, d'après notre sondage, que nous devions aussi convaincre les enfants qui cherchent à s'extirper de leur siège d'auto parce qu'ils le trouvent trop inconfortable », explique la Dre Snowdon.

« Apprendre le "langage" des partenaires est une importante stratégie de communication qui permet d'être sur la même longueur d'onde pour discuter des buts et des objectifs de recherche, et pour les défendre et les négocier. »

Un nouveau projet de recherche a été conçu pour susciter plus directement la participation des enfants et voir comment et pourquoi ils réussissent à influer sur les décisions de leurs parents en ce qui a trait aux sièges d'auto. « Il était évident que nous devions élargir l'expertise de notre équipe. Jusque-là, nos recherches avaient porté sur l'utilisation des sièges de sécurité par les parents et les conducteurs, il fallait maintenant inclure le monde du marketing et des jeux destinés aux enfants », ajoute la Dre Snowdon. Pendant que Magna mettait au point le prototype d'une série de sièges rehausseurs, en tenant compte des besoins et des souhaits des enfants, des partenaires de l'école de design du Collège George Brown travaillaient avec l'équipe à la conception d'une stratégie de jeu en ligne pour aider les enfants à comprendre l'importance d'utiliser un siège rehausseur pour être en sécurité dans les véhicules. Entre-temps, l'équipe de la Dre Snowdon travaillait avec des enfants et leurs parents, dans le cadre de programmes communautaires, pour discuter des sièges rehausseurs et voir comment on pourrait les rendre plus attrayants pour les enfants. Les enfants ont conçu leur « siège rehausseur idéal », et les chercheurs ont transmis les idées des enfants à Magna pour qu'elle puisse en tenir compte dans la conception des sièges et dans la stratégie de jeu.

Résultat : les données des travaux de recherche du Dr Andrew Howard de l'Hôpital pour enfants de Toronto (membre d'AUTO21) sur les accidents de la route, ainsi que les données de l'équipe de la Dre Snowdon sur les connaissances des parents, l'utilisation des sièges rehausseurs et les idées des enfants sur la conception d'un siège ont toutes convergé pour appuyer Magna dans la conception et la fabrication du siège clekMC, un produit novateur qui a été lancé à l'échelle nationale à l'automne 2006Footnote 11.

« Sans la contribution d'AUTO21, je ne crois pas que le siège clekMC aurait été le premier produit lancé par Magna Aftermarket », affirme Christopher Lumley, vice-président de Magna Aftermarket, une division de Magna International. « Ce qui rend ce produit si exceptionnel, c'est l'enthousiasme des enfants à cet égard. Ils ne sont plus gênés de s'asseoir dans leur siège rehausseur, ils sont même très heureux de leur siège clekMC »Footnote 12.

La mise au point de ce nouveau produit unique n'aurait pas été possible sans les forces et les connaissances de tous les partenaires. « Pour innover, il est essentiel de regrouper le plus de points de vue possible », insiste la Dre Snowdon. « C'est le partenariat qui créé l'innovation, et non l'expertise individuelle d'un chercheur ou une compagnie. »

Ayant travaillé avec divers collaborateurs, la Dre Snowdon a appris que la communication est essentielle au succès d'un partenariat. Elle rappelle cependant que les partenaires sont tous différents et conseille d'utiliser des techniques adaptées à chaque partenaire, en fonction de ses activités de base, de son programme et de son style de travail. Apprendre le « langage » des partenaires est une importante stratégie de communication. Les ingénieurs qui s'occupent de la conception ont un « langage » qui leur est propre, et il en est de même pour les médecins qui font des recherches sur les traumas causés par les collisions. Apprendre ces langages respectifs permet d'être sur la même longueur d'onde pour discuter des buts et des objectifs de recherche, pour les défendre et les négocier.

La Dre Snowdon ajoute qu'il faut de la souplesse et de la patience pour travailler avec le secteur privé. « Vous devez comprendre que les directeurs et chefs de direction sont très occupés », explique-t-elle. « Ils ont tellement de choses à traiter en même temps qu'il est souvent impossible de prévoir des rencontres régulières avec eux : ils n'ont tout simplement pas le temps. Ils ne peuvent s'engager à assister à une réunion. Trop insister peut immédiatement mettre fin à toute possibilité de partenariat. »

Éléments essentiels pour réussir un partenariat

  1. Comprendre et respecter les besoins et les objectifs propres à chaque partenaire.
  2. Préciser la façon dont chaque partenaire peut contribuer au projet et renforcer les deux programmes.
  3. Être ouvert aux possibilités de partenariat; reconnaître ces possibilités et agir rapidement.
  4. Être prêt à travailler ensemble à la réalisation de buts et d'objectifs communs afin de réussir. Si le chercheur voit le partenaire de l'industrie uniquement comme une source de financement, le partenariat sera voué à l'échec.
  5. Chercher des partenaires qui peuvent appliquer les résultats de la recherche de façon nouvelle et novatrice.
  6. Faire preuve de souplesse et adopter un style de travail qui tient compte des besoins et des contraintes du partenaire.
  7. Écouter attentivement un partenaire potentiel (industrie ou autre) pour savoir ce dont il a réellement besoin, plutôt que de lui dire comment vous percevez ses besoins.
  8. Être conscient des délais d'exécution de chacun et faire preuve de compréhension à cet égard.

Selon la Dre Snowdon, lors de rencontres avec des représentants du secteur privé, il faut être bref et s'en tenir à l'essentiel. « Vous devez leur dire pourquoi ils devraient s'intéresser au projet dès les 30 premières secondes. Si vous leur décrivez votre recherche en détail, ils s'en désintéresseront », avise-t-elle. « Lorsque vous avez retenu leur attention sur les raisons pour lesquelles ils devraient s'intéresser au projet, vous avez une autre période de 30 secondes pour leur expliquer comment ils peuvent participer et ce qu'un partenariat permettrait de réaliser. La concision et la clarté sont essentielles pour convaincre les partenaires que vous établirez des relations utiles et productives. »

La Dre Snowdon déclare que son travail est loin d'être fini et, qu'à plusieurs égards, il ne fait que commencer. Grâce en partie à sa relation avec Chrysler Canada, son équipe a aussi terminé une étude nationale sur les sièges pour enfants, en collaboration avec Transports Canada, et a établi une relation de travail avec ce ministère pour recueillir des données d'enquête nationale tous les deux ans. L'équipe travaille aussi avec le Collège George Brown afin de mettre au point un logiciel de jeux pour enseigner les règles de sécurité aux enfants. Avec des collègues en informatique, les chercheurs explorent même le domaine de l'intelligence artificielle pour « créer » des sociétés artificielles (d'après les données sur les blessures). Ces sociétés pourraient être utilisées pour « tester » ou examiner l'effet des interventions ou des politiques comme une loi sur les sièges rehausseurs ou une politique nationale comme Vision sécurité routière 2020 (politique de Transports Canada) sur les comportements des familles. Des partenariats avec Research in Motion ont aussi mené à un système de gestion des enquêtes sans fil, en temps réel. À l'extérieur du Canada, l'équipe de recherche participe aussi à des partenariats avec le projet mondial en sécurité routière et l'Organisation mondiale de la Santé pour étudier la sécurité routière dans les pays en développement.

Puisque chaque partenariat se développe et donne lieu à des partenariats additionnels, il y a un effet d'entraînement qui met en évidence les possibilités d'innovation dans le cadre d'un processus de collaboration. « Une possibilité de partenariat mène toujours à de nombreux autres partenariats. Il faut alors recruter d'autres personnes, secteurs et centres », conseille la Dre Snowdon. « Les possibilités sont infinies. »

Partenariat pour favoriser le développement des jeunes enfants : HELP (Human Early Learning Partnership)

Équipe travaillant à la cartographie du développement des jeunes enfants

  • Dr Clyde Hertzman, directeur, HELP
  • Dre Lori G. Irwin, directrice adjointe, HELP
  • Joanne Schroeder, gestionnaire du développement communautaire à l'échelle provinciale, HELP
  • Michele Wiens, gestionnaire principale, Confidentialité, opérations stratégiques et gestion des connaissances, HELP
  • Dre Janet Mort, associée de recherche, HELP
  • Jacqueline Smit Alex, ancienne directrice, HELP
  • Jennifer Harvey, gestionnaire du système d'information géographique, HELP
  • Gillian Corless, gestionnaire de mise en oeuvre de l'outil de mesure du développement des jeunes enfants, HELP
  • Ruth Hershler, gestionnaire, Gestion des données
  • Neda Razaz-Rahmati, coordonnatrice de l'outil de mesure du développement des jeunes enfants, HELP

On estime que la petite enfance est la période de développement la plus importante de la vie. Les jeunes enfants doivent passer du temps dans des milieux chaleureux qui répondent à leurs besoins et stimulent l'acquisition du langage. Les parents et les intervenants qui offrent un tel milieu aux enfants ont, pour leur part, besoin du soutien de la communauté et de tous les ordres de gouvernement pour le faireFootnote 13.

Enjeu : En Colombie-Britannique, l'état du développement des jeunes enfants varie d'un endroit à l'autre. Cet écart représente les différences dans la qualité de la stimulation, du soutien et de la bienveillance apportés aux enfants dans différentes régions.

Pour faire la lumière sur les meilleurs moyens d'établir et de maintenir le soutien de la communauté et des gouvernements, le partenariat HELP s'efforce de créer, de promouvoir et d'appliquer les connaissances sur les facteurs biologiques, psychologiques et sociétaux qui influent sur la santé et le développement des enfants. Dirigé par le Dr Clyde Hertzman, chercheur financé par les IRSC et titulaire de la chaire de recherche du Canada en santé des populations et en développement humain, HELP est un réseau interdisciplinaire constitué de professeurs d'université, de chercheurs et d'étudiants des cycles supérieurs des six principales universités de la Colombie-Britannique.

Les professeurs et le personnel de HELP ont donné des centaines de présentations partout en Colombie-Britannique, en s'adressant notamment à des ministres du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral, à des conseils exécutifs, à des organismes non gouvernementaux (ONG) nationaux et provinciaux et à des communautés locales. Ce réseautage actif a permis de créer des liens entre HELP et des organismes gouvernementaux provinciaux (entre autres) et d'établir la relation qui existe actuellement avec la Direction de la petite enfance du ministère du Développement des enfants et de la famille de la Colombie-Britannique (Ministry of Children and Family Development), le Ministère. Au cours des huit dernières années, ce partenariat a grandement contribué à améliorer les connaissances de la communauté sur le développement des jeunes enfants et a fourni un point de départ à l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes afin d'aider les jeunes enfants à bien se développer.

Initiative provinciale de cartographie du développement des jeunes enfants

Le partenariat officiel a commencé par l'établissement d'une entente entre HELP et le Ministère en 2000 pour lancer « l'initiative de cartographie du développement des jeunes enfants » en Colombie-Britannique. Le but de cette initiative consistait, et consiste encore, à élaborer un système de surveillance et de mesure du développement des jeunes enfants dans les communautés de la province.

HELP utilise l'instrument de mesure du développement des jeunes enfants (Early Development Instrument désigné par le sigle EDI) qui a été mis au point par des chercheurs canadiens, le Dr Dan Offord et la Dre Magdalena Janus. L'instrument, qui est une liste de contrôle permettant de mesurer des qualités allant de la santé physique aux aptitudes à communiquer, est utilisé pour évaluer l'état du développement des jeunes enfants à l'école maternelle.

Les enseignants remplissent la feuille de contrôle EDI en février, après plusieurs mois d'interactions avec les enfants de leur classe de maternelle. Bien que la feuille de contrôle EDI soit remplie pour chaque enfant, les résultats ne sont pas utilisés pour reconnaître ou étiqueter un enfant en particulier; ils sont plutôt regroupés géographiquement (ou cartographiés) en fonction du quartier, du district scolaire, de la région sanitaire et du palier administratif de la provinceFootnote 14. Pour améliorer les résultats, l'équipe de HELP examine aussi les facteurs socio-économiques afin de mieux comprendre comment ces derniers peuvent influer sur le développement et la santé des enfants.

Solution : Amener le gouvernement provincial et les communautés locales à reconnaître les besoins et à corriger les écarts dans les modèles existants de développement des jeunes enfants.

Cartographier le développement des enfants

HELP utilise maintenant l'instrument EDI dans chaque district scolaire de la province. La Colombie-Britannique est ainsi le seul endroit au monde à disposer d'un outil établi et normalisé pour évaluer le développement des jeunes enfants, à l'échelle de la population sur une période donnée. En mesurant l'état du développement des enfants dans l'ensemble de la province, l'équipe de HELP peut montrer les variations des résultats compilés grâce à l'instrument EDI par région (quartiers, districts scolaires ou régions sanitaires). Ces variations servent ensuite à représenter les différences moyennes en ce qui a trait à la qualité de la stimulation, du soutien et de la bienveillance auxquels les enfants sont exposés dans ces régionsFootnote 15.

Le Ministère s'est avéré un partenaire naturel de HELP puisqu'il a mis ces connaissances en application à l'extérieur du monde universitaire. Il s'est déjà engagé à établir une infrastructure de coalitions communautaires pour l'ensemble de la province et a reconnu que l'instrument EDI permettait de mieux guider les coalitions sur le développement des enfants dans leurs secteurs locaux. Ensemble, le Ministère et HELP ont amené l'initiative et ses résultats directement dans les communautés où les enfants et leur famille vivent et apprennent.

Tirer parti des partenariats pour agir à l'échelle locale

Les données cartographiées ont été un élément clé dans l'élaboration d'une initiative conjointe unique et efficace entre le gouvernement, les universités et la communauté. Accompagnées d'un sommaire expliquant les résultats, les cartes ont permis de combler un écart important dans l'échange de connaissances entre la communauté et les représentants du gouvernement. Cette compréhension mutuelle a favorisé une communication efficace. L'équipe de HELP a travaillé avec ses partenaires du gouvernement pour s'assurer que ces derniers comprennent bien l'importance d'appuyer les communautés, tandis que les intervenants des communautés ont apporté leurs connaissances particulières au sujet de leurs enfants, leur compréhension du milieu où ils vivent et le désir de voir leurs propres enfants bien se développer.

Approche : Les résultats de la recherche et les connaissances du milieu ont servi à l'établissement de plans d'action pour les familles et les enfants dans chaque communauté.

Travaillant avec les universitaires de HELP, le Ministère a accru son financement pour appuyer les coalitions communautaires dans l'ensemble de la province et s'est assuré qu'il y avait des champions dans chaque communauté. On a donné à ces champions le mandat et les moyens d'utiliser les données de recherche de HELP et les résultats de cartographie obtenus dans chaque quartier afin d'établir des plans d'action pour les familles et les enfants dans leur communauté en tenant compte de plusieurs secteurs, notamment la santé, l'éducation, la police, ainsi que les secteurs récréatifs et sociaux.

La majorité des communautés utilisent ces cartes communautaires comme outils clés pour la planification locale et la prestation de services; l'équipe de HELP continue de travailler avec les communautés et le gouvernement pour les aider à utiliser leurs cartes afin de surveiller le développement des enfants et de déterminer les endroits où les enfants sont vulnérables (ou vont bien) en ce qui a trait au développement physique, socio-affectif et cognitif relatif au langage.

Leçons apprises

Selon l'équipe de recherche, pour stimuler des changements à l'échelle communautaire, il est essentiel d'appuyer correctement la prise en charge des problèmes et de leurs solutions par la communauté. Par exemple, le Ministère et HELP ont compris que travailler ensemble ne signifiait pas seulement créer une structure de rapport; ils se sont rendu compte, entre autres choses, qu'il était important qu'il y ait un chevauchement dans leur infrastructure. Ils ont engagé conjointement un professionnel reconnu en développement communautaire pour travailler à la fois comme conseiller provincial auprès des coalitions communautaires (relevant du Ministère) et comme gestionnaire de liaison communautaire (relevant de HELP) pour faciliter l'apprentissage et l'utilisation de la recherche directement au sein des communautés. Le conseiller provincial faisait un rapport à l'équipe HELP et au Ministère au moyen de dialogues trimestriels, et les coalitions faisaient rapport au conseiller tous les six mois. Ce rôle a permis de mieux utiliser la recherche pour l'élaboration de programmes et de politiques et, en même temps, d'améliorer la capacité des membres de la communauté d'appuyer les enfants dans leur région. Le conseiller provincial a aussi créé des moyens de communiquer les données au sein de chaque communauté de la province en diffusant les résultats tous les trois ans et sur demande.

De plus, les chercheurs de HELP ont sollicité l'aide des partenaires de la communauté afin de s'assurer que les connaissances produites étaient faciles à comprendre et à utiliser. L'équipe de recherche maintient un dialogue constant avec les partenaires de la communauté et du gouvernement et les fait participer aux examens systématiques de ses produits de recherche. Les chercheurs de HELP interprètent aussi les résultats de recherche dans des rapports écrits, et les membres de l'équipe de recherche visitent régulièrement les communautés pour offrir des présentations et des séances de travail afin de les aider à comprendre les résultats obtenus à l'échelle locale et planifier des améliorations. Lorsque les résultats de recherche sont accessibles, il y a plus de chances qu'ils soient utilisés.

Résultats : La Colombie-Britannique dispose maintenant d'un réseau de recherche et de communication qui touche tous les secteurs afin de donner aux communautés les moyens d'agir. Les décisions du gouvernement provincial concernant le financement de ressources pour le développement des jeunes enfants sont maintenant fondées sur des données probantes récentes.

Pendant que l'équipe de HELP maintient une relation ouverte avec ses partenaires du gouvernement, elle rencontre tous les trois mois tous les ministères qui s'intéressent aux enfants afin de trouver les meilleurs moyens d'offrir à tous les enfants de la Colombie-Britannique un départ équitable dans la vie. Ces rencontres trimestrielles sont essentielles pour renforcer l'engagement pris par toutes les parties et l'importance de leur travail. En ayant des objectifs communs à court terme et des délais d'exécution établis stratégiquement, l'équipe de HELP et le gouvernement provincial sont en mesure de travailler ensemble et ont une vision claire de leur mission.

Résultats

La Colombie-Britannique a maintenant, pour l'ensemble de son territoire, un réseau de recherche et de communication itératif qui touche tous les secteurs et qui a donné lieu à des mécanismes favorisant la rétroaction continue et le dialogue ouvert entre les universitaires, les praticiens, les planificateurs communautaires, les éducateurs et les décideurs gouvernementaux. Ce partenariat entre les communautés, le milieu universitaire et le gouvernement provincial a créé un groupe d'intervenants avertis, ce qui est essentiel à la prise de décisions éclairées. Sur le plan politique, les résultats de la recherche réalisée dans le cadre de ce partenariat ont permis d'orienter les principales décisions du gouvernement provincial concernant l'attribution de financement pour le développement des jeunes enfants. En Colombie-Britannique, c'était la première fois qu'on s'appuyait autant sur des données scientifiques pour allouer du financement et que les communautés participaient dans une telle mesure. Le partenariat a rendu les choses possibles, mais sans l'engagement des partenaires du gouvernement, il aurait été impossible d'apporter des changements de cette ampleur.

Le succès de ce partenariat est attribuable au fait que chaque partenaire, à tous les niveaux, reconnaissait et respectait les connaissances des autres parties. Les forces des partenaires se sont conjuguées pour sensibiliser davantage les intervenants à l'importance du développement des jeunes enfants et améliorer l'accès aux services. Les intervenants de la communauté comme le gouvernement ont mis en place des programmes et des services pour réduire les écarts dans les modèles existants de développement des enfants - les partenaires sont maintenant assurés de l'existence de ces écarts - afin que tous les enfants de la province aient les moyens de bien se développer.

Portrait d'un partenariat : Prix du partenariat des IRSC en 2003

La Société de l'arthrite

Plus de quatre millions de Canadiens de tous âges souffrent d'arthrite et d'autres affections rhumatismales. On croit à tort que l'arthrite touche exclusivement les personnes âgées alors que, selon des études de population, les personnes en âge de travailler (de 20 à 64 ans) représentent près de 60 % des Canadiens atteints d'arthriteFootnote 16. En fait, l'arthrite englobe plus de 100 affections différentes et est la principale cause de difformité et d'invalidité de longue durée au Canada.

La recherche sur l'arthrite a maintenant sa place dans le milieu de la recherche au Canada; elle regroupe des scientifiques, des cliniciens, des responsables de politiques, des patients et des organismes communautaires. Il y a seulement 15 ans, la recherche sur l'arthrite avait peine à se tailler une place dans le programme de recherche en santé du Canada.

La Société de l'arthrite, seul organisme sans but lucratif se consacrant uniquement aux maladies rhumatismales, se bat depuis longtemps pour que la recherche sur l'arthrite et les services aux patients reçoivent plus d'attention et de financement. Il était donc naturel pour la Société de l'arthrite de parrainer « Arthrite 2000 », une initiative de concertation approfondie, qui a eu lieu en 1997, réunissant des intervenants et des représentants du domaine au Canada.

« Pour Arthrite 2000, nous avons réuni de nombreux intervenants », explique Denis Morrice, qui était alors président de la Société de l'arthrite et qui est aujourd'hui l'ambassadeur canadien de la Décennie des os et des articulations. « Lorsque les membres d'un groupe diversifié d'intervenants se réunissent, ils comprennent rapidement qu'ils peuvent accomplir beaucoup plus en travaillant ensemble et que chacun peut ainsi réaliser son programme. »

Cette vaste consultation - la première du genre sur l'arthrite - a suscité un enthousiasme remarquable dans le milieu de la recherche sur l'arthrite, qui visait l'un des plus importants prix en science au Canada : une subvention du programme des Réseaux de centres d'excellence (RCE). Les RCE sont des centres de recherche et de développement financés par le gouvernement fédéral pour créer de nouveaux partenariats entre les universités, l'industrie, le secteur public et le secteur sans but lucratif, afin de mener de la recherche de pointe et de réaliser des activités de transfert des connaissancesFootnote 17. Porté par l'énergie positive et le dynamisme générés par Arthrite 2000, un groupe de travail dirigé par des spécialistes des sciences fondamentales (Tony Cruz, Jeff Dixon et Robin Poole) et des cliniciens chercheurs (John Esdaile, Cy Frank et Ed Keystone) a défini les thèmes de recherche et précisé les services clés nécessaires pour mener de la recherche sur l'arthrite selon une approche multidisciplinaire fondée sur la collaboration. En 1998, le Réseau canadien de l'arthrite (RCA) recevait du financement du programme des RCE et devenait ainsi le premier RCE portant sur une maladie en particulier.

« Denis Morrice a été véritablement le champion qui a permis d'établir et de renforcer la recherche sur l'arthrite », se souvient la Dre Jane Aubin, directrice scientifique de l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite des IRSC. « Comme il avait siégé à de nombreux comités de gouvernance, il pouvait voir que l'époque où des chercheurs indépendants travaillaient de façon isolée était révolue. Il a fait tout son possible pour promouvoir les équipes de recherche dans le domaine de l'arthrite. Le concept de travail d'équipe était un élément intégral de la demande de RCE pour le RCA et est devenu l'une des caractéristiques marquantes du Réseau canadien de l'arthrite. »

Le fait que les patients atteints d'arthrite pouvaient contribuer grandement au programme de recherche est un autre élément essentiel qui est ressorti de la consultation Arthrite 2000. La Société de l'arthrite invitait déjà des patients à siéger à ses comités de gestion, et ce principe important a été intégré à la structure de comité du RCA, où un comité consultatif de patients et des porte-parole des patients siègent au conseil d'administration du Réseau et participent à ses divers groupes d'experts. Selon M. Morrice, le but ultime de la recherche sur l'arthrite est d'utiliser de nouvelles connaissances pour répondre aux besoins des patients, et puisque les patients sont touchés directement et indirectement par la plupart des découvertes scientifiques, ils devraient participer au processus de recherche.

Même si la création du RCA était une étape importante, il y avait encore beaucoup à faire pour assurer de solides bases à la recherche sur l'arthrite. Avant que le Conseil de recherches médicales du Canada (CRM) ne devienne les IRSC, M. Morrice a souvent rencontré le Dr Henry Friesen, alors président du CRM, pour discuter des répercussions socio-économiques de l'arthrite et de la nécessité d'accroître le financement de la recherche.

« Lorsqu'il a été question de s'inspirer des National Institutes of Health des États-Unis comme modèle pour les IRSC, cela a semblé être l'occasion parfaite de faire une place à la recherche sur l'arthrite », se souvient M. Morrice. « Nous devions démontrer qu'il était enfin le temps que le gouvernement et le public s'intéressent davantage à l'arthrite, et que l'un des 13 instituts devait être consacré à ce problème. Nous avons donc entrepris une campagne avec des rhumatologues, des chirurgiens orthopédistes et des chercheurs - toujours accompagnés de représentants de patients - et avons rencontré le plus grand nombre de ministres possible. »

« Vous n'avez pas besoin d'une armée [pour être entendu], vous avez besoin de porte-parole sérieux, passionnés et engagés. »

Nos efforts ont porté leurs fruits. Lorsque les IRSC ont été créés en 2000, l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite (l'IALA des IRSC) voyait le jour. « Nous savions que nous ne pourrions pas obtenir un institut uniquement pour l'arthrite », affirme M. Morrice, « nous avons alors regroupé la recherche sur les dents et les maladies de la peau, qui font également partie du système musculo-squelettique. Le Dr Cy Frank a joué un rôle déterminant pour établir cette collaboration. La bonne volonté des nombreux partenaires et des intervenants, seuls ou en groupe, qui ont accepté de travailler ensemble a également contribué au succès de la démarche. »

Jusqu'à maintenant, l'IALA des IRSC a investi des millions de dollars dans la recherche sur l'arthrite et continue de le faire.

Depuis la création de l'IALA des IRSC, la Société de l'arthrite travaille étroitement avec l'Institut pour constituer un réseau de toutes les personnes concernées par la recherche sur l'arthrite, depuis les bailleurs de fonds jusqu'aux patients. En collaboration avec d'autres partenaires, la Société de l'arthrite et l'IALA des IRSC ont joué un rôle déterminant pour lancer L'arthrite au Canada, la première publication qui donne une image exhaustive des répercussions de l'arthrite au CanadaFootnote 18. Regroupant les données d'enquêtes nationales sur la santé de la population, ainsi que les données sur la mortalité, la facturation des médecins à l'échelle provinciale, les médicaments, les admissions dans les hôpitaux et les chirurgies ambulatoires, le rapport fait ressortir la nécessité de comprendre le fardeau énorme que l'arthrite fait peser sur les personnes et la société en général.

D'ici dix ans, on prévoit qu'un million de Canadiens de plus seront atteints d'arthrite ou d'une maladie connexe, et tout comme les millions de Canadiens déjà atteints, ils auront le droit de parole avec l'aide de la Société de l'arthrite. Cette dernière a appuyé la création de l'Alliance canadienne des arthritiques (ACA) et a défendu le Code canadien des droits de l'arthritique (2001); c'est grâce à cette démarche que les patients sont considérés comme des partenaires à part entière dans le processus de recherche Footnote 19.

« Nous avons recruté des patients exceptionnels pour parler de la nécessité de faire plus de recherche sur l'arthrite et de mettre sur pied un institut de l'arthrite », affirme M. Morrice. « Vous n'avez pas besoin d'une armée [pour être entendu], vous avez besoin de porte-parole sérieux, passionnés et engagés. Nous avons toujours communiqué l'information importante à l'ACA, avant même qu'elle ne soit une organisation officielle. Deux personnes en particulier ont joué un rôle prépondérant; ce sont Ann Qualman [fondatrice de l'ACA] et Jim Davies. Lorsque le Dr Tony Cruz a entrepris les démarches auprès des Réseaux de centres d'excellence pour mettre sur pied le Réseau canadien de l'arthrite, c'est Ann qui a assisté à un nombre incalculable de réunions avec les représentants du gouvernement et les ministresFootnote 20. Lorsque nous nous efforcions d'obtenir un institut de l'arthrite au sein de l'organisme qui allait bientôt devenir les IRSC, Jim organisait des réunions avec des politiciens, et Ann laissait tomber ses activités du moment pour venir parler du bien-fondé d'un institut de l'arthrite.

« Les personnes touchées par une décision devraient participer à cette prise de décision. »

Ann et Jim sont décédés en 2007, et M. Morrice se souvient du nombre imposant de personnes venues de toutes les régions du pays pour assister à leurs funérailles. « De nombreux membres de l'ACA sont devenus amis pour la vie. C'est le pouvoir des réseaux. »

En fait, l'héritage d'Ann est toujours d'actualité dans le milieu de la recherche sur l'arthrite : « Les personnes touchées par une décision devraient participer à cette prise de décision »Footnote 21. La Société de l'arthrite invite des patients de l'ACA à siéger à ses comités, et la plupart des chercheurs dans le domaine de l'arthrite sont heureux d'inclure de l'information sur la participation ou la collaboration des patients dans leur demande de subventions.

Afin de faire progresser davantage les réseaux dans le milieu de la recherche sur l'arthrite et de faire face à l'augmentation imminente des cas d'arthrite, la Société de l'arthrite, le RCA et l'IALA des IRSC ont tenu conjointement la première Conférence de consensus sur l'arthrose au Canada, en avril 2002. Cette conférence a réuni des experts et des chercheurs du Canada et d'autres pays, des patients atteints d'arthrite, des responsables des politiques, des représentants de l'industrie et d'autres intervenants. La conférence a donné lieu à une séance de remue-méninges de haut niveau où chacun - chercheur, expert, stagiaire, porte-parole ou patient - pouvait donner son opinion sur l'orientation future de la recherche sur l'arthrose au CanadaFootnote 22.

« Nous nous sommes vraiment efforcés de créer une synergie avec les autres intervenants », se souvient M. Morrice. « Chacun voyait qu'il avait un rôle à jouer, et personne ne pouvait se sentir plus important que les autres. »

Forts du succès de la Conférence de consensus sur l'arthrose, la Société de l'arthrite, le RCA et l'IALA des IRSC ont travaillé en collaboration pour créer l'Alliance pour le programme canadien de l'arthrite (APCA). Le Dr Cy Frank, alors directeur scientifique de l'IALA des IRSC, a joué un rôle de premier plan dans l'établissement de l'APCA, tandis que la Société de l'arthrite fournissait le soutien administratif. Établie en 2003, l'APCA est maintenant une coalition composée de plus de 20 groupes d'intervenants qui lutte pour réduire le fardeau de l'arthrite, encourage le gouvernement à consacrer des ressources à la recherche sur l'arthrite et aux soins des personnes atteintes, et offre du soutien aux arthritiques. L'APCA offre une tribune aux intervenants pour la collaboration et l'établissement de stratégies sur les enjeux liés à l'arthrite.

« Nous avons des rôles distincts à jouer individuellement et des rôles à assumer en tant que partenaires dans le contexte global de la recherche sur l'arthrite », explique la Dre Aubin. « Il ne s'agit pas seulement de s'entendre avec nos partenaires, il faut aussi reconnaître que nous avons des rôles distincts. Travailler dans le même domaine peut mener à une certaine concurrence entre les parties concernées », admet-elle. « Il faut en parler tout de suite. Les rôles conjoints et les rôles individuels peuvent alors être définis, et ce, à l'avantage mutuel des partenaires et des autres intervenants, dont les patients. »

« L'important c'est de ne pas perdre de vue le but ultime et de faire de son mieux chacun de son côté pour y arriver. »

« Il n'est pas toujours possible d'harmoniser les priorités et il faut l'accepter », déclare M. Steven McNair, président actuel et chef de la direction de la Société de l'arthrite. « Vous n'allez pas à une réunion pour convaincre les autres de votre point de vue, vous êtes là pour les écouter. Il s'agit de comprendre le point de vue des autres. L'important c'est de ne pas perdre de vue le but ultime et de faire de son mieux chacun de son côté pour y arriver. »

Forte de plus de 60 années d'expérience, la Société de l'arthrite est un modèle de rôle pour l'atteinte de résultats grâce à l'établissement de relations fondées sur la confiance, le respect et l'engagement mutuels. « Lorsque vous pressentez des partenaires potentiels, qu'il s'agisse de consommateurs ou de représentants du secteur privé ou du secteur bénévole, il est important d'être passionné pour la cause », ajoute M. McNair, qui a quitté le monde des affaires en 2008 pour travailler à la Société de l'arthrite. « Présentez-leur les avantages du partenariat en utilisant leur langage, et souvenez-vous qu'il ne s'agit pas seulement d'arriver à une entente, mais de répondre aux besoins des arthritiques et de marier passion et professionnalisme. »

Lorsque vient le temps d'établir des partenariats à partir de rien ou entre divers secteurs, M. Morrice conseille aux intervenants de prendre une position stratégique. « Tout tourne autour de l'établissement de relations et du réseautage », dit-il. « Lorsque nous organisions les réunions de la Société de l'arthrite, nous nous assurions toujours d'avoir des coprésidents. Par exemple, nous pouvions avoir un rhumatologue du Manitoba qui coprésidait la réunion avec un physiothérapeute de l'Île-du-Prince-Édouard. Ils commençaient par parler de leur travail, de leur région et de leurs patients, puis un lien se créait. Il faut d'abord faire participer les gens et ensuite établir des liens entre eux. Il est impossible de construire quelque chose sans un réseau de soutien. Il faut reconnaître les possibilités et les saisir. »

Travailler en partenariat pour aider les communautés à se prendre en main : l'histoire (en cours) des centres d'apprentissage communautaires Ktunaxa

Sandra Jarvis-Selinger, Ph.D.
Faculté de médecine
Université de la Colombie-Britannique

Kendall Ho, M.D. FRCPC
Faculté de médecine
Université de la Colombie-Britannique

Helen Novak Lauscher, Ph.D.
Faculté de médecine
Université de la Colombie-Britannique

Don Maki
Secteur des connaissances et des langues traditionnelles
Conseil de la Nation Ktunaxa

Velma Hogan
Liaison avec les Autochtones, Kootenay-Est, Interior Health Authority

Comme c'est le cas dans de nombreuses régions isolées, les communautés des Premières Nations du Canada vivant dans des régions rurales et éloignées n'ont pas facilement accès à des services de professionnels de la santé. Une telle situation peut avoir des conséquences négatives sur la santé d'une communauté, et le problème est complexe : il faut non seulement un meilleur accès aux professionnels de la santé, il faut aussi des points de service offrant de l'information exacte en matière de santé lorsque les membres de la communauté en ont besoin.

Enjeu : Les communautés des Premières Nations du Canada vivant dans des régions rurales et éloignées n'ont pas facilement accès à des professionnels de la santé et à de l'information exacte en matière de santé.

Afin de régler ces problèmes de façon proactive, on a établi un partenariat communauté-université, c'est-à-dire entre le bureau de la stratégie de cybersanté de la Faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique et la Nation Ktunaxa (se prononce « tu-na-ha »). Grâce au financement des IRSC, ces partenaires ont conçu, mis en oeuvre et évalué quatre centres pilotes d'apprentissage communautaires Ktunaxa dans les communautés de la Nation Ktunaxa : Akisqnuk, Aqam, Lower Kootenay et Tobacco Plains.

Le concept des centres d'apprentissage communautaires Ktunaxa

Un centre d'apprentissage est constitué de deux composantes interreliées : 1) un établissement communautaire équipé d'ordinateurs avec connexion Internet facilement accessibles à tous les membres de la communauté, et 2) des ressources en ligne qui conviennent aux priorités définies par la communauté en matière de santé et qui sont conçues par les membres de la communautéFootnote 23.

Le modèle des centres d'apprentissage a pour but de créer un espace où les membres de la communauté peuvent avoir accès à de l'information fiable en matière de santé et fréquenter des gens dans un milieu communautaire. Les centres d'apprentissage sont d'abord et avant tout une ressource mise au point par et pour les communautés autochtones. Cela signifie donc que l'Université de la Colombie-Britannique s'occupe de l'aspect technique et du mentorat en recherche (lorsqu'il y a lieu) au cours de la phase initiale de développement des centres d'apprentissage. À long terme, on vise le maintien et l'utilisation des centres d'apprentissage par les communautés, et ce, même lorsque le financement de la subvention aura pris fin.

En fait, en tant que ressource continue, les centres d'apprentissage sont conçus pour incorporer de l'information sur des facteurs sociaux de santé tels que la médecine, la langue et les connaissances traditionnelles. La diffusion de connaissances traditionnelles fournit une occasion concrète d'utiliser et de revitaliser la langue Ktunaxa.

Un partenariat mène à un autre

Le partenariat a commencé en 2003, moment où des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique terminaient une « évaluation de l'état de préparation à la télésanté » auprès de neuf communautés des Premières Nations de la Colombie-Britannique, dont la Nation Ktunaxa. De façon générale, une évaluation de l'état de préparation à la télésanté consiste à déterminer la capacité d'une communauté d'utiliser les technologies de l'information et de communication pour offrir à distance des services et de l'information en matière de santéFootnote 24. Les relations qui ont mené au partenariat sur les centres d'apprentissage ont commencé lorsque des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique ont participé à une conférence du First Nations Technology Council (FNTC), à Prince George, en Colombie-Britannique. Les organisateurs de la conférence ont joué un rôle important en adressant l'équipe de l'Université de la Colombie-Britannique aux 20 communautés des Premières Nations qui étaient susceptibles de participer à une évaluation de l'état de préparation à la télésanté. L'équipe d'universitaires a reçu une réponse de neuf communautés et a décidé de travailler avec chacune d'elles.

Solution : Faire participer la communauté pour créer des centres d'apprentissage et des ressources en ligne qui répondent aux besoins de chaque communauté.

Après que les résultats de l'évaluation de l'état de préparation à la télésanté ont été envoyés à toutes les communautés, l'Université de la Colombie-Britannique et la Nation Ktunaxa ont continué de participer à des remue-méninges sur les façons de continuer à travailler ensemble. Pendant ce temps, les membres de l'équipe de l'Université de la Colombie-Britannique travaillaient aussi en partenariat avec des chercheurs allemands qui mettaient au point des principes pour effectuer des « évaluations des besoins » des utilisateurs des technologies de l'information; ils travaillaient aussi avec une équipe de chercheurs mexicains qui mettaient au point un modèle de centre d'apprentissage communautaire. De plus, Industrie Canada lançait son Programme pilote de services à large bande pour le développement rural et du Nord, programme qui avait pour mission « d'appuyer le déploiement des services à large bande aux collectivités non desservies »Footnote 25.

Ces événements sans lien apparent ont pourtant préparé le terrain pour que l'Université de la Colombie-Britannique et la Nation Ktunaxa continuent d'établir leur partenariat :

  • l'équipe de l'Université de la Colombie-Britannique a pu engager un chercheur pour mettre en application les principes de l'équipe allemande concernant l'évaluation des besoins et guider le processus de mobilisation pour l'élaboration de l'infrastructure des centres d'apprentissage;
  • la présence des centres d'apprentissage dans la communauté a montré la nécessité des services à large bande dans la région et a fourni à Industrie Canada une application avec des exemples précis des utilisations possibles de l'infrastructure;
  • la volonté des communautés Ktunaxa de mettre à l'essai les centres d'apprentissage a fourni à l'équipe université-Ktunaxa une excellente occasion d'appliquer, au Canada, le modèle mexicain des centres d'apprentissage;
  • le financement des IRSC a permis d'embaucher et de former un responsable de l'évaluation et un responsable de la technologie dans chaque communauté pour concevoir, mettre en oeuvre, mettre à jour et évaluer chaque centre d'apprentissage.

L'université et la communauté ont vu la nécessité - et l'occasion - de travailler ensemble dans un partenariat qui pouvait profiter grandement aux deux parties.

Faire participer la communauté dès le début

Les principes de PCAP (propriété, contrôle, accès et possession) étaient au coeur du processus de mobilisation de la communauté tout au long de la réalisation des centres d'apprentissageFootnote 26. La mobilisation a commencé immédiatement, avec l'approbation verbale et le soutien du chef et du Conseil de la Nation Ktunaxa avant même le début des travaux. Des lettres exprimant des vues communes ont été rédigées conjointement et signées par les administrateurs des bandes concernées et l'université.

Les centres d'apprentissage continuent d'être dirigés et évalués par les membres de la communauté, ce qui permet d'assurer le respect des connaissances traditionnelles dans chaque communauté, d'inclure de l'information appropriée au contexte particulier de chaque communauté et d'offrir des possibilités d'emploi aux membres de la communauté. Un responsable de l'évaluation et un responsable de la technologie travaillent dans chacun des centres d'apprentissage. Le responsable de l'évaluation gère le centre d'apprentissage, aide à déterminer le contenu en matière de santé communautaire pour les ressources sur le Web et évalue l'utilisation du centre d'apprentissage, au fil du temps. Le responsable de la technologie, en plus de maintenir l'équipement, crée et met à jour les ressources sur le site Web. Tout le personnel de la communauté a apporté une importante contribution à la vision et à l'orientation des centres d'apprentissage.

Approche : On a demandé l'approbation verbale et le soutien du chef et du Conseil de la Nation Ktunaxa, avec le principe sous-jacent selon lequel les centres d'apprentissage devaient être conçus « par et pour » les communautés.

Une mobilisation véritable nécessite une communication ouverte. L'équipe des centres d'apprentissage reconnaissait que le succès de tout projet regroupant de nombreux partenaires, qui travaillent à distance et qui sont de cultures différentes, dépend d'une stratégie de communication structurée et qui est établie conjointement. Dans ce cas-ci, la stratégie a débuté lorsque l'équipe de l'université est allée dans chaque communauté pour assister aux séances de discussion ouverte. Une fois que le personnel a été engagé pour chaque centre d'apprentissage, les équipes ont communiqué régulièrement par téléphone et par courriel, et par intermittence dans des réunions en face-à-face. Les membres de la communauté et de l'équipe de recherche ont communiqué régulièrement pour s'occuper de tâches administratives, collaborer à des activités de formation et d'éducation, résoudre des problèmes ou simplement échanger de l'information. Ils ont aussi travaillé ensemble pour guider la mise en oeuvre et l'évaluation des centres et en assurer la viabilité.

La communication régulière entre les partenaires a aidé à maintenir le cap sur les objectifs du projet. Le courriel était initialement surtout utilisé pour communiquer à tous l'information sur les délais d'exécution, les tâches et le budget, alors que le téléphone servait à faire un suivi sur des problèmes particuliers dont la résolution nécessitait une consultation immédiate. Récemment, le soutien du réseau BC Rural and Remote Health Research Network (BCRRHRN) a permis à l'équipe des centres d'apprentissage de tenir des réunions hebdomadaires au moyen de WebExFootnote 27. En plus d'offrir des connexions visuelles et audio, WebEx a aussi servi d'outil à l'équipe pour travailler en collaboration afin d'évaluer la pertinence des ressources d'information dans le domaine de la santé, de préparer et de réviser l'information appropriée dans le domaine de la santé, et de planifier des présentations en vue de conférences. Enfin, une communication en face-à-face a été utilisée stratégiquement pour la formation de l'équipe et le lancement public des centres d'apprentissage.

La nomination d'un seul responsable des communications, qui a pu assurer la continuité tout au long des travaux, a aussi été un élément essentiel pour assurer une bonne communication au sein de l'équipe. En assurant un rôle de gestionnaire et d'animateur, le responsable des communications a contribué au succès du plan de communication.

Leçons apprises

L'équipe a d'abord sous-estimé le temps nécessaire pour planifier et mettre sur pied le premier centre d'apprentissage communautaire. Le financement devait durer trois ans, et le premier centre d'apprentissage devait être en place dans les six premiers mois. Cependant, le processus complet a nécessité environ un an. L'équipe de l'Université de la Colombie-Britannique estime connaître la principale cause de ce retard : même si elle avait mis sur pied une petite équipe de gestion regroupant des personnes clés de l'arène politique des communautés, dont les directeurs et membres des conseils, les plans n'avaient pas été communiqués au reste de la communauté. L'élan qui accompagnait le processus de planification aurait dû être senti au sein de la communauté; ainsi, les membres de la communauté auraient été informés de l'initiative après l'obtention du financement des IRSC et le début du processus d'embauche.

L'équipe des centres d'apprentissage a aussi appris une leçon importante au sujet de la détermination des rôles. En 2005, lorsque l'équipe a présenté une première demande de financement aux IRSC, elle avait désigné l'un des partenaires de la communauté comme chercheur principal. À ce moment-là, dans les demandes présentées aux IRSC, il n'était pas possible de désigner un partenaire de la communauté comme chercheur principal - une restriction qui a été découverte uniquement au moment du processus d'examen des IRSC. La solution immédiate consistait à retirer le nom du partenaire de la liste des chercheurs principaux afin d'être admissible à l'examen par les IRSC. Les IRSC ont depuis modifié leurs restrictions d'admissibilité en ce qui concerne les catégories de candidats. Toutefois, si l'équipe de l'Université de la Colombie-Britannique n'avait pas déjà eu la confiance de ses partenaires de la communauté, grâce à l'initiative de télésanté, le partenariat aurait pu être dissous. Cette expérience fait ressortir le fait que des forces extérieures au partenariat immédiat peuvent influer de façon significative sur les perceptions au sein du partenariat. La communication ouverte ainsi que la confiance et le respect mutuels doivent être au coeur des relations afin de venir à bout des obstacles qui se présentent.

Résultats : Les centres d'apprentissage sont devenus de précieuses ressources pour chaque communauté. Le modèle servira à construire des centres d'apprentissage adaptés dans 14 communautés des Premières Nations au Yukon.

L'avenir des centres d'apprentissage

Les responsables de l'évaluation Ktunaxa ont travaillé avec l'équipe de chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique pour réaliser l'évaluation globale de chaque centre d'apprentissage. Selon les résultats de l'évaluation préliminaire, les centres d'apprentissage sont une ressource qui suscite un grand enthousiasme dans chaque communauté.

Jusqu'à maintenant, les enfants et les jeunes ont échangé leurs connaissances en technologie avec les adultes et les aînés qui, en retour, ont aidé les jeunes à remettre en contexte l'information qu'ils avaient découverte en ligne. Les fournisseurs de soins non professionnels de la communauté ont pu accéder à des ressources éducatives qui les ont aidés à offrir de meilleurs soins de santé. Les responsables communautaires travaillent toujours à la création de ressources pour les centres d'apprentissage et ils ont ainsi la possibilité de collaborer avec des éducateurs de la communauté pour acquérir des connaissances traditionnelles comme la langue et les remèdes ancestraux.

Ce partenariat, fondé sur le respect, a connu un tel succès que l'équipe des centres espère utiliser ce modèle pour mettre sur pied des centres d'apprentissage dans 14 communautés des Premières Nations au Yukon. La Fondation Michael-Smith pour la recherche en santé accorde le financement qui permettra à l'équipe université-Ktunaxa de se rendre au Yukon pour participer à un atelier d'échange de connaissances. Des membres des communautés de la Nation Ktunaxa et de l'équipe de l'Université de la Colombie-Britannique contribueront à la mise sur pied de ces nouveaux centres au Yukon. L'équipe des centres d'apprentissage espère que chaque membre donnera son point de vue sur la création des centres, qu'il parlera des succès et des défis inattendus et inhérents à la mise sur pied des centres, et qu'il enseignera aux autres comment les centres ont été conçus pour être autonomes.

L'équipe des centres d'apprentissage fait remarquer que, même si chaque partenaire avait les compétences pour réaliser le projet, la collaboration et la coopération entre ces derniers ont créé une synergie qui, espérons-le, sera présente dans les autres communautés à l'avenir.

Portrait d'un partenariat : Prix du partenariat des IRSC en 2008

Dawn McKenna
Directrice générale, Down Syndrome Research Foundation

La Down Syndrome Research Foundation (DSRF, ci-après nommée la Fondation), dont les bureaux sont situés à Burnaby, en Colombie-Britannique, a le vent dans les voiles. L'indépendance de la Fondation et ses relations de travail étroites avec les universités et les installations médicales fournissent des occasions exceptionnelles de collaborations de recherche interdisciplinaires et novatrices. Toutefois, ces collaborations ne se réalisent pas du jour au lendemain. Elles se sont établies au fil du temps grâce à la diligence et à la passion du personnel de la Fondation. Malgré ses débuts modestes, la Fondation a toujours veillé à ce que ses activités soient de haute qualité. Elle est maintenant un centre de recherche de classe mondiale, un prestataire de services fiables et une source crédible d'information récente, pratique et utile.

La Fondation a été établie en 1995 par la regrettée Josephine (Jo) Mills, première directrice générale. Il y a plus de trente ans, Jo travaillait comme physiothérapeute, et une grande partie de ses patients étaient atteints d'infirmité motrice cérébrale et du syndrome de Down. « Elle a alors constaté qu'il était beaucoup plus difficile d'obtenir de l'équipement et des services pour les personnes atteintes du syndrome de Down », explique Dawn McKenna, l'actuelle directrice générale de la Fondation. « Prenant toujours la part des plus faibles, elle a insisté pour que les personnes atteintes du syndrome de Down aient des soins appropriés et, en particulier, des rendez-vous chez le médecin. »

Depuis la création de la Fondation, l'effectif de l'organisme s'est accru et compte maintenant des orthophonistes, des éducateurs, des professionnels de la santé, des chercheurs, des professionnels en gestion financière et un bibliothécaireFootnote 28. Lorsqu'elle a fondé l'organisation, Jo rêvait de mettre en contact des chercheurs, des cliniciens et des éducateurs avec les familles d'enfants atteints du syndrome de Down; par conséquent, dès le début, le conseil d'administration a été établi stratégiquement pour permettre les relations entre ces groupes. Le conseil d'administration compte des gens d'affaires, des universitaires, des chercheurs, des éducateurs et des personnes dont un membre de la famille est atteint du syndrome de Down (il existe un chevauchement entre ces catégories).

« L'idée était de recruter pour l'organisation des personnes ayant des expertises différentes », fait remarquer Dawn, qui a quitté le monde des affaires pour devenir directrice des finances de la Fondation, en 1999. « L'organisation fonctionne bien. Le conseil d'administration constitue un excellent mécanisme qui gère et oriente l'organisation. Les membres du conseil d'administration nous aident à définir la portée de nos buts, mais nous sommes libres de prendre des décisions à l'interne pour atteindre ces buts. Les membres du conseil d'administration sont, bien sûr, informés de nos décisions, et la plupart d'entre eux siègent également à nos autres comités. »

En plus d'apporter des perspectives et des expertises variées au sein de l'organisation, Jo voulait regrouper l'information et la diffuser.

« La communication a toujours figuré parmi nos objectifs », affirme Dawn. « Nous voulons diffuser l'information et faire connaître nos programmes. Le but de la Fondation est de mettre en oeuvre, dans différentes régions du pays, des programmes efficaces - nous savons qu'ils sont efficaces, car nous les soumettons régulièrement à des tests. »

Pour mettre en oeuvre des programmes dans tout le pays, la Fondation a eu largement recours à des ateliers et à des conférences. « Le réseautage favorise les nouvelles idées et crée des occasions », explique Dawn, qui a présidé le 9e Congrès mondial sur le syndrome de Down, à Vancouver, en 2006. Elle a aussi aidé à organiser de nombreux ateliers et conférences, dont une rencontre regroupant 25 chercheurs de 18 universités différentes pour explorer des collaborations potentielles. « L'enthousiasme et les idées suscités par un tel événement sont incroyables; cela permet en effet à des experts de diverses disciplines d'échanger des points de vue et de concevoir de nouveaux projets de recherche. »

« L'enthousiasme et les idées suscités par des conférences sont incroyables; cela permet en effet à des experts de diverses disciplines d'échanger des points de vue et de concevoir de nouveaux projets de recherche. »

Dès la création de la Fondation, ce sont l'enthousiasme et les possibilités de collaboration qui ont incité Jo à établir des relations importantes. Elle a établi des liens avec de nombreux pédiatres et professionnels dans le domaine. Ce réseautage est à l'origine d'une relation avec un partenaire clé dans la croissance de la Fondation : l'Université Simon Fraser (l'Université).

« Cette affiliation avec l'Université n'avait pas été prévue comme telle », se souvient Dawn. « Notre relation avec l'Université a vu le jour grâce à une collaboration avec quelques chercheurs que Jo avait rencontrés lors d'ateliers et de réunions. »

Au fil des années, la relation avec l'Université s'est approfondie, et celle-ci a joué un rôle déterminant dans l'obtention du financement permettant à la Fondation d'acheter un appareil d'imagerie cérébrale de pointe. Lorsque Dawn a commencé à travailler pour la Fondation en 1999, les bureaux étaient encore installés dans une roulotte stationnée sur le terrain du Centre de santé Sunnyhill de Vancouver. Après une campagne de financement fructueuse qui a permis d'amasser trois millions de dollars pour la construction d'un centre de 12 000 pieds carrés spécialement pour la Fondation, celle-ci a fait équipe avec des chercheurs de l'Université afin d'obtenir des fonds pour l'achat d'un appareil de magnétoencéphalographie (type d'imagerie cérébrale) - une méthode non invasive et non menaçante pour mesurer l'activité fonctionnelle du cerveau. L'installation de l'appareil dans un laboratoire situé au sous-sol du centre de la Fondation a nécessité une somme additionnelle de 3,2 millions de dollars : somme fournie par des bienfaiteurs privés (0,8 M$), l'Université (0,6 M$), le British Columbia Knowledge and Development Fund (1,4 M$), et le Fonds de développement de l'Ouest canadien (0,4 M$).

Dawn fait remarquer que la Fondation n'aurait pu établir ce laboratoire sans l'aide de l'Université, qui, non seulement prend à sa charge une partie des dépenses de fonctionnement et en immobilisations, mais qui fait également profiter la Fondation de son expertise en ce qui a trait aux demandes de financement auprès d'organismes provinciaux et fédéraux. « L'Université dispose des connaissances et des ressources pour préparer les demandes de financement présentées aux organismes gouvernementaux », explique-t-elle. « Les subventions sont versées à une université désignée établissement hôte; par conséquent, sans l'Université, la Fondation n'aurait été admissible à aucun financement. »

Des groupes de chercheurs de l'Université sont les principaux utilisateurs de l'appareil de magnétoencéphalographie, et l'Université demeure l'établissement hôte qui reçoit les paiements de transfert des subventions de fonctionnement destinées au laboratoire de magnétoencéphalographie. Les relations entre la Fondation et l'Université ne se limitent pas au partage des ressources. Les chercheurs principaux de la Fondation, qui sont titulaires de charge à l'Université Simon Fraser et à d'autres universités et hôpitaux du Canada et des États-Unis, sont des scientifiques qui apportent une contribution constante à la Fondation. Ils contribuent par leurs activités de recherche et de formation et appuient aussi l'infrastructure de recherche de la Fondation en participant à des comités permanents et à des programmes de subventionsFootnote 29.

La Fondation veille également à la dissémination des résultats de la recherche réalisée à son centre. Elle produit et distribue ses propres bulletins trimestriels et collabore, avec la fédération Down Syndrome International, à la publication d'une revue destinée aux professionnels dans le domaine. La Fondation a aussi une bibliothèque contenant plus de 1600 livres, articles de journaux, vidéos et DVD sur le syndrome de Down, qui peuvent être empruntés par tous les membres inscrits à la Fondation, au Canada. La Fondation organise, chaque année, une journée à l'intention des familles. Cette journée a pour but d'informer les familles et autres aidants des plus récents résultats de recherche, et constitue une excellente occasion pour les chercheurs de communiquer avec les familles, de présenter de nouveaux résultats techniques en termes simples et d'envisager des applications possibles et des stratégies d'interventionFootnote 30.

Malgré toutes ces activités, il est étonnant de constater qu'il n'y a pas de personnel chargé des communications ou de l'application des connaissances, au sein de l'organisation. Selon Dawn, les employés et le conseil d'administration ont la passion et la créativité nécessaires pour diffuser l'information là où il se doit. « Notre « gourou »de l'information est notre bibliothécaire, qui possède une maîtrise en bibliothéconomie », explique Dawn. « Par ailleurs, nos stratégies d'application des connaissances ou de communication font généralement l'objet d'une discussion à l'interne ou au cas par cas. » Les résultats de recherche et l'information sur les programmes pilotes de la Fondation sont diffusés à la communauté au moyen d'ateliers, du site Web, de conférences avec les organismes du réseau, d'affiliations avec les gouvernements, et par les moyens de communication habituels avec les universités et la communauté.

« Sachez ce que vous voulez accomplir avant de rencontrer un nouveau partenaire et tentez de lui communiquer votre enthousiasme pour ce que vous faites. »

Même le centre de la Fondation a été conçu pour promouvoir la collaboration et l'application des connaissances. L'immeuble a été pensé pour appuyer les interactions fructueuses entre les familles, les chercheurs, les éducateurs et les cliniciens. Le centre comprend la réception et un hall, la bibliothèque de la Fondation, des aires de jeu intérieures et extérieures, des cliniques, des bureaux, des salles de classe, des salles d'évaluation et de formation, ainsi que des laboratoires de recherche. La Fondation veut créer un milieu dynamique où les chercheurs et les cliniciens travaillent ensemble avec les personnes touchées et leur famille pour mettre en application les connaissances générées par la rechercheFootnote 31. Le fait que les chercheurs peuvent avoir accès quotidiennement aux familles dans un milieu bienveillant et chaleureux a fait naître une culture de respect mutuel et améliore la communication et la collaboration. De plus, la Fondation engage et forme des personnes trisomiques, ce qui permet aux chercheurs de voir directement les différentes habilités de ces personnes ainsi que les défis uniques qu'elles doivent relever au quotidien. Ce contact avec la réalité a eu une influence tant sur les attitudes que sur les paradigmes de recherche.

Tout en insistant sur la nécessité de fonder toute relation sur la confiance et la communication ouverte, Dawn suggère à toute personne souhaitant établir une relation de travail avec une université ou une équipe de recherche de commencer d'abord par une conversation. « Sachez ce que vous voulez accomplir avant de les rencontrer et tentez de leur communiquer votre enthousiasme pour ce que vous faites. »

Le dévouement de la Fondation illustre parfaitement comment des partenariats de recherche bien menés peuvent transformer de grands rêves en réalité; c'est pour cette raison qu'elle a remporté le Prix du partenariat des IRSC en 2008. La Fondation est un modèle exceptionnel de partenariat de recherche et de collaboration parce qu'elle permet de réaliser de la recherche et s'engage à appliquer les résultats de cette recherche pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes.

L'initiative Youth Pathways Project : user de créativité pour aller à la rencontre des jeunes de la rue de Toronto

Patricia G. Erickson, Ph.D.
Scientifique principale, Centre de toxicomanie et de santé mentale
Professeure de sociologie et de criminologie
Université de Toronto

Katharine King, M.A.
Candidate au doctorat
Département de sociologie
Université York

Lori E. Ross, Ph.D.
Chercheuse
Section de l'équité sociale et de la recherche en santé
Centre de toxicomanie et de santé mentale

Christine Wekerle, Ph.D.
Professeure agrégée
Faculté d'éducation
Université Western Ontario

Nous connaissons peu de choses sur les interventions efficaces auprès des adolescents extrêmement vulnérables dans des milieux à risques élevés parce qu'ils vivent dans la rue ou en situation d'itinérance. Selon des études menées chez les jeunes sans-abri, la polytoxicomanie et des problèmes de santé mentale et physique sont souvent présents simultanément chez les membres de cette population. Cependant, des taux élevés de toxicomanie peuvent être considérés comme des mécanismes d'adaptation; beaucoup de ces jeunes ont été victimes de violence ou d'agressions sexuelles dans leur famille. En raison de telles expériences, il est possible que ces jeunes s'attendent à être prises pour victimes ou aient de la difficulté à établir des relations étroites et de confianceFootnote 32.

Enjeu : Les adolescents vivant en situation d'itinérance ou dans la rue sont une population vulnérable avec qui établir un contact est difficile. Nous connaissons peu de choses sur les interventions efficaces qui pourraient les amener à une vie adulte plus stable et plus saine.

Afin d'étudier ces enjeux complexes, on a réuni dans le cadre de l'initiative Youth Pathways Project (l'initiative), une équipe de recherche multidisciplinaire (l'équipe) et des intervenants de première ligne travaillant auprès des jeunes sans-abri. S'intéressant aux jeunes de la rue de Toronto (Ontario), l'initiative a généré de nouvelles connaissances sur les caractéristiques des jeunes sans-abri et sur les facteurs qui les conduisent à une vie adulte plus stable et plus saine ou qui, inversement, les mènent à continuer de vivre dans la rueFootnote 33.

L'étude comportait aussi un volet qualitatif sur les expériences des jeunes dans la rue, et cela a permis à ces derniers de parler de leur expérienceFootnote 34. L'équipe a interrogé 150 adolescents pour en savoir davantage sur leur qualité de vie dans la rue; elle a été étonnée de leur franchise et de la facilité avec laquelle ils s'exprimaient. Les jeunes ont fait preuve de beaucoup d'introspection, à la fois lorsqu'ils parlaient des nombreux problèmes relevés par l'équipe de chercheurs et dans la façon dont leurs récits apportaient des nuances aux résultats de recherche. Cette découverte a mené à une stratégie novatrice pour faire connaître les résultats de la recherche et les expériences des jeunes.

Au fil des mots...

L'initiative a été réalisée grâce au financement de la recherche par les IRSC et le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). Lorsque les entrevues de la phase initiale ont été terminées, l'équipe de recherche a réussi à obtenir des fonds supplémentaires du CRSH pour diffuser les récits de ces jeunes en créant un site Web (en anglais seulement). Maintenant complètement opérationnel, le site diffuse les récits des jeunes et présente en partie les résultats de l'étude dans les mots des jeunes de la rue et des sans-abri.

Conçu pour faire connaître les problèmes des jeunes sans-abri, réduire la stigmatisation et la discrimination auxquelles ils doivent faire face quotidiennement et donner aux jeunes les moyens de trouver des ressources en santé ou autres dont ils ont besoin, le site Web est exceptionnel, car il est à la fois adapté aux jeunes et fondé sur des données probantes. Les résultats de l'étude y sont présentés dans trois rapports faciles à lire et destinés aux jeunes, aux fournisseurs de services et au grand public. La principale portion du site Web présente des récits, des poèmes, des dessins et des citations fournis par les jeunes; le site permet aux jeunes de la rue de communiquer leurs expériences aux responsables des politiques, aux éducateurs, aux membres du public, aux fournisseurs de services et aux autres jeunes qui pourraient être à risque.

Solution : Donner aux jeunes de la rue la possibilité de communiquer leurs expériences par la création.

Prendre son essor grâce aux partenariats

L'initiative au complet, notamment l'étude et la création du site Web, a été réalisée en collaboration. Les chercheurs et le personnel ont mis en commun leur expertise en psychologie, en psychiatrie, en sociologie, en travail social et en éducation pour concevoir et mettre en oeuvre l'initiative. La formation du partenariat entre les chercheurs et les organismes communautaires a été facilitée par les relations qui existaient déjà entre les chercheurs et les dirigeants et chercheurs des sociétés d'aide à l'enfance. Ces derniers connaissaient les intervenants de première ligne qui travaillaient auprès des jeunes de la rue, et c'est ainsi qu'un partenariat multidimensionnel a vu le jour.

L'équipe a constaté l'enthousiasme des organismes communautaires pour la possibilité d'accueillir un projet de diffusion de récits sur le site Web. Ces organismes ont été choisis parmi ceux participant à l'étude et en fonction des critères suivants : clientèle suffisante des services sans rendez-vous, programmes permanents d'éducation et de création et espace suffisant.

L'équipe de recherche a trouvé plusieurs auteurs de la région qui écrivent pour un jeune public ou sur des sujets intéressant les jeunes. Un des membres de l'équipe, Katharine King, elle-même essayiste, a sollicité des écrivains pour participer à l'initiative. Les auteurs ont accepté de bon gré d'animer un atelier avec les jeunes de la rue. Pour chaque séance, l'équipe de chercheurs avait demandé aux auteurs de concevoir des exercices d'écriture qui encourageraient les jeunes à interagir entre eux et à faire preuve de créativité pour parler de leur expérience de la rue.

Organisation, mise en oeuvre et apprentissage

L'équipe a préparé les ateliers d'écriture en consultation avec les partenaires communautaires afin de s'assurer qu'il y avait l'espace nécessaire et que les ateliers cadraient bien avec les programmes permanents offerts aux jeunes (tant en ce qui a trait à l'horaire qu'au contenu des programmes actuels de création). L'équipe a pris soin de ne pas détourner les jeunes des programmes en cours ni de répéter des programmes qui existent déjà; elle a conçu des ateliers pour compléter les programmes habituels.

Les ateliers ont pris différentes formes dans différents organismes; l'équipe est restée souple et sensible aux besoins de chaque organisme hôte. Par exemple, un organisme a utilisé l'atelier pour attirer un grand nombre de jeunes et leur présenter l'ensemble des services qui leur sont offerts; un autre a limité la participation aux jeunes qui s'intéressaient à un type de création en particulier afin de donner plus d'attention à chaque participant. Les ateliers ont aussi été incorporés au programme des organismes afin que ces derniers continuent de les offrir, même au terme du financement de l'initiative.

Les ateliers en soi se sont révélés un processus d'apprentissage. Par exemple, le deuxième atelier n'a pas bien fonctionné : il faisait chaud, la salle était étroite et bondée, l'auteur avait du mal à suivre le fil de ses idées et à capter l'attention des jeunes, et certains participants étaient indisciplinés ou parlaient entre eux. En conséquence, tout le monde avait l'air agité ou mal à l'aise.

Approche : Combiner les forces d'une équipe de recherche, d'organismes communautaires et d'auteurs de la région pour mettre en oeuvre des programmes viables donnant aux jeunes de la rue la chance de s'exprimer par la création et de découvrir les autres ressources utiles auxquelles ils ont accès.

Découragée, mais déterminée à travailler au succès des ateliers, l'équipe a abordé le personnel de l'organisme en question pour discuter des changements à apporter en vue d'améliorer le processus. Même si personne ne voulait que les ateliers donnent aux jeunes l'impression d'être en salle de classe, tout le monde convenait qu'il fallait établir certaines limites et règles de base afin d'assurer une communication respectueuse entre les participants de l'atelier. Le personnel de l'organisme et l'équipe ont décidé de créer une feuille d'inscription pour chaque activité et d'imposer un strict maximum quant au nombre de participants. Le personnel de l'organisme et l'équipe ont convenu que les ateliers seraient des « travaux en cours » et que la communication entre les deux parties resterait ouverte pour toujours pouvoir apporter les modifications nécessaires.

En tout, sept ateliers d'écriture ont été offerts; cela a permis d'entrer en contact avec une cinquantaine de jeunes, dont certains ont participé à tous les ateliers. Les décisions concernant l'orientation des ateliers ont été prises lors de réunions en face à face avec l'équipe et les dirigeants des organismes concernés; des contacts réguliers et fréquents ont permis d'établir la confiance et de favoriser la communication ouverte. Les organismes ont approuvé le choix des auteurs et la formule des ateliers, tout en laissant beaucoup de souplesse à l'équipe. Les organismes ont fourni les locaux et la nourriture et ils ont profité de la tenue des ateliers pour annoncer les autres programmes qu'ils offraient aux jeunes; ainsi, tous les partenaires ont pu poursuivre leurs objectifs.

Récits des jeunes de la rue de Toronto

Durant la période où se déroulaient les ateliers, les membres de l'équipe se sont réunis toutes les semaines pour s'assurer que tout se passait bien, et pendant la création du site Web, ces réunions ont aussi permis de préparer le plan convenu pour la présentation du contenu au concepteur.

Résultats : Le site Web consacré aux récits des jeunes de la rue de Toronto a été créé pour montrer le travail des jeunes, expliquer les résultats de l'étude et informer les jeunes de la rue des services de santé ou autres qui leur sont offerts.

L'équipe a tiré profit de ses relations avec la communauté pour faire connaître le site Web. Les moyens suivants ont été utilisés pour faire la promotion du site : affiches dans les locaux des organismes communautaires, cartes remises aux jeunes après les ateliers d'écriture, hyperliens à partir d'autres sites Web et blogues, et publicité lors de conférences et d'ateliers en milieu universitaire. Le suivi des appels de fichiers a commencé au début de 2008 et, en février 2009, le nombre d'appels de fichiers avait atteint 800.

Afin de remédier à une lacune observée dans les sites Web visant les jeunes de la rue, l'équipe a aussi élaboré une liste exhaustive des services, incluant les services de santé, pour les jeunes de la rue de la région du Grand Toronto. Bien qu'il existe de l'information sur les jeunes de la rue s'adressant aux prestataires de services et aux chercheurs, il y a peu d'information destinée aux jeunes mêmes. Le but de l'équipe est de faire en sorte que les jeunes aient accès à l'information nécessaire en leur donnant les moyens de trouver les ressources qui sont à leur disposition.

Pour le lancement attendu du site Web à l'automne 2007, l'équipe a eu recours aux services d'un coordonnateur de la promotion et des relations avec les médias pour diffuser des communiqués aux médias locaux et inviter un large éventail de personnes travaillant auprès des jeunes de la rue de Toronto, notamment des chercheurs, des prestataires de services et des intervenants ayant une influence sur les politiques. Les nombreuses personnes présentes au lancement ont pu savourer un goûter, faire du réseautage, voir une présentation de diapositives sur les créations des jeunes et entendre des jeunes lire leurs récits et leurs poèmes.

Une telle initiative avec ses volets multiples - de l'étude initiale, aux ateliers de création et au lancement du site Web - n'aurait pas été possible sans le dévouement et la collaboration des chercheurs, des dirigeants des organismes, des travailleurs de première ligne et, surtout, des jeunes. En utilisant les deux méthodes, soit l'application des connaissances intégrée et l'application des connaissances en fin de subvention, l'équipe a tiré parti de partenariats pour inclure des groupes d'approche difficile et donner une voix aux jeunes marginalisés.

Portrait d'un partenariat : Prix du partenariat des IRSC en 2005

Dr Robert Brunham et Dr Brett Finlay

Pendant de nombreuses années, les experts en médecine ont craint une pandémie, soit l'éclosion meurtrière d'un nouveau virus ou d'un virus mutant qui se répandrait rapidement dans la population avant même que l'on n'ait pu mettre en place les moyens de protection nécessaires. En 2002, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) est apparu en Chine et s'est répandu mondialement en quelques semaines. Au Canada, on estime qu'il y a eu 438 cas, dont 44 décès; le SRAS a mis le système de santé publique à rude épreuve. Des infirmières et d'autres travailleurs de la santé de première ligne ont contracté l'infection, ce qui a soulevé des questions quant à l'efficacité des méthodes de quarantaine. Le nombre de cas posait à lui seul un défi de taille pour les établissements de la région qui devaient contenir la pandémie et lutter contre l'infectionFootnote 35.

Le milieu scientifique canadien a réagi rapidement pour aider à combattre le SRAS. Le 12 avril 2003, les chercheurs du Michael Smith Genome Sciences Centre étaient les premiers à séquencer le virus du SRAS, devançant même les Centres for Disease Control aux États-Unis. Deux semaines plus tard, le gouvernement de la Colombie-Britannique fournissait une subvention de démarrage de 2,6 millions de dollars pour l'Initiative de mise au point accélérée d'un vaccin contre le SRAS (SAVI, d'après le nom anglais SARS Accelerated Vaccine Initiative). Ont participé à cette initiative 12 universités et établissements du Canada, ainsi que le Réseau de centres d'excellence en génie protéique, Santé Canada, le Consortium canadien de recherche sur le SRAS, un laboratoire de biosécurité de niveau 3 aux États-Unis et le Centre de lutte contre la maladie de la province de Guangdong en Chine. L'initiative SAVI a été créée afin de mettre au point un vaccin efficace contre le SRAS, le plus rapidement possible, et de produire un nouveau modèle de collaboration scientifique accélérée pour répondre plus efficacement aux besoins en matière de santé publique.

La plupart des groupes de recherche dans le monde choisissent une méthode particulière et connue pour la recherche sur un vaccin. Cependant, l'équipe de SAVI a choisi de travailler simultanément sur trois approches et de décider laquelle devrait faire l'objet d'essais chez l'humain uniquement après avoir comparé les trois vaccins sur des modèles animaux appropriés.

« Nous nous sommes immédiatement rendu compte que si nous voulions arriver à une approche efficace pour la conception d'un vaccin contre le SRAS, nous devions faire les choses différemment », se souvient le Dr Brett Finlay, directeur scientifique de SAVI, professeur au Département de biochimie et de biologie moléculaire et au Département de microbiologie et d'immunologie de l'Université de la Colombie-Britannique, professeur avec Michael Smith Laboratories, et membre du conseil d'administration des IRSCFootnote 36. « Les mécanismes habituels de la recherche n'allaient pas fonctionner. »

Ces mécanismes habituels sont assortis d'un luxe que nous n'avions pas : le temps. Les procédures habituelles pour l'obtention de subventions, soit à partir de la préparation de la demande à la réception des fonds nécessaires au travail en laboratoire, prennent habituellement plus d'un an. Ces procédures ne pouvaient simplement pas s'appliquer à SAVI.

« La mise au point de vaccins et d'autres produits thérapeutiques nécessite au moins une dizaine d'années et coûte des centaines de millions de dollars », expliquent le Dr Finlay et le Dr Robert Brunham, directeur adjoint de SAVI, professeur à la Faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique et directeur exécutif provincial du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (un organisme de la régie provinciale des services de santé).. « Il fallait trouver une solution pratique contre le SRAS, avant le début de la prochaine saison d'infections respiratoires virales. »Footnote 37

Pour faire face à la crise du SRAS, il a fallu établir rapidement des mécanismes de financement afin que des travaux de recherche appropriés puissent être menés en temps opportun. Lorsque SAVI a été créée, la Fondation Michael-Smith pour la recherche en santé (l'organisme de financement provincial pour la Colombie-Britannique) a géré et distribué les 2,6 millions de dollars provenant du gouvernement de la Colombie-Britannique. On a eu recours à un comité de haute gestion composé de cinq scientifiques éminents pour créer un mécanisme d'examen rapide des demandes et accorder les subventions. On a demandé aux chercheurs de présenter des demandes de financement brèves et ciblées et, une fois l'évaluation des demandes terminée, les fonds ont été versés directement aux candidats retenus - habituellement, 24 heures après la présentation de la demande.

« La collaboration entre les professionnels de la santé publique et les chercheurs est essentielle pour trouver des solutions aux situations d'urgence en santé publique. »

Devant le SRAS, l'équipe de SAVI a utilisé une approche non conventionnelle inspirée d'un modèle de gestion des situations d'urgence, en dirigeant des activités simultanément (plutôt que consécutivement, comme c'est habituellement le cas) au sein d'un programme coordonné et très ciblé et en désignant des chefs pour les projets clés. Pour répondre à l'éclosion de nouvelles maladies infectieuses, il faut une approche qui guide directement la démarche scientifique vers une solution pratique au problème et qui permet de résoudre parallèlement les problèmes connexes. La pandémie de SRAS nous a fourni l'occasion parfaite de mettre au point une telle approcheFootnote 38. Cette innovation est la raison pourquoi ils ont remporté le Prix du partenariat des IRSC en 2005. « La collaboration entre les professionnels de la santé publique et les chercheurs est essentielle pour trouver des solutions aux situations d'urgence en santé publique », affirme le Dr Brunham. « Des fondements scientifiques solides permettent de bien relever les défis en matière de santé publique et offrent la meilleure défense contre la maladie. »

L'équipe de SAVI a mis sur pied son propre comité de haute gestion dont les membres avaient beaucoup d'expérience dans les domaines des vaccins contre les coronavirus chez les animaux, l'épidémiologie, les essais cliniques et les mécanismes de financement de subventions. L'équipe a adopté une approche descendante en matière de gestion, une approche qui faisait appel à l'équipe de gestion et aux chefs de chaque projet, et a mis au point des stratégies de recherche parallèles pour atteindre le but ultime : la mise au point d'un vaccin. Ce modèle a permis à l'équipe de SAVI de trouver des candidats pour le vaccin, de s'occuper des possibilités d'essais cliniques, de négocier les affaires réglementaires et d'établir, en même temps, des collaborations internationales.

Dès le départ, il était évident que pour pouvoir travailler en parallèle, les chefs de projet de l'équipe SAVI devaient rester en contact. Les membres de l'équipe étaient dispersés dans diverses régions de la Colombie-Britannique et du Canada. Pour rester en communication, le groupe a tenu des téléconférences hebdomadaires. « Les appels devaient durer une heure seulement et porter sur des sujets essentiels, c'était là une règle inflexible », mentionne le Dr Finlay. « Les gens savaient que le temps allait être bien utilisé. »

Les Drs Brunham et Finlay estiment que ces téléconférences étaient essentielles pour soutenir le rythme de l'initiative et maintenir sa lancée. Grâce à cette communication régulière, les chefs de projet de SAVI ont compris comment les autres composantes de l'initiative étaient menées et, lorsqu'il y avait chevauchement entre les différents travaux, ces téléconférences permettaient aux équipes de tirer parti de l'expérience des autres. Des symposiums ont été tenus tous les six mois afin que tous les collaborateurs de SAVI soient informés des progrès réalisés dans les différents volets de l'initiative.

« Tous les scientifiques étaient prêts à mettre leur expertise à contribution pour travailler à la réalisation d'un but commun, sans gain individuel évident dans l'immédiat. »

La communication avec les médias était tout aussi importante. Les médias ont accordé beaucoup d'attention à l'éclosion du SRAS, d'où le nombre important de demandes de mises à jour sur les progrès de la recherche. L'équipe SAVI a embauché un employé à temps partiel pour s'occuper des relations avec les médias de façon responsable. Un site Web (en anglais seulement) a aussi été créé pour expliquer la nature du travail de l'équipe et, chaque semaine, faire le point sur les progrès de l'initiative. L'équipe voulait répondre aux médias relativement à son travail (sans toutefois tout exposer dans le détail); c'est pourquoi, lors des téléconférences hebdomadaires, on discutait d'un message commun qui pouvait, si nécessaire, être communiqué aux médias au cours de la semaine.

L'expérience de SAVI au Canada permet de démontrer l'efficacité du paradigme « recherche d'intervention rapide » pour faire face à une épidémie. La formule a été rapidement acceptée par tous les chercheurs qui ont été approchés pour participer à l'initiative. De plus, des universitaires oeuvrant dans d'autres domaines ont gracieusement donné de leur temps et offert leur expertise pour résoudre des problèmes connexes. « Tous les scientifiques étaient prêts à mettre leur expertise et une partie des ressources de leur laboratoire à contribution pour travailler à la réalisation d'un but commun, sans gain individuel évident dans l'immédiat », explique le Dr FinlayFootnote 39.

Les leçons tirées de SAVI peuvent constituer un modèle de coopération et de coordination internationales pour faire face aux futures éclosions de maladies. L'OMS a joué un rôle de premier plan tout au long de la pandémie de SRAS, suivant l'évolution de la maladie et convoquant des réunions de chercheurs qui étudiaient les moyens de diagnostic et les vaccins potentiels. Il s'agit d'une possibilité de réseautage exceptionnelle. « Dans une situation idéale, l'expertise mondiale serait coordonnée, mais cela pose des problèmes logistiques et politiques », affirme le Dr Finlay. La coopération et la coordination internationales sont essentielles pour éviter le chevauchement et le double emploi des efforts et pour diffuser les résultats. Au cours des prochaines épidémies, il sera essentiel de mener de la recherche d'intervention rapide et coordonnée à l'échelle internationale afin de trouver de nouveaux moyens de combattre ces fléaux »Footnote 40.

Le Dr Finlay n'hésite pas à souligner que l'équipe de SAVI était constituée de personnes extraordinaires. « Nous avions un groupe merveilleux à tous les égards; ce sont véritablement le talent et le travail assidu de chacun qui ont mené au succès de l'initiative SAVI. » Finalement, ce succès illustre comment des techniques de gestion des situations d'urgence associées à la recherche d'intervention rapide constituent une approche des plus efficaces pour faire face aux nouvelles maladies infectieuses.

« Finalement, le SRAS et la SAVI nous ont appris que, dans notre lutte contre les maladies infectieuses émergentes, ce sont la communication et la collaboration qui priment », conclut le Dr Brunham. « Personne ne vit en vase clos – Voilà un adage que les chercheurs et les professionnels de la santé publique devraient prendre à coeur dans notre monde branché. »

Établir des partenariats pour améliorer le dépistage et le traitement de la dépression durant la grossesse et le post-partum

Angela Bowen, IA, Ph.D., Nazeem Muhajarine, Ph.D., et Fleur Macqueen Smith, candidate à la maîtrise,
Université de la Saskatchewan

Équipe de recherche ayant participé à l'étude Feelings in Pregnancy and MotherhoodFootnote 41
Programme de santé mentale maternelle, Saskatoon (Saskatchewan)Footnote 42

Même si la grossesse est habituellement un moment heureux pour les femmes, elle peut aussi être une période difficile et douloureuse. Pour mesurer et comprendre la dépression durant et après la grossesse, le Dr Nazeem Muhajarine, chef du Département de santé communautaire et d'épidémiologie de l'Université de la Saskatchewan et chercheur avec le Saskatchewan Population Health and Evaluation Research Unit (Centre d'excellence en recherche sur la santé de la population et l'évaluation), et la Dre Angela Bowen, professeure adjointe à l'École des sciences infirmières de l'Université de la Saskatchewan, ont codirigé une équipe de chercheurs pour mener une étude portant sur les sentiments des femmes pendant et suivant la grossesse, intitulée "Feelings in Pregnancy and Motherhood" (en anglais seulement).

Enjeu : Les femmes qui sont déprimées durant la grossesse et le post-partum ont besoin d'aide professionnelle et de traitement immédiats, mais il y a très peu de programmes qui offrent ces services.

En 2005, l'équipe de recherche a reçu du financement des IRSC pour recruter 650 femmes au début de leur grossesse, à Saskatoon (Saskatchewan). Pour chaque femme, l'équipe de recherche a effectué un dépistage de la dépression deux fois durant la grossesse et une fois au début du post-partum afin de comprendre comment la dépression peut évoluer au cours de la grossesse et du post-partum. Les chercheurs tentaient aussi de comprendre les déterminants de la dépression et les facteurs associés à celle-ci tout au long de la grossesse.

En concevant l'étude, les chercheurs étaient conscients qu'ils allaient trouver des femmes qui pourraient avoir besoin d'aide professionnelle immédiate. Ils ne voulaient pas se trouver dans la situation où ils reconnaîtraient qu'une femme a besoin de services médicaux sans avoir les moyens de l'aider. Le fait d'apprendre que l'étude fournirait de l'information pour mettre au point de meilleurs services de santé pour l'avenir apporterait bien peu de soulagement à une femme enceinte, assise dans le bureau d'un interviewer en quête d'aide. Les chercheurs ont donc demandé d'avoir des partenaires pour offrir à ces femmes l'aide nécessaire.

Établissement du partenariat

Dès le début, l'équipe de recherche a établi des liens étroits avec les intervenants en santé mentale et en santé maternelle de la région sanitaire de Saskatoon. Ce partenariat avait pour but d'informer les principaux fournisseurs de soins de santé et administrateurs de la communauté, de l'étude portant sur les sentiments des femmes pendant et suivant la grossesse et des répercussions qu'il y aurait si, dans le cadre de cette étude, on découvrait des femmes enceintes ou de nouvelles mamans souffrant de dépression. Le partenariat avait deux objectifs principaux : 1) mettre au point un mécanisme pour adresser les femmes qui en ont besoin à des soins immédiats et à du soutien professionnel; 2) sensibiliser davantage les fournisseurs de soins primaires à la dépression au cours de la grossesse et du post-partum pour être en mesure de la reconnaître et d'aider les patientes à se faire traiter.

Au début de l'étude, l'équipe a formé un comité consultatif regroupant des membres de la région sanitaire; grâce à des rencontres tenues deux fois par année, les décideurs ont pu communiquer leurs idées régulièrement et se tenir au courant des nouveaux résultatsFootnote 43. L'équipe a aussi recruté un psychiatre, ainsi que des membres de comité qui étaient des administrateurs et des gestionnaires de première ligne de programmes connexes. Forte de ses 20 années d'expérience au sein de la région sanitaire en tant qu'infirmière autorisée, gestionnaire et éducatrice, la Dre Bowen jouissait d'une solide crédibilité qui a facilité le processus de recrutement. Elle savait avec qui communiquer et connaissait le contexte de la prestation des services de santé; ses relations ont facilité les contacts avec les gestionnaires et l'établissement de partenariats. De plus, le Dr Muhajarine et la Dre Bowen sont tous les deux très bien connus dans la communauté, car leurs travaux de recherche aident les décideurs et orientent les politiques et les pratiques. Ce sont des chercheurs passionnés et engagés, et leur enthousiasme est des plus contagieux.

L'équipe de recherche était consciente que les membres du comité consultatif étaient des administrateurs très occupés et elle voulait que leur temps soit utilisé judicieusement. C'est pourquoi les réunions portaient sur des points précis et étaient tenues uniquement lorsque l'équipe de recherche jugeait nécessaire de consulter ou d'aviser les membres du comité. Ce sont les chercheurs principaux et le personnel de recherche, non le comité consultatif, qui se sont chargés des activités quotidiennes de l'étude.

Le groupe consultatif a été créé principalement pour déterminer comment on pourrait aider les femmes chez qui on détecterait une dépression dans le cadre de l'étude. Dans une réunion tenue au début du processus, les membres du groupe ont créé un diagramme représentant tous les moyens qu'une femme pourrait utiliser pour obtenir de l'aide ou comment un interviewer pourrait aider une femme qui en a besoin. Au cours de cette réunion, le gestionnaire des services d'accueil en santé mentale de la région sanitaire a offert d'être le premier point de contact à qui les interviewers pourraient adresser les femmes enceintes ayant besoin d'une évaluation approfondie ou d'un traitement, selon la priorité. Au moment où ce service d'aiguillage a été mis en place, il n'y avait pas de services de santé mentale particuliers pour les femmes enceintes. Pourtant, les études menées à l'échelle locale par la Dre Bowen et le Dr Muhajarine confirmaient les résultats d'autres études : sur les 4000 femmes qui donnent naissance à un enfant dans la région sanitaire de Saskatoon, environ 800 (une sur cinq) peuvent avoir besoin de ces services spécialisésFootnote 44.

Solution : Faire équipe avec des chercheurs, des femmes qui ont souffert de dépression durant leur grossesse ou le post-partum et des administrateurs de la région sanitaire pour mettre sur pied un nouveau service de santé.

Le partenariat mène à la création d'un service de santé

La recherche a aussi montré que les femmes qui reçoivent de tels soins dans un cadre de soins de santé primaires se sentent moins stigmatisées. Au fur et à mesure que l'étude progressait, différents membres du comité consultatif ont commencé à s'interroger sur les moyens d'offrir ces services spécialisésFootnote 45. La région sanitaire et l'Université de la Saskatchewan venaient alors tout juste d'ouvrir le centre de soins de santé primaires West Winds, et cela a semblé être l'endroit idéal pour offrir ces services spécialisés.

L'équipe de recherche a organisé un atelier d'une demi-journée avec des administrateurs, des femmes qui avaient déjà souffert de dépression durant leur grossesse ou le post-partum, le comité consultatif et d'autres intervenants pour solliciter des opinions sur les priorités du programme et les services potentiels. Quelques animateurs ont été recrutés pour guider les discussions en petits groupes sur le fonctionnement du programme. Les femmes qui avaient eu une dépression durant leur grossesse ou le post-partum ont été placées dans le même groupe, sans professionnel de la santé, pour qu'elles puissent se sentir plus à l'aise de parler ouvertement de leurs besoins et des obstacles qu'elles ont eu à surmonter dans le passé. On a tenu compte des idées exprimées lors de cet atelier pour la conception du programme.

En septembre 2006, le programme de santé mentale maternelle (MMHP selon le nom anglais Maternal Mental Health Program) était mis en oeuvre au centre de santé West Winds. Ce programme réunit une psychiatre et des professionnels en santé mentale une fois par mois. Comme l'équipe ne disposait d'aucun financement pour le MMHP comme tel, elle a dû faire preuve de créativité et a regroupé des intervenants intéressés et animés par les mêmes idées afin de créer un nouveau service à partir des services existants. Les choses ont été facilitées par le fait que l'équipe avait déjà travaillé avec plusieurs personnes clés par l'entremise de son conseil consultatif. Le programme offre aux femmes un service de consultation avec une psychiatre, la Dre Marilyn Baetz, spécialiste des troubles de l'anxiété et de l'humeur, et un suivi par un psychologue en santé clinique et une infirmière-thérapeute. Des résidents en médecine familiale, en psychologie et en sciences infirmières, et d'autres étudiants des cycles supérieurs participent aussi aux soins. Le programme est aussi doté d'un comité consultatif composé de professionnels de la santé et de femmes qui ont déjà souffert d'une dépression durant leur grossesse ou après la naissance de leur enfant.

Communication et application des connaissances

Pour aider à faire connaître l'étude Feelings in Pregnancy and Motherhood, l'équipe de recherche a publié des bulletins trimestriels. Rédigé par Kathy Pierson, coordonnatrice de l'étude, et la Dre Bowen, avec la participation du Dr Muhajarine, le bulletin était distribué aux membres du comité consultatif, à l'équipe de recherche et aux fournisseurs de soins de santé de la région sanitaire qui aidaient l'équipe à faire du recrutement (médecins de famille, obstétriciens, gestionnaire de programmes prénataux et service de santé des étudiants de l'Université de la Saskatchewan). Chaque numéro présentait une mise à jour du nombre de femmes participant à l'étude, de l'information sur la dépression durant la grossesse et le post-partum, les nouveaux résultats de l'étude, le nom des gagnants des tirages trimestriels organisés pour encourager le recrutement et d'autres sujets d'intérêt comme de l'information sur l'utilisation de médicaments durant la grossesse.

Approche : L'équipe de recherche a tiré parti de partenariats pour créer un nouveau service de santé à partir de services existants et diffuser de l'information utile sur la dépression durant la grossesse et le post-partum.

L'ouverture du MMHP a fait l'objet de publicité dans le bulletin et auprès des femmes et des intervenants de Saskatoon. La Dre Bowen animait des réunions mensuelles au MMHP afin d'aborder des questions comme les effectifs du programme et les façons d'inclure les clientes dans les activités du programme; les procès-verbaux de ces réunions étaient envoyés à tous les membres du comité et aux administrateurs concernés de la région sanitaire. Les réunions du comité consultatif sont maintenant animées par un employé de la région sanitaire.

Entre septembre 2006 et septembre 2008, le MMHP a fourni des soins à plus de 170 femmes durant la grossesse et le post-partum, en les accueillant à la clinique West Winds, par des consultations téléphoniques et du soutien à un groupe localFootnote 46. Il s'agit d'un nombre important de femmes qui, auparavant, n'avaient pas accès à de tels services spécialisés. La mise sur pied de ce nouveau service de santé montre, preuves à l'appui, les retombées que peut avoir la recherche lorsque l'on fait appel à des praticiens et à des responsables des politiques, au début de la recherche et souvent au cours de celle-ciFootnote 47,Footnote 48.

Les décideurs, par leur participation continue au conseil consultatif et dans la communauté, ont pu établir un climat d'échange et de confiance avec les chercheurs : un élément essentiel pour travailler en collaboration. Le service n'aurait pas vu le jour sans la participation directe du personnel de la région sanitaire qui a accepté de réorganiser et de consacrer de nouveau des ressources pour aider les femmes qui participaient à l'étude et, plus tard, au programme. Les résultats initiaux de l'étude, qui faisaient ressortir la nécessité de tels services, ont fourni des preuves qui ont permis aux décideurs d'appuyer leur demande auprès des administrateurs pour la création de ce nouveau programme.

Leçons apprises

Résultats : La participation directe des décideurs et du personnel de la région sanitaire (qui ont accepté de réorganiser les ressources) a permis aux chercheurs de mettre en application les résultats de leurs travaux pour mettre sur pied un service de santé nécessaire. En deux ans, plus de 170 femmes ayant souffert de dépression durant leur grossesse ou le post-partum ont reçu des soins grâce au MMHP.

L'équipe de recherche a tiré quelques leçons importantes de ce partenariat. D'abord, la persévérance est essentielle : il faut beaucoup de temps et d'efforts pour accroître sa crédibilité et établir des partenariats fructueux. Ensuite, il est important d'inclure les décideurs au début de la recherche et assez souvent au cours de celle-ci pour maintenir la communication et tirer parti de leur expertise (des réunions trop fréquentes pourraient les importuner, il faut donc trouver un juste milieu)Footnote 49. Enfin, l'équipe recommande fortement aux chercheurs de prévoir dans leur budget des fonds suffisants pour les frais de réception des réunions; c'est un moyen de remercier les gens de leur participation au projet. La bonne volonté va de pair avec les partenariats et, puisque l'équipe a déjà reçu plus de financement pour évaluer le MMHP, l'équipe devrait concevoir d'autres projets de recherche afin de générer des données probantes pour la création d'autres services, tandis que le partenariat avec les régions sanitaires se poursuit.

Portrait d'un partenariat : Prix du partenariat des IRSC en 2007

Alberta Bone and Joint Health Institute (ABJHI)
Institut de la santé des os et des articulations de l'Alberta

Les remplacements de la hanche et du genou comptent parmi les interventions chirurgicales les plus efficaces pour soulager la douleur des patients et rétablir la fonction et la mobilité de l'articulation en question. Avec le vieillissement de la population, la longévité accrue et les taux croissants de prévalence de l'obésité, la demande pour ce type d'intervention est à la hausse. Cependant, les soins offerts aux patients et la qualité des services peuvent varier en fonction de facteurs tels que le lieu de résidence, la situation socio-économique et l'âge.

Devant les indicateurs de la demande et les enjeux liés à la prestation de services, des chirurgiens orthopédistes, des administrateurs de la santé publique, des responsables des politiques gouvernementales et des experts dans la conception de services en Alberta ont lancé, en 2004, une initiative pour améliorer les services, une initiative révolutionnaire par son ampleur et le degré de collaboration qu'elle nécessite. Travaillant ensemble à la réalisation d'un but commun, ces partenaires ont abandonné toutes les idées préconçues et ont examiné tous les détails des soins liés au remplacement de la hanche et du genou en Alberta et les ont comparés aux résultats de recherche publiés. Il en est ressorti un modèle de soins complètement repensé et fondé sur les meilleures données probantes, où des équipes multidisciplinaires offrent des services normalisés dans une même clinique.

« La plupart des partenaires ont mis de côté leurs propres priorités pour travailler ensemble au mieux-être des patients », se souvient le Dr Don Dick, président du comité consultatif des médecins de l'initiative. « Nous avons tous participé au processus, nous respections les opinions des autres et nous étions ainsi plus engagés. »

Afin de tester le nouveau continuum de soins, ils ont procédé à l'une des évaluations les plus exhaustives de la prestation des soins jamais réalisée en Amérique du Nord : le projet de l'Alberta sur le remplacement de la hanche et du genou. Cet essai d'une durée d'un an a réuni dans un partenariat sans précédent les organismes suivants : l'Alberta Orthopaedic Society, le ministère de la Santé de la province (Alberta Health and Wellness), les autorités sanitaires d'Edmonton, de Calgary et de Red Deer, et l'ABJHI. Le partenariat a remporté le Prix du partenariat des IRSC en 2007.

Terminé au printemps 2006, l'essai a porté sur 1125 patients qui ont eu un remplacement de la hanche ou du genou selon le nouveau continuum de soins, et 513 patients qui ont reçu des soins selon l'approche traditionnelle. Des cliniques communautaires, centralisées et spécialisées dans le remplacement de la hanche et du genou - élément central du nouveau modèle - ont été établies à Edmonton, à Calgary et à Red Deer. Une structure de soins multidisciplinaire a été établie dans chaque clinique. Les patients suivant la nouvelle approche ont été adressés aux cliniques et chacun d'entre eux a été assigné à un gestionnaire de cas. Des outils et des procédés normalisés ont été utilisés tout au long du processus : modèle de demande de consultation, contrats et plans de traitement du patient, pratiques et procédures cliniques fondées sur des données probantes et programme de suivis du patient.

Les résultats se sont révélés remarquables. Les patients traités selon le nouveau modèle de soins ont éprouvé moins de douleur après l'intervention, et leur état de santé général était meilleur. Au moins 85 % de ces patients ont pu se lever et se déplacer le jour de l'intervention, et leur hospitalisation a été réduite de presque une journée et demie. Les périodes d'attente pour la consultation et l'intervention ont été grandement réduites. Et, plus important encore, les patients et les fournisseurs de soins étaient plus satisfaits.

Les partenaires reconnaissent toutefois que ces résultats ont été atteints dans un milieu de recherche contrôlé où le temps de salle d'opération, les lits d'hôpitaux et les ressources humaines avaient été mis à leur disposition. « Le projet a démontré le bien-fondé de la conception, et c'était le but », déclare le Dr Cy Frank, qui a eu une influence déterminante sur l'essai, était ancien directeur scientifique de l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite des IRSC, et qui est maintenant directeur général de l'ABJHI. « De tels résultats - particulièrement la réduction des temps d'attente - seraient plus difficiles à atteindre et il faudrait plus de temps pour les atteindre dans l'environnement habituel des soins de santé publique où les ressources sont limitées. »

Toutefois, ce nouveau modèle de soins est mis en place à l'échelle de la province, puisque l'on reconnaît la valeur que peut avoir pour les patients une approche multidisciplinaire fondée sur des données probantes, entièrement intégrée et orientée sur des normes de soins.

« Un des principaux problèmes du système de santé est que chaque service travaille en vase clos et est ainsi coupé des autres - diagnostic, chirurgie orthopédique, rhumatologie, physiothérapie, et autres -, et le système semble conçu en fonction de ces services et non pas en fonction du patient », explique le Dr Frank. « Notre but est de travailler avec les autorités sanitaires, nos collègues offrant des soins de première ligne et les autres prestataires de soins de la province afin d'aider à réorganiser le système pour mieux servir tous nos patients et faire en sorte que l'ensemble du système soit plus viable »Footnote 50.

« Un des principaux problèmes du système de santé est que chaque service travaille en vase clos et est ainsi coupé des autres, et le système semble conçu en fonction de ces services et non pas en fonction du patient. »

Le ministère de la Santé de l'Alberta a accordé des fonds pour appuyer la transition entre les anciennes pratiques et le nouveau modèle. L'ABJHI a aussi reçu du financement du gouvernement provincial pour appuyer la mise en oeuvre du nouveau continuum dans l'ensemble de la province.

Ce partenariat est d'une portée énorme et a nécessité considérablement de temps, d'engagement et de passion de la part des nombreuses parties intéressées. Le Dr Frank fait remarquer que l'essai pilote a été l'aboutissement de centaines de conversations et d'années de discussion. « C'est comme si notre projet se trouvait tout à coup sous une bonne étoile », dit-il. « Nous avons eu de la chance d'avoir de bons leaders, des gens qui poursuivaient le même but et qui ont constaté qu'ils avaient besoin les uns des autres. Recruter les bonnes personnes n'a pas été facile, mais après, tout s'est déroulé de façon exponentielle. »

Un comité directeur provincial a été formé pour assurer la surveillance de l'essai, et les partenaires ont pris soin de choisir deux coprésidents de différents secteurs, à savoir Tracy Wasylak, du secteur de l'administration de la santé, et le Dr Gord Arnett, représentant la profession médicale.

« La coprésidence médecin-administratrice a été très importante pour le succès de l'étude », affirme le Dr Frank. « Nous avons eu de la chance d'avoir Tracy et Gord, parce que ce sont d'excellents communicateurs. »

En fait, la communication efficace s'est révélée une composante essentielle de la collaboration. En participant à une initiative visant à éviter le cloisonnement, les partenaires mêmes sont devenus un modèle à ce chapitre. Le comité directeur a été établi pour être aussi inclusif que possible, et des groupes de travail ont été créés pour les composantes de l'essai. L'information a été échangée régulièrement entre ces groupes et avec le comité directeur au moyen de téléconférences, de vidéoconférences et de réunions en face à face.

« Dans un partenariat, il faut que les leaders soient capables de s'appuyer mutuellement. »

Amener des personnes engagées et de disciplines différentes à travailler ensemble pose des difficultés. « Il est très important d'avoir une vision claire », fait remarquer Mme Wasylak. « Il aurait été très facile de nous laisser distraire par d'autres priorités, nous devions donc avoir une vision et des objectifs très précis. Les médecins sont habituellement très indépendants, et les administrateurs ont aussi leur façon de voir les choses. La question « quel est notre raison d'être? »nous a permis de cibler nos efforts sur l'amélioration des soins pour les patients. »

L'essai avait bien sûr comme but d'améliorer la situation des patients, mais il suscitait beaucoup d'attention dans les médias parce qu'il pouvait réduire les périodes d'attente. Afin de travailler en collaboration pour répondre aux demandes des médias, les partenaires ont établi un comité de communication avec les membres des autorités sanitaires à Edmonton, à Calgary et à Red Deer. Les demandes des médias étaient alors acheminées aux porte-parole désignés en fonction du sujet, du lieu où l'information serait utilisée et de la façon dont elle serait utilisée.

« Grâce à ce comité, nous avons été en mesure de formuler des messages adéquats », se souvient Mme Wasylak, qui était aussi une personne-ressource pour les médias. Cette approche fondée sur la collaboration a permis aux partenaires de fournir aux médias des messages mesurés et précis, sans susciter de trop grandes attentes de la part du public ou déformer la portée de l'essai.

Dans l'ensemble, les approches utilisées par les partenaires tout au long de l'essai ont fait de leur collaboration un exemple saisissant de partenariat interdisciplinaire. Mais ce qui en ressort est le profond respect que les partenaires ont maintenu les uns pour les autres.

« Avant d'entreprendre un partenariat, vous devez savoir que c'est difficile, mais que cela en vaut la peine. Chacun peut y trouver son compte - particulièrement les patients dans le présent cas, et cela est important pour notre système de soins de santé. »

« Dans un partenariat, il faut que les leaders soient capables de s'appuyer mutuellement », explique le Dr Ron Zernicke, directeur général de l'ABJHI au moment de l'essai. « Il est facile de se décourager et de penser qu'on ne réussira pas, mais c'était rassurant de voir les deux coprésidents à l'oeuvre. La réalisation de cet essai a nécessité un nombre d'heures incroyable, beaucoup d'efforts et de diplomatie. Bravo! »

En plus de la confiance mutuelle et du respect des principes du travail d'équipe, le Dr Frank fait remarquer que pour travailler en partenariat, il faut être positif. « Il importe de dire aux gens les progrès qu'ils ont réalisés. Tracy, Don et Ron sont particulièrement positifs et de bons communicateurs. Ils donnaient de la rétroaction aux participants de l'essai afin de les informer des progrès réalisés. Habituellement, vous n'avez pas ce genre d'information dans le système de santé. »

De l'avis des partenaires, la communication, la collaboration et le consensus entre les parties prenantes sont essentiels pour recueillir et échanger les données nécessaires aux changements. Ils offrent le conseil suivant : Soyez prêts à abandonner vos idées préconçues, établissez de solides partenariats dans lesquels vous pouvez vous engager à fond et ne sous-estimez pas le temps que vous devrez consacrer à la cause. Surtout, n'abandonnez pas.

« Avant d'entreprendre un partenariat, vous devez savoir que c'est difficile, mais que cela en vaut la peine », insiste le Dr Frank. « Chacun peut y trouver son compte - particulièrement les patients dans le présent cas, et cela est important pour notre système de soins de santé. Le changement est possible. »

Partenariat d'évaluation : assurer l'efficacité et l'application des connaissances

Julie Bradette, adjointe à la coordination
Chaire Approches communautaires et inégalités de santé (FCRSS/IRSC)

Jocelyne Bernier, coordonnatrice
Chaire Approches communautaires et inégalités de santé (FCRSS/IRSC)

Yan Sénéchal, candidat au doctorat
Département de sociologie, Université de Montréal

Johanne Bédard, chercheuse
Faculté d'éducation
Université de Sherbrooke

Louise Potvin
Titulaire de la chaire Approches communautaires et inégalités de santé (FCRSS/IRSC)

En tant que titulaire de la chaire Approches communautaires et inégalités de santé de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé et des Instituts de recherche en santé du Canada (FCRSS/IRSC), la Dre Louise Potvin dirige un programme de formation et de recherche sur les relations entre les contextes sociaux et la santéFootnote 51. On estime que les contextes sociaux, qui comprennent notamment nos conditions de vie et de travail, les groupes auxquels nous appartenons, ainsi que notre niveau de revenu et de scolarité, ont des répercussions importantes sur notre santé, et ce, quels que soient nos facteurs de risque de maladies. Pour mieux comprendre ces « déterminants sociaux » de la santé et pour réduire leurs répercussions potentiellement négatives, une partie du programme de la Dre Potvin porte sur l'évaluation et l'amélioration de l'efficacité des programmes et des interventions de santé publique qui ciblent la santé des personnes défavorisées sur le plan socialFootnote 52.

Enjeu : Un organisme communautaire voulait s'assurer que l'un de ses projets atteignait ses objectifs et produisait un impact.

À titre de titulaire de la chaire, la Dre Potvin encourage les représentants de divers établissements publics et réseaux communautaires à siéger à son comité d'orientation, lequel sert d'organe consultatif à la chaire. Ces représentants sont également invités à prendre part aux activités de recherche et de formation qui encouragent la participation et une rétroaction de toutes les parties concernées. Ces discussions et les liens qu'elles favorisent entre les participants du comité d'orientation permettent à la chaire d'être au fait des besoins de la collectivité et à la Dre Potvin d'adapter son programme de recherche et de formation selon les besoins.

Dans ce comité, l'organisme communautaire Les ateliers cinq épices et la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain (un réseau de plus de 60 organismes communautaires et coalitions travaillant dans les domaines de la sécurité alimentaire et du développement social) ont présenté une demande d'évaluation d'un projet de nutrition scolaire innovateur. Ce projet, appelé Petits cuistots - parents en réseaux (PC-PR), vise à promouvoir de saines habitudes alimentaires chez les enfants des quartiers défavorisés de Montréal et leurs parentsFootnote 53. Dirigé par des nutritionnistes de l'organisme Les ateliers cinq épices, avec la collaboration d'enseignants et de parents bénévoles, le projet PC-PR offre des ateliers de cuisine et de nutrition pratiques et interactifs à l'intention des élèves du primaire. L'initiative PC-PR vise principalement à promouvoir de saines habitudes et attitudes chez les participants en développant leur capacité de préparer des repas nutritifs. Cependant, le PC-PR vise également à améliorer le développement communautaire des quartiers touchés en créant des liens entre les travailleurs communautaires et les familles et en favorisant une participation accrue des parents aux activités scolaires. Les parents, par exemple, sont invités à participer aux ateliers avec leur enfant et à se joindre à des réseaux d'entraide par l'entremise d'organismes communautaires de leur quartier. Il en résulte un projet d'intervention qui fait participer tous les membres des familles au processus de préparation de repas, et ce, tout en établissant des liens entre ces membres et l'ensemble de la collectivité.

Partenariat d'évaluation

Solution : Établir une équipe de recherche multidisciplinaire et un comité d'évaluation pour évaluer l'efficacité du projet.

En réponse à la demande d'évaluation du projet PC-PR, les chercheuses principales, Louise Potvin et Johanne Bédard, ont formé une équipe interdisciplinaire composée de chercheurs en santé, en éducation et en nutrition. Investie de l'objectif d'évaluer l'impact et l'efficacité du projet PC-PR, l'équipe de recherche a mis sur pied un comité d'évaluation avec Les ateliers cinq épices, la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain, et les bailleurs de fonds du projet, à savoir la Commission scolaire de Montréal et la Fondation Lucie et André Chagnon. Ce comité a aidé l'équipe de recherche à accomplir son travail dans les sept écoles participant au projet PC-PR et à l'organisme Les ateliers cinq épices. Grâce au soutien du comité, l'équipe de recherche a visité chaque école participante au début de l'année scolaire afin d'informer l'administration ainsi que le personnel enseignant et non enseignant des activités de recherche prévues pour l'année en cours, et de discuter des analyses préliminaires des résultats de recherche de l'année précédente. Pour demeurer en contact et maintenir les voies de communication ouvertes, l'équipe de recherche a également participé aux rencontres annuelles de l'organisme Les ateliers cinq épices et de la Table de concertation sur la faim et le développement social.

Répondre aux besoins et renforcer l'intervention

Le succès de ce partenariat de recherche, qui est en place depuis maintenant cinq ans, est en grande partie attribuable aux pratiques efficaces de communication adoptées avec l'aide du comité d'évaluation. Les discussions au sein du comité ont permis de rester ouvert à toute question soulevée par les partenaires et d'offrir aux divers intervenants des mises à jour régulières sur les plus récents résultats de recherche.

Les représentants du projet PC-PR au sein du comité d'évaluation ont manifesté le besoin d'obtenir plus de formation et de soutien pour systématiser davantage l'intervention. L'équipe de recherche a réagi en offrant au personnel professionnel de l'organisme Les ateliers cinq épices des séances de formation spécialisées afin de renforcer le projet. Plus précisément, l'un des chercheurs de l'équipe a collaboré avec les nutritionnistes de l'organisme pour les aider à mieux adapter les leçons des ateliers au niveau scolaire approprié et aux compétences nutritionnelles souhaitées. Un autre chercheur de l'équipe a rencontré les agents de développement social de l'organisme Les ateliers cinq épices pour discuter de l'incidence du projet PC-PR sur les parents des élèves.

Approche : Les intervenants participant au projet se sont engagés à orienter les activités de recherche et à renforcer l'intervention.

L'évaluation du projet PC-PR a également mené à la création du Programme d'art culinaire, d'alimentation et de nutrition pour Les ateliers cinq épices. De plus, l'un des membres de l'équipe de recherche a fourni un encadrement continu à l'organisme afin de s'assurer que le nouveau programme concorde rigoureusement avec les priorités du Programme de formation de l'école québécoise (PFEQ), programme d'études officiel applicable aux écoles primaires du Québec.

Résultats obtenus

Les résultats de recherche ont démontré que le projet PC-PR avait produit des effets favorables sur les attitudes, les compétences et les comportements nutritionnels des enfants, et qu'il avait permis d'accroître la participation de leurs parents aux activités scolaires.

Les résultats de l'évaluation indiquent que le projet PC-PR favorise :

  • l'acquisition de connaissances nutritionnelles et le développement de techniques culinaires chez les élèves, également applicables à la maison;
  • la participation des parents aux activités scolaires de leur enfant dans un environnement « non menaçant » qui valorise leur contribution;
  • un lieu d'écoute, d'observation et d'échange qui soutient la collaboration école-famille (en permettant au personnel scolaire de travailler avec les parents et par l'engagement de ces derniers dans la vie scolaire de leur enfant)Footnote 54.

Résultats : Les éléments de développement social et d'éducation du projet ont été renforcés. Les membres de l'équipe de recherche et les intervenants ont travaillé ensemble pour adapter l'évaluation et l'intervention.

De plus, les pratiques et les activités de développement social utilisées dans le cadre du projet PC-PR ont non seulement stimulé l'intérêt des parents à l'égard de l'apprentissage en matière de nutrition, mais ont également contribué à renforcer les liens sociaux dans les quartiers concernésFootnote 55. Ces activités comprenaient les ateliers « Gourmets-Gourmands » pour les parents, ateliers qui permettent les échanges autour d'un mets préparé par l'un des participants. Un autre exemple concerne des sorties en famille, qui se rattachent aux thèmes traités dans le projet PC-PR et qui fournissent un environnement d'échange pouvant ensuite favoriser la participation des parents à d'autres activités. Le projet PC-RC compte également une cérémonie annuelle de remise des diplômes qui reconnaît la participation des élèves et valorise leur sentiment de réalisation et de compétence. Toutes ces activités contribuent également aux échanges interculturels puisque les familles nouvellement arrivées au Québec peuvent trouver que les pratiques nutritionnelles et alimentaires canadiennes sont très différentes de celles de leur pays d'origine.

Leçons apprises

Les Dres Louise Potvin et Johanne Bédard font également partie de l'Équipe de recherche sur les interventions de réduction des inégalités sociales de santé. Créée en 2005, cette équipe se compose de chercheurs responsables de différents partenariats de recherche. L'un des objectifs de cette équipe est d'examiner les pratiques de recherche afin d'aider à élaborer des outils et des lignes directrices en matière de partenariats de recherche.

Cette équipe a invité les membres du comité d'évaluation du projet PC-PR à participer à un atelier sur les partenariats de recherche. L'atelier a été conçu pour encourager les participants à faire part de leurs expériences dans l'évaluation du PC-PR, tout en leur permettant d'établir un lien entre la recherche et la pratique. Les discussions au cours de cet atelier ont aidé l'équipe à cerner quatre conditions importantes au succès des partenariats :

  1. concevoir des études qui font écho aux préoccupations des praticiens et des membres de la communauté;
  2. établir des règles claires applicables au partenariat;
  3. veiller à informer régulièrement les partenaires de la recherche;
  4. établir des mécanismes permettant de concilier les attentes et d'assurer une communication continue entre les chercheurs et les praticiensFootnote 56.

Ces conditions reflètent le concept de l'application des connaissances intégrée des IRSC et se sont montrées apparentes dans le partenariat d'évaluation du projet PC-PR. Dans l'ensemble, c'est en combinant les forces d'une équipe de recherche multidisciplinaire avec celles d'un comité d'évaluation que l'évaluation du projet PC-PR a pu conserver sa pertinence pour les intervenants. Les rétroactions régulières tout au long de l'évaluation et les rencontres avec les intervenants du milieu scolaire ont entraîné des modifications à la fois dans l'évaluation et dans l'intervention, ce qui a permis à l'organisme Les ateliers cinq épices de systématiser davantage le projet PC-PR. La spécialisation en santé, en éducation et en nutrition des membres de l'équipe de recherche les a aidés à réaliser les objectifs du projet PC-PR, et les pratiques de communication ouvertes ont fait en sorte que les expériences des intervenants du projet PC-RC soient reconnues et valorisées. Ces expériences positives ont amené les partenaires à accepter de poursuivre leur collaboration pour un deuxième volet de recherche portant sur l'évolution du projet PC-PR.

Partenariats internationaux pour appuyer la science menant à la découverte de médicaments : le Consortium de génomique structurelle

Dr Aled Edwards, directeur général du Consortium de génomique structurelle

En dépit des augmentations massives du financement mondial destiné à la recherche biomédicale, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, de moins en moins de nouveaux médicaments sont mis sur le marché. En fait, seulement 17 nouveaux médicaments ont été mis sur le marché en 2007, le nombre le plus bas depuis des décennies. Malgré des percées incroyables, il est toujours possible que les essais cliniques effectués pour tester de nouveaux médicaments sur des sujets humains ne soient pas concluants; ce risque coûte très cher et explique en partie le ralentissement observé dans la mise au point de médicaments. Cette situation pourrait causer un grave problème à la population canadienne qui compte sur l'industrie pour produire de nouveaux médicaments.

Enjeu : Faire le pont entre le travail des scientifiques de l'université et ceux de l'industrie peut créer des difficultés en ce qui a trait à la définition de buts communs ou à la négociation des enjeux entourant la propriété intellectuelle possible.

La meilleure solution à long terme pour régler ce problème consiste à prédire plus précisément les effets d'un nouveau médicament en augmentant nos connaissances en pharmacologie (l'étude des interactions entre un organisme vivant et les médicaments) et en biologie humaine. Cependant, les habiletés nécessaires pour en arriver à une telle solution sont normalement séparées entre le milieu universitaire et l'industrie; ainsi, toute nouvelle approche doit faire appel aux chercheurs de ces deux milieux. Cette nécessité crée souvent de nouveaux défis parce que les collaborations entre les deux secteurs sont interrompues en raison des difficultés à définir des buts communs ou à négocier les enjeux entourant la propriété intellectuelle possible.

Conscients de cette difficulté, des bailleurs de fonds de la recherche englobant l'industrie, les fondations et les organismes gouvernementaux ont mis sur pied le Consortium de génomique structurelle (CGS). Dirigé par le Dr Aled Edwards, chercheur canadien et chef de file mondial dans la recherche sur les protéines, le CGS vise à déterminer les structures tridimensionnelles des protéines qui sont importantes pour la santé humaine, notamment les protéines associées au cancer, aux troubles neurologiques et aux maladies infectieuses comme la malaria. L'information glanée par le CGS aide à comprendre les fonctions de ces protéines et leur rôle, soit pour préserver la santé ou accroître la susceptibilité à la maladie. Plus important encore, le CGS comble l'écart entre le milieu universitaire et l'industrie en déposant l'information sur toutes les structures de protéines identifiées dans une « banque de données sur les protéines »; on considère alors qu'elle fait partie du domaine public (ce qui évite les questions de propriété intellectuelle), et il n'y a aucune restriction quant à son utilisation.

Établissement du CGS

Le CGS est un partenariat public-privé, auquel participent plus de 200 chercheurs du Canada, du Royaume-Uni et de la Suède. Il est subventionné par les IRSC, Génome Canada (par l'entremise de l'Institut de génomique de l'Ontario), la Fondation canadienne pour l'innovation, le Fonds ontarien pour l'innovation, la Fondation Knut et Alice Wallenberg, l'agence suédoise Vinnova pour l'innovation, le Wellcome Trust, GlaxoSmithKline, Novartis et Merck.

Lors de la création du CGS, les bailleurs de fonds, dont un seul appartenait alors au milieu de l'industrie, à savoir GlaxoSmithKline, ont d'abord décidé que le mandat initial du consortium serait de trois ans et consisterait à déterminer la structure de 386 protéines en cause dans les maladies humaines et à déposer l'information sur ces structures dans des bases de données publiques sans restriction d'utilisation. Le Dr Edwards a été recruté pour mettre l'organisation sur pied et chercher à atteindre les objectifs de cette dernière. Au cours de cette période (2004-2007), le CGS a construit des laboratoires à l'Université de Toronto, à l'Université d'Oxford (Angleterre), et à l'Institut Karolinska (Suède).

La structure de gestion est l'une des clés du succès de ce partenariat. Le CGS est chapeauté par un conseil d'administration, dont le président est indépendant (actuellement Wayne Hendrickson de l'Université Columbia), et un comité scientifique. Les membres du conseil d'administration et ceux du comité scientifique se réunissent tous les trois mois en présence de représentants des bailleurs de fonds. Ainsi, les bailleurs de fonds sont toujours en mesure d'intervenir directement en ce qui a trait aux orientations scientifiques et stratégiques du CGS, ce qui permet de mieux harmoniser les orientations du CGS avec les missions de ses bailleurs de fonds. Chacun des trois laboratoires est géré par un scientifique en chef; le laboratoire canadien est dirigé par la Dre Cheryl Arrowsmith.

Solution : Créer une organisation « publique » qui attire les meilleurs chercheurs et communique les résultats ouvertement, sans restriction d'utilisation.

Le succès du CGS en tant qu'organisation a été attribué à trois facteurs. D'abord, le fait d'avoir des laboratoires dans trois universités renommées a permis au CGS d'attirer des scientifiques exceptionnels. Ensuite, la philosophie de l'organisation fondée sur la non-propriété facilite la collaboration et permet de profiter de la richesse du savoir en milieu universitaire et de l'expérience des chercheurs de l'industrie. Enfin, comme les activités du CGS sont gérées rigoureusement et qu'elles sont supervisées par les bailleurs de fonds du secteur public et du secteur privé, les scientifiques concentrent tous leurs efforts sur la réalisation de leurs objectifs.

Rendement du capital investi pour les partenaires

Durant la première phase du CGS, l'organisation a reçu le mandat d'identifier les structures de 386 protéines, à un coût réduit en comparaison des coûts de l'université ou de l'industrie seulement. Le CGS a atteint ce but avant l'échéance et à des coûts moindres que prévus. Le CGS génère 20 % des données mondiales sur les structures des protéines humaines; l'identification de chacune coûte de 50 à 90 % de moins par le CGS que par le milieu universitaire ou l'industrie seulement. Les économies d'échelle, la concentration des connaissances et la communication immédiate des avancées technologiques à l'échelle du partenariat sont les facteurs qui font diminuer les coûts.

Approche : Dès que les structures de protéines sont identifiées, l'information est déposée dans une « banque publique de données sur les protéines » pour être utilisée par d'autres scientifiques.

Les partenaires du CGS, en raison de leurs mandats différents, ont aussi des objectifs différents; le CGS a réussi à rester utile pour chacun d'eux. Par exemple, au cours des trois dernières années, le CGS s'est révélé utile pour l'industrie en versant dans les bases de données publiques l'information sur les structures d'environ la moitié des nouvelles protéines kinases humaines, qui figurent parmi les cibles les plus importantes pour les nouveaux médicaments. Le CGS a aussi publié 150 articles examinés par des pairs et a participé à plus de 100 différentes collaborations de recherche, apportant ainsi une contribution au milieu universitaire et maintenant ses liens avec ce dernier. Enfin, certains des bailleurs de fonds du CGS s'intéressent particulièrement à l'application des connaissances et à la commercialisation. À plusieurs occasions, le CGS a travaillé en ce sens en formant et en accueillant plusieurs étudiants et boursiers postdoctoraux du milieu universitaire et de l'industrie et en organisant des ateliers pour le transfert de la technologie.

Avenir du CGS et leçons tirées

Vu le succès du CGS au cours de ses trois premières années d'existence, les bailleurs de fonds ont approuvé la seconde phase du consortium et ont investi des fonds additionnels pour poursuivre la recherche jusqu'en 2011. Le but de la seconde phase est de produire 660 structures de plus. Les réalisations de la première phase ont aussi incité Merck et Novartis à prendre part au partenariat du CGS.

Le CGS a toujours pour objectif de fournir de l'information pouvant servir à la découverte de médicaments; toutefois, la seconde phase comporte une augmentation des types de protéines identifiées. Au Canada, les laboratoires du CGS partagent depuis peu des locaux avec l'Institut ontarien de recherche sur le cancer, et les chercheurs des deux organismes sont ravis d'établir un partenariat scientifique à long terme.

Résultats : Le CGS a réussi à identifier des centaines de structures de protéines; le coût de cette recherche s'est révélé de 50 à 90 % inférieur à celui de la recherche menée par le milieu universitaire ou l'industrie seulement.

À long terme, le CGS prévoit servir d'intermédiaire entre le secteur public et le secteur privé, en veillant à la réalisation et à la gestion d'autres travaux scientifiques dans le domaine de la découverte de médicaments, qui profiteront à chaque secteur et nécessiteront une collaboration entre ces derniers. Le CGS est en bonne position pour atteindre ce but, car sa réputation est bien établie en tant qu'organisation assurant un cadre scientifique dans lequel des chercheurs de différents secteurs et organismes peuvent mettre à profit leurs idées et leurs compétences, sachant qu'elles serviront à créer des connaissances pour le bien public et non pour des gains personnels. Comme première étape pour atteindre ce but, le CGS dirige maintenant un partenariat public-privé à libre accès avec le Chemical Genomics Center des National Institutes of Health des États-Unis et GlaxoSmithKline, afin de produire les inhibiteurs pharmacologiques des protéines en cause dans la recherche en épigénétique.

Le caractère international du CGS constitue l'une de ses forces. Les gens adoptent différentes méthodes de résolution de problèmes selon l'endroit où ils ont été formés; il est donc très enrichissant de voir comment des chercheurs de trois milieux culturels différents s'attaquent au même problème.

La plus grande leçon que l'on tire du modèle du CGS en ce qui a trait aux partenariats est, en fin de compte, sa capacité de servir d'intermédiaire dans l'interaction entre le milieu universitaire et l'industrie pharmaceutique. À l'avenir, des modèles comme celui-ci permettraient de mener la majeure partie de la recherche fondamentale pertinente pour l'industrie pharmaceutique dans les domaines de la pharmacologie, de la physiologie et de la toxicologie humaines. Cette recherche permettra à la fois d'appuyer l'industrie et de répondre aux besoins de la société pour des médicaments ciblés dont les essais cliniques sont concluants et qui pourront ultérieurement être mis en marché.

Portrait d'un partenariat : Prix du partenariat des IRSC en 2004

La Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie et AstraZeneca Canada Inc.

La Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie (FCRP) a été fondée en 1980 pour financer la recherche sur la santé mentale et les toxicomanies dans tout le pays. Depuis sa création, la FCRP a fourni plus de 11 millions de dollars en fonds de recherche à 42 universités et hôpitaux d'enseignement. Toutefois, en tant que petit organisme de charité tributaire des dons de particuliers ou d'entreprises pour appuyer cette recherche importante, la FCRP a de la difficulté à amasser les fonds nécessaires pour appuyer les nombreux projets de recherche qui devraient être financés.

En 2001, AstraZeneca Canada Inc. a proposé d'établir un partenariat de recherche avec la FCRP. Avec l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC (INSMT des IRSC) et le Programme de recherche IRSC-Rx&DFootnote 57, la FCRP et AstraZeneca Canada Inc. ont lancé le Programme de recherche sur la neurobiologie des troubles psychiatriques et des toxicomanies. Dans le cadre de ce programme, chaque partenaire contribue au financement; par conséquent, un plus grand nombre d'équipes de chercheurs peuvent être financées.

Le partenariat entre la FCRP, AstraZeneca Canada Inc., l'INSMT des IRSC et le Programme de recherche IRSC-Rx&D est un modèle d'efforts combinés pour accroître la portée du financement de la recherche. Jusqu'à maintenant, le Programme a permis de financer quatorze bourses pour chercheur chevronné; par conséquent, le nombre de demandes de financement présentées à la FCRP a doublé. La collaboration a aussi démontré comment des partenariats fructueux peuvent se multiplier : des chercheurs en santé de partout au pays ont eux-mêmes formé des partenariats pour demander du financement. La FCRP et AstraZeneca Canada Inc. ont remporté le Prix du partenariat des IRSC en 2004 en raison des liens qu'ils ont créés entre le secteur public, le secteur privé et le secteur bénévole.

Depuis longtemps, la FCRP offre du soutien et établit des partenariats : elle a travaillé en partenariat avec des organismes communautaires pour financer la recherche sur des maladies mentales précises et a collaboré avec de nombreux partenaires du secteur privé pour établir des bourses de recherche annuelles. En 2006, par exemple, la FCRP s'est alliée à la Niagara Community Foundation pour créer une bourse de recherche sur la schizophrénie, et en 1999, la bourse de la Journée du miracle de la Fondation pour l'enfance des marchés mondiaux CIBC était créée afin de subventionner la recherche clinique sur les maladies mentales infantiles. La FCRP bénéficie également du soutien des familles des personnes atteintes de maladie mentale, car celles-ci comprennent que la recherche est nécessaire pour améliorer les traitements offerts à leurs proches. Grâce aux efforts de la FCRP, deux organisations ou plus mettent en commun du financement et offrent des ressources et des possibilités au milieu de la recherche, alors que le contact continu avec les personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale permet de constater que les résultats de la recherche ont une incidence sur les personnes et la communauté.

Forte de sa crédibilité, la FCRP a attiré la participation de nombreux partenaires et le soutien de beaucoup d'autres intervenants au cours des années. « Les particuliers et les entreprises qui versent des dons ont confiance dans l'expertise et le processus d'examen par les pairs de la FCRP, explique Jean Milligan, directrice générale par intérim de la FCRP. Les donateurs s'intéressent habituellement à un sujet en particulier, comme la schizophrénie ou les troubles de l'humeur, et nous font confiance pour utiliser leur don à bon escient et pour bien répartir les fonds. »

De plus, la FCRP tire le meilleur parti de la recherche qu'elle finance. « Nous avons recours aux chercheurs dans la plus grande mesure possible pour participer à des activités de sensibilisation et d'application des connaissances », affirme Mme Milligan. Par exemple, la FCRP a préparé une série de manuels intitulés Quand ça ne va pas : Aide aux enseignants aux prises avec des élèves en difficulté, Quand ça ne va pas : aide aux familles et When Something is Wrong: Strategies for the Workplace (en anglais seulement). La FCRP offre dans différentes régions du Canada des ateliers de sensibilisation au cours desquels elle utilise ces guides et des résultats de recherche récents pour diffuser les connaissances et faire connaître les pratiques exemplaires aux chercheurs, aux éducateurs, aux praticiens et aux familles. Jusqu'à maintenant, les ateliers ont été offerts à Vancouver, Calgary, Winnipeg, Québec, Halifax, Toronto et Ottawa.

« Les donateurs nous font confiance pour utiliser leur don à bon escient et pour bien répartir les fonds. »

Réduire la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale est aussi l'une des principales activités de la FCRP. En 2004, la FCRP a remporté le prix des Nations Unies en matière d'information publique pour sa campagne multimédia contre la stigmatisation. Au moyen d'affiches et de messages télévisés et radiodiffusés, cette campagne illustrait les conséquences de la stigmatisation. Le matériel, conçu bénévolement par Arnold Worldwide Canada, ciblait l'idée fausse selon laquelle les maladies mentales, comme la dépression ou l'anorexie mentale, ne sont pas de « vraies » maladies, mais simplement un défaut de caractère ou une faiblesse. La FCRP s'engage à réduire la stigmatisation grâce à des messages clés intégrés à chacun des ateliers et événements qu'elle organise.

En 2007, la FCRP a été à l'honneur une fois de plus lorsqu'elle s'est vu attribuer le Prix du partenariat de l'INSMT lors du dîner de la cinquième assemblée annuelle de l'INSMT des IRSC. La FCRP a obtenu ce prix pour son travail exceptionnel s'inscrivant dans le mandat de l'INSMT des IRSC, soit notamment d'appuyer la recherche visant à améliorer la santé mentale et à réduire le fardeau associé aux problèmes connexes.

« Notre alliance créera un organisme caritatif pour la santé mentale dont l'importance sera équivalente à celle d'oeuvres pour le cancer du sein et les maladies du coeur. »

La FCRP continue de prévoir des collaborations futures. En 2008, l'organisation a annoncé qu'elle conjuguerait ses efforts avec ceux de Partenariats en santé mentale du Canada (PSMC) afin de créer un nouvel organisme caritatif national en santé mentale. PSMC élargira ses activités de souscription et lancera d'importants projets de recherche dans le domaine de la santé mentale, des maladies mentales et des lésions cérébrales, tandis que la FCRP contribuera de façon importante à la capacité en matière de recherche, d'examen par les pairs et de publication.

« Notre alliance créera un organisme caritatif pour la santé mentale dont l'importance sera équivalente à celle d'oeuvres pour le cancer du sein et les maladies du coeur », a souligné Kevin McNeil, président de la FCRP.

Le travail en partenariat est au coeur du succès de la FCRP. Au cours des 29 dernières années, la FCRP a clairement démontré qu'on peut accomplir beaucoup plus de choses en travaillant ensemble qu'en travaillant isolément. Comme elle a pour mandat de financer la recherche dans tous les domaines liés à la santé mentale et aux toxicomanies, la FCRP peut établir des collaborations des plus variées. Au fil des années, la FCRP a appris que, pour réussir un partenariat, il faut communiquer clairement et comprendre les attentes de chacun. De plus, la FCRP souligne que les relations sont plus efficaces lorsque toutes les parties s'engagent fermement à atteindre un but commun dont les retombées profitent à chacune d'elles. Travailler en partenariat, c'est travailler ensemble pour complémenter les forces et les objectifs des uns et des autres.

La FCRP se réjouit à l'idée de collaborer avec Partenariats en santé mentale du Canada et tout autre partenaire de la communauté et du secteur privé pour continuer de financer d'importants travaux de recherche et trouver de meilleurs traitements pour les maladies mentales.

Positive Spaces, Healthy Places: mise en pratique des résultats de la recherche au moyen d'un partenariat novateur entre la communauté, l'université et les décideurs

Dr Sean B. Rourke
Directeur scientifique et général, ROTV chercheur, Centre of Inner City Health du Keenan Research Centre au Li Ka Shing Knowledge Institute, Hôpital St. Michael's
Professeure agrégée, Université de Toronto
Professeur auxiliaire, Université de Windsor

Jean Bacon
Directrice, Politiques et transfert des connaissances, ROTV

Ruthann Tucker
Directeur principal, Initiatives de recherche communautaire, ROTV

Le logement et l'aide au logement jouent un rôle déterminant dans la prévention du VIH et constituent de puissants déterminants de la santé pour les personnes vivant avec le VIH. Toutefois, pour ces personnes, avoir un logement stable et adéquat demeure l'un des plus grands besoins encore insatisfaits. L'étude intitulée "Positive Spaces, Healthy Places (PSHP)" - financée conjointement par les IRSC, le Réseau ontarien de traitement du VIH (ROTV), le Bureau de lutte contre le sida du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario et le Réseau ontarien sur le sida - est la première étude longitudinale en milieu communautaire menée au Canada pour examiner la stabilité du milieu de vie des personnes vivant avec le VIH et l'incidence de la question du logement. Entreprise en 2005, cette étude exhaustive d'une durée de trois ans a servi de catalyseur au développement des capacités dans le domaine et à l'établissement de partenariats locaux, nationaux et internationaux qui permettent d'offrir de meilleurs logements et d'autres formes de soutien aux personnes vivant avec le VIH.

Rassembler les éléments

En 2002, les intervenants dans le domaine du VIH ont reconnu que le manque de logements stables et abordables constituait un problème urgent. Lors d'une réunion des directeurs généraux d'organismes communautaires oeuvrant dans le domaine du VIH/sida, les participants ont constaté que, pour les personnes vivant avec le VIH/sida, le logement constituait le besoin le moins satisfait et que l'accès à l'aide au logement, qui assure sécurité, santé et dignité, variait d'une région à l'autre de la province. En raison du manque de recherche sur la situation du logement des personnes infectées par le VIH, particulièrement au Canada, il était difficile de comprendre les besoins de ces personnes et de planifier en conséquence. La communauté avait besoin de données rigoureuses pour établir la nécessité d'investir dans les services de logement et de soutien.

Enjeu : Les intervenants dans le domaine du VIH ont reconnu que le manque de logements stables et abordables constituait un problème urgent et le plus grand besoin insatisfait chez les personnes vivant avec le VIH/sida.

Dans le cadre de son plan stratégique à 2010, le ROTV a commencé à travailler directement avec des champions de la communauté, des responsables des politiques (dans les domaines du VIH, des toxicomanies, de la santé mentale et de la planification régionale), des fournisseurs et des chercheurs dans le domaine du logement (ayant de l'expertise en matière d'itinérance et de santé mentale) pour répondre aux problèmes et combler le manque de données. En 2004, un partenariat multidisciplinaire et multisectoriel a été constitué; depuis, tous les partenaires participent à toutes les étapes de l'étude : définition des questions de recherche, analyse des résultats, découverte de solutions et de pratiques exemplaires et échange de connaissances.

Les objectifs du partenariat sont les suivants :

  • mieux comprendre et mieux faire connaître les besoins en matière de logement des personnes vivant avec le VIH en Ontario et les répercussions du logement sur la santé, la qualité de vie et la prévention du VIH;
  • promouvoir activement les politiques, programmes, services et pratiques exemplaires qui favoriseront l'accès à des logements sûrs, abordables et stables pour les personnes vivant avec le VIH et les personnes à risque.

La collaboration entre la communauté et le milieu universitaire était essentielle au succès global de l'étude et du partenariat. Les dirigeants communautaires ont pu trouver les principaux champions au sein de la communauté et les chercheurs ont pu trouver des experts dans des domaines connexes : santé mentale, itinérance, logement et planification urbaine. Cette combinaison de précieuses compétences et connaissances a renforcé le partenariat d'une manière qu'aucun des partenaires n'aurait pu réaliser individuellement.

Travailler ensemble pour produire des résultats

Solution : Établir un partenariat avec des chercheurs de plusieurs disciplines, des champions de la communauté, des fournisseurs de services de logement et des responsables des politiques afin de plaider en faveur d'investissements dans les services de soutien et de logement.

À l'échelle locale et provinciale, le partenariat du projet PSHP a déjà produit des retombées importantes. Il a aidé Fife House, un fournisseur de services de logement à Toronto, à obtenir du gouvernement 19 millions de dollars pour accroître le nombre de logements supervisés pour les personnes vivant avec le VIH. Le partenariat a aussi aidé un autre organisme communautaire ontarien s'intéressant au sida, AIDS Niagara, à obtenir 200 000 $ de plus par année pour des logements supervisés par les réseaux locaux d'intégration des services de santé.

Les liens avec les chercheurs et l'accès aux données générées par l'étude PSHP ont contribué à l'obtention de ce financement. En fait, les résultats de l'étude PSHP sont cités dans le rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne intitulé Le droit au logement : Rapport de consultation sur les droits de la personne en matière de logements locatifs en OntarioFootnote 58. De plus, le partenariat comportait des experts en application des connaissances et des questions touchant les communautés, et on s'est assuré que les résultats étaient ordonnés et présentés de la façon la plus convaincante possible aux yeux des responsables des politiques (en fonction de la région géographique, de la population et du revenu, par exemple).

De plus, le partenariat a permis d'obtenir la collaboration des responsables des politiques dans le domaine des toxicomanies et de la santé mentale; ainsi, les personnes vivant avec le VIH en Ontario sont maintenant officiellement admissibles à un nouveau programme provincial de logement supervisé pour les toxicomanes. Les partenaires s'emploient maintenant à travailler avec les réseaux locaux d'intégration des services de santé de l'Ontario pour diffuser les résultats de recherche et les pratiques exemplaires, et solliciter plus d'investissements dans les logements supervisés destinés aux personnes vivant avec le VIH.

Le succès du partenariat du PSHP rejaillit sur l'ensemble du pays. Les partenaires ont organisé un symposium national sur la mise en pratique des connaissances, Research to Action Symposium, à l'intention des responsables des politiques, des organismes communautaires s'intéressant au sida, des personnes vivant avec le VIH, des fournisseurs de services de logement et des chercheurs, afin d'explorer la possibilité d'établir une coalition nationale sur le logement pour les personnes vivant avec le VIH. Le ROTV guide trois autres régions canadiennes (la Colombie-Britannique, l'Alberta et la région de l'Atlantique) pour mener la même recherche auprès de leurs populations respectives. Des partenariats avec les communautés autochtones, africaines et antillaises et le renforcement des capacités de ces communautés ont aussi mené à deux propositions de recherche portant sur le logement qui ont permis d'obtenir du financement des IRSC.

La portée de l'étude PSHP dépasse maintenant nos frontières, et les chercheurs canadiens ont déjà établi des relations de travail étroites avec leurs homologues américains. Dans le cadre de leur analyse du contexte, les membres de l'équipe de PSHP ont évalué l'expérience dans d'autres pays. Lorsqu'ils ont découvert des articles et des documents préparés par la National AIDS Housing Coalition (NAHC), une organisation américaine, ils ont soumis un résumé de leurs travaux aux organisateurs de la conférence annuelle de la NAHC; les membres de l'équipe ont alors été invités à assister à la conférence et à présenter les résultats de leurs travaux. En retour, les membres de la NAHC ont été invités à participer au symposium sur la mise en pratique des connaissances organisé par l'équipe de PSHPFootnote 59.

Ces activités ont mené à une collaboration soutenue sur les questions de logement. Par exemple, lors de la Conférence internationale sur le sida de 2008, l'équipe de PSHP a co-animé avec l'équipe de la NAHC, Housing Works Inc. et la San Francisco AIDS Foundation, la première séance par satellite de la Société internationale sur le sida portant sur la pauvreté, l'itinérance et le VIH/sida. Plus de 150 délégués ont appuyé la déclaration demandant aux responsables des politiques de reconnaître le droit au logement en tant que droit de la personne et de s'employer à remédier au manque de logements adéquats, car ce manque nuit aux mesures efficaces de prévention et de traitement du VIH ainsi que de prestation de soins aux personnes atteintes. La déclaration a été acceptée par la Société internationale sur le sidaFootnote 60. En juin 2009, le ROTV, la NAHC et l'école de santé publique de l'Université Johns Hopkins tiendront le sommet nord-américain en recherche sur le VIH/sida et le logement. Les équipes de chercheurs présenteront les résultats de récentes recherches - notamment les analyses de suivi et les rapports de l'étude PSHP - et mettront au point des stratégies d'échange des connaissances afin d'améliorer les politiques sur le logement et l'accès à des logements.

Approche : L'équipe du PSHP a mis à profit les forces de chaque partenaire, utilisant les résultats des chercheurs pour monter un dossier, les profondes connaissances de la communauté pour faire participer ses pairs, et les conseils stratégiques des responsables des politiques pour communiquer avec les décideurs.

Éléments contribuant au succès du partenariat

Plusieurs facteurs clés ont contribué au succès du partenariat de l'étude PSHP et ont aidé à transmettre le message selon lequel « un logement adéquat contribue à la santé, par conséquent, une politique qui tient compte du logement est une bonne politique. »

  • L'équipe du PSHP a mis à profit les forces de chaque partenaire : les chercheurs ont solidement démontré qu'il fallait investir dans le logement pour améliorer la santé; les partenaires de la communauté se sont servis de leurs profondes connaissances du fonctionnement des services et des moyens de mobiliser la communauté; les responsables des politiques ont donné des conseils stratégiques sur les façons de communiquer avec leurs pairs et d'influencer ces derniers.
  • Tous les membres de l'équipe ont été choisis avec soin pour leur capacité d'influencer leurs pairs et leur volonté de travailler en partenariat. Ils étaient tous membres à part entière de l'équipe de recherche et les chercheurs principaux sont des dirigeants de la communauté.
  • Toutes les entrevues nécessaires à la recherche ont été réalisées par des assistants de recherche formés et choisis par des pairs. Cette façon de faire est avantageuse, car elle permet d'accélérer le recrutement, de recueillir des données plus complètes et de retenir les participants de l'étude. De plus, l'étude a permis d'améliorer la qualité de vie des assistants de recherche en leur fournissant des possibilités d'emploi. Les assistants ont été si efficaces que le ROTV a établi un institut de recherche pour les assistants afin de former plus de personnes vivant avec le VIH pour qu'elles soient en mesure de participer à la recherche qui a une incidence sur leur vie.
  • L'équipe a utilisé efficacement une gamme de stratégies d'échange de connaissances : exposés lors de conférences et publication d'articles dans des revues évaluées par des pairs; groupes de réflexion stratégiques et symposiums réunissant des membres de la communauté, des responsables des politiques et des prestataires de services; feuillets de renseignements résumant les résultats de recherche selon les régions et selon les réseaux locaux d'intégration des services de santé; réunions en face à face avec les principaux décideurs; assemblées publiques pour mobiliser les communautés; et trousse sur la politique en matière de logement (en cours de préparation). Toutefois, la participation des responsables des politiques et des prestataires de services au sein de l'équipe de recherche a constitué la stratégie d'application des connaissances la plus efficace.
  • Les membres de la communauté ont fait la plupart des présentations, ce qui renforçait leur sentiment d'être partie prenante de l'étude et leur rôle pour influencer les pratiques. Le fait de participer à la recherche et d'avoir son mot à dire est particulièrement important pour les communautés autochtones. L'équipe de recherche comptait un membre autochtone qui a participé à tous les aspects de la recherche : il a fourni des conseils sur le recrutement, a élaboré des questions, a analysé les données et s'est assuré que les résultats étaient d'abord présentés à la communauté autochtone.
  • Les membres de l'équipe continuent d'apprendre les uns des autres. La relation avec la NAHC a été particulièrement utile parce que cette organisation a pris la défense des personnes vivant avec le VIH aux États-Unis et a réussi à améliorer leur situation en ce qui a trait au logement; certaines de ses stratégies - notamment la trousse sur la politique - peuvent être adaptées au Canada.

Leçons apprises et possibilités futures

Le partenariat de l'étude PSHP établi entre les membres de la communauté, le milieu universitaire et les responsables des politiques est essentiel à la mise en pratique des résultats de la recherche. Il a permis d'améliorer la qualité de la recherche et de faire en sorte qu'elle convienne vraiment à la communauté; il a permis à l'équipe d'atteindre des résultats (augmentation du financement pour le logement, changements dans les politiques et dans les services de logement) qui n'auraient pu être obtenus si chaque partenaire avait travaillé individuellement. Grâce aux conditions de base et aux résultats cumulés en six mois, l'équipe a réussi à atteindre ces résultats avant même la fin de l'étude.

Résultats : Le partenariat et l'étude PSHP ont aidé les organismes communautaires ontariens oeuvrant dans le domaine du VIH/sida à obtenir du financement pour des services d'aide au logement. L'équipe du PSHP a établi des liens à l'échelle nationale et internationale pour aider d'autres communautés à profiter de son expérience.

Tout au long du processus, les membres de l'équipe ont tiré des leçons sur l'établissement de partenariats, leçons qui servent maintenant à examiner d'autres enjeux liés au VIH (emploi, santé mentale et co-infection VIH-VHC) et qui offrent d'excellentes possibilités d'apprentissage aux étudiants. Par exemple, il était important pour la communauté d'assumer un rôle de premier plan pour guider le partenariat tout en déterminant les enjeux et les besoins concrets. Il était tout aussi important de recruter des universitaires qui étaient prêts à travailler en collaboration et qui respectaient la sagesse de la communauté. L'équipe du PSHP était grande, et sa taille a facilité la gestion des tâches et a permis de tirer parti de diverses expertises; c'est pourquoi elle conseille de recruter divers groupes. L'équipe a fait un grand nombre de présentations, et son expérience sert maintenant aux autres. De plus, le ROTV encourage vivement le recours à des approches semblables dans ses programmes de recherche communautaire et ses autres programmes de financement de la recherche.

L'héritage laissé par ce partenariat fructueux et l'investissement des IRSC seront durables. Les IRSC viennent d'approuver trois années supplémentaires de financement, ce qui fait du PSHP le premier projet de recherche sur le logement à être refinancé. Le partenariat a permis de réaliser des changements importants dans les politiques et les services sur le logement, de créer un institut pour les assistants de recherche, d'établir de nouveaux partenariats nationaux et internationaux et d'intégrer plusieurs questions soulevées par le PSHP aux études cliniques et aux études de cohorte en cours. Toutes ces réalisations donnent à penser qu'il y aura, à l'avenir, plus d'exemples de travaux de recherche et de partenariats fructueux.

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