Partie 1 : La « voix du public » guide Vancouver Coastal Health dans la planification des services dans le domaine du VIH

Recueil de cas sur l'engagement des citoyens dans la santé

Margreth Tolson, Leader, Community Engagement
Vancouver Coastal Health

Introduction

Seek and Treat to Optimally Prevent (STOP) HIV/AIDS est un projet pilote innovateur de 48 millions de dollars d'une durée de quatre ans (2009-2013) financé par le ministère de la Santé de la C.-B., qui vise à améliorer les services de dépistage, de traitement et de soutien dans le domaine du VIH en C.-B., dans le but général de réduire l'incidence du VIH. Les organismes partenaires du projet sont Vancouver Coastal Health, Northern Health, la Provincial Health Services Authority, Providence Health Care et le Centre d'excellence sur le VIH/sida de la C.-B.

Le projet STOP concentre ses efforts sur les personnes dont l'accès aux soins est limité par différents obstacles, y compris les dépendances, les problèmes de santé mentale, l'itinérance et d'autres facteurs sociaux ou environnementaux. Lancé dans les quartiers défavorisés de Vancouver et à Prince George — deux collectivités désignées comme prioritaires pour le projet parce qu'elles regroupent la majorité des cas de VIH en C.-B. et que les taux de VIH/sida y sont en hausse — le projet STOP a reconnu le rôle essentiel des partenariats communautaires dans son efficacité, sa comptabilité et sa réceptivité aux besoins. Dès le début du projet, le comité de direction provincial de STOP a recruté quatre représentants communautaires (désignés par des organismes œuvrant dans le domaine du VIH) afin de garantir la participation de la communauté et de veiller à ce que la planification et la mise en œuvre du projet soient guidées par divers intervenants locaux en VIH.

Pourquoi engager les citoyens?

Dès le début de la composante vancouvéroise du projet STOP, la direction de Vancouver Coastal Health (VCH) a pris clairement partie en faveur de la participation communautaire, afin que le projet pilote reflète non seulement la réalité des besoins et des conditions des groupes marginalisés, mais accentue aussi son impact parmi les populations difficiles d'accès1. Le département d'engagement communautaire (DEC) de VCH, qui a été invité à concevoir et à mettre en œuvre des mécanismes de dialogue communautaire continu, a joué un rôle crucial dans ces efforts. En partenariat avec les représentants communautaires du comité de direction provincial de STOP, basé à Vancouver, le personnel du DEC a consulté des personnes vivant avec le VIH sur leurs expériences et leurs recommandations, afin que leurs perspectives influencent le processus décisionnel de la régie de la santé sur les priorités du projet pendant toute sa durée. Tandis que le DEC de VCH entamait des discussions avec des membres du public, la direction de STOP à VCH animait des discussions tout aussi importantes avec des représentants d'organismes communautaires (OC)2.

Méthodes : Phase 1 (mai – septembre 2010)

Difficultés initiales

En mai 2010, le personnel du DEC de VCH a contacté des OC pour explorer des moyens de collaboration optimale dans la formation des groupes de consultation. Ces discussions initiales ont souvent été difficiles, car le personnel des OC était méfiant à l'égard des intentions du projet STOP et ne savait pas comment (ni même si) le DEC allait se servir des résultats des consultations communautaires dans le processus décisionnel. De plus, tous les intervenants craignaient fortement que ce projet d'engagement communautaire ne soit en conflit d'intérêts. De nombreux OC se demandaient comment les fonds du projet allaient être répartis, comment leur participation pourrait influencer cette répartition et comment les idées des OC allaient être prises en compte si aucun de leurs membres ne pouvait participer aux consultations publiques.

Pour naviguer dans les écueils de ce projet complexe, très visible et hautement politisé, il était très important que le personnel du DEC de VCH travaille de concert avec le représentant communautaire, une personne vivant avec le VIH et bien connue dans la communauté. Le personnel du DEC a aussi rédigé une charte détaillée du projet, signée par le DEC et la direction de STOP à VCH, qui précisait clairement les éléments suivants :

En traçant une ligne claire entre la consultation du public et la consultation des représentants des OC, on espérait protéger l'intégrité du processus de consultation du DEC contre toute apparence de partialité dans la prise de décision relative au financement et au programme de STOP par VCH. De plus, pour dissiper la crainte que certains OC et certaines populations n'aient pas accès à la consultation publique, un atelier d'une demi-journée a été organisé à l'intention des représentants des OC afin de s'assurer que leurs expériences et leurs recommandations puissent éclairer le processus décisionnel.

Groupes de discussion : Préparation

Les représentants des OC ont collaboré avec VCH à la désignation de populations prioritaires pour la consultation du DEC : les Autochtones, les jeunes, les personnes ayant des problèmes de santé mentale et/ou de dépendance, les immigrants et les réfugiés, les hommes gais et les populations d'hommes marginalisés ayant des relations sexuelles avec des hommes, les sans-abri et les consommateurs de drogues injectables. Les représentants communautaires ont travaillé avec le personnel du DEC pour planifier et mettre en œuvre le processus d'engagement. La méthode des groupes de discussion a été désignée comme celle convenant le mieux à cette phase du projet pilote, car elle permettait aux gens de partager leurs expériences et de conjuguer leurs idées pour améliorer les modèles de service.

Ces groupes visaient à recueillir de l'information sur l'expérience des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque, afin de cerner les lacunes des services offerts dans le domaine du VIH et de déterminer comment répondre le mieux possible aux besoins des populations les plus marginalisées. En raison du profond stigmate qui demeure rattaché au VIH, on a reconnu qu'il pourrait être préjudiciable aux participants de certains groupes d'être questionnés sur leur état sérologique ou sur des services particuliers au traitement anti-VIH. C'est pourquoi deux guides de consultation ont été préparés (l'un pour les services de dépistage seulement, l'autre pour les services de dépistage, de suivi et de traitement); cependant, les deux mêmes questions essentielles revenaient dans les deux guides :

  1. Qu'est-ce qui fonctionne, ou ne fonctionne pas, dans ces services?
  2. Comment peut-on améliorer l'accès à ces services?

Le personnel du DEC a rencontré les représentants des OC et les co-animateurs avant chaque groupe de discussion (plusieurs fois dans certains cas) pour discuter des objectifs du travail, pour développer la confiance envers les intentions du projet et pour élaborer conjointement une approche de discussion optimale par rapport aux besoins de leurs clients. Le format des discussions et les guides de discussion ont été adaptés en réponse aux besoins particuliers de chaque groupe. Par exemple :

Groupes de discussion : Processus

Tous les groupes de discussion ont été co-animés par un employé du DEC et le représentant communautaire de STOP et/ou un représentant de l'OC partenaire. Certains groupes de discussion ont été programmés de manière à coïncider avec une activité déjà prévue. D'autres groupes ont été recrutés à l'aide d'affiches et par téléphone, par contact personnel et par Internet.

Les 13 groupes de discussion, dont deux en espagnol, ont eu lieu au cours des mois de juin et juillet 2010. Les 113 participants étaient représentatifs de divers groupes d'âge et de divers quartiers de Vancouver, et le contenu des discussions a été résumé dans un rapport à la direction de STOP à VCH en septembre 2010 (voir Tableau 1). Conformément à l'engagement de transparence et de comptabilité pris par le DEC, ce rapport a été transmis (par courrier ordinaire et électronique) à tous les participants et OC, en plus d'être publié dans le site Web de VCH (anglais seulement). À partir des résultats de ce travail, d'un examen de la littérature et des commentaires recueillis sur les réunions auprès de cliniciens, d'OC et d'autres fournisseurs de services, la direction de STOP à VCH a ensuite conçu et priorisé les stratégies du projet pilote.

Tableau 1 : Lieu des groupes de discussion et information démographique sur les participants3
Nom du groupe et population Nombre de participants
Phase 1 (Été 2010)
Nombre de participants
Phase 2 (Printemps 2011)
Vancouver Native Health SocietyAutochtones de la rue vivant avec le VIH) 11 (7 hommes; 3 femmes; 1 bi-spirituel) 10 (9 hommes; 1 femme)
Positive Women's Network—Ensemble des membres 8 (7 femmes; 1 transgenre) 9 femmes
Positive Women's Network—Femmes autochtones 9 (8 femmes; 1 transgenre/bi-spirituel) s. o.
Downtown Community Health Clinic
(personnes séropositives souffrant de maladie mentale grave)
10 (4 hommes; 6 femmes) 8 (4 femmes; 4 hommes)
BC Persons with AIDS Society
(groupe de soutien pour personnes séropositives)
11 hommes 6 hommes
Life Skills Centre
(personnes de la rue souffrant de dépendance)
10 hommes 15 (13 hommes; 2 femmes)
WATARIFamilles latino-américaines 18 (14 hommes; 4 femmes) 25 (18 hommes; 6 femmes; 1 transgenre/bi-spirituel)
Health Initiative for Men
(hommes gais)
3 hommes 3 hommes
Dr. Peter Centre
(groupe de soutien pour personnes séropositives)
3 hommes s. o.
Groupe de jeunes Latino-américains 16 (9 hommes; 7 femmes) 17 (7 hommes; 10 femmes)
Helping Spirit Lodge
(refuge pour femmes autochtones)
5 femmes s. o.
Youthco AIDS Society
(jeunes vivant avec le VIH)
5 hommes 5 (4 hommes; 1 transgenre)
BOYS R US
(hommes travailleurs du sexe)
s. o. 7 (6 hommes; 1 transgenre/bi-spirituel)
Downtown Eastside HIV/IDU Consumer's Board
(consommateurs de drogues injectables)
s. o. 14 (10 hommes; 4 femmes)
Healing Our Spirit First Nations AIDS Society
(Autochtones vivant avec le VIH)
s. o. 11 (7 hommes; 2 femmes; 2 bi-spirituels)
Total 113 participants
(69 hommes; 41 femmes; 3 bi-spirituels/ transgenres)
130 participants
(87 hommes; 38 femmes; 5 transgenres/bi-spirituels)

Méthodes : Phases 2 (janvier – mars 2011) et 3 (octobre – décembre 2011)

En décembre 2010, le personnel du DEC a recommencé à rencontrer la direction de STOP à VCH pour planifier la phase suivante de la consultation publique. Des stratégies avaient été provisoirement établies (et déjà mises en œuvre dans certains cas), et la direction de STOP à VCH avait sélectionné les principaux thèmes à aborder avec les membres du public afin de guider la planification plus détaillée des services de santé qui devait débuter le 1er avril 2011. Les OC partenaires ont encore été contactés pour organiser ces discussions, et ils ont une fois de plus été extrêmement utiles : grâce au grand soin mis dans la création de partenariats à la phase 1, ils ont pu mettre sur pied la deuxième série de discussions très rapidement.

Chaque groupe de discussion a débuté par une brève présentation sur :

On a aussi demandé aux participants de recommander des formes possibles d'engagement continu qui permettraient au public de suivre la mise en œuvre du projet STOP (jusqu'en mars 2013).

Des dispositions ont été prises pour laisser place aux expériences et aux idées qui s'écartaient des thèmes établis, et on s'est engagé à présenter toute préoccupation ultérieure sous forme « d'alertes communautaires » dans le rapport de la phase 2. Les 12 groupes de discussion et les 130 participants étaient encore une fois représentatifs de divers groupes d'âge et quartiers de la ville. Comme à la phase 1, le rapport de la phase 2 a été envoyé à tous les intervenants et publié dans le site Web de VCH (anglais seulement).

Pour les prochaines phases de consultation publique, les participants à la phase 2 ont convenu que le modèle de rétroaction et de discussion semestriel était efficace et qu'il était important pour la direction de STOP à VCH et les membres du public de maintenir le dialogue tout au long du projet. Les groupes de discussion ont été perçus comme une méthode efficace pour recueillir des idées, mais certaines personnes ont suggéré de joindre un volet éducation sur le VIH (couvrant une variété de thèmes) aux groupes de discussion et d'offrir la possibilité d'être consultés en ligne à ceux qui ne peuvent pas (ou ne veulent pas) participer aux groupes de discussion.

Au moment de rédiger ces lignes, la phase 3 était en préparation avec la direction de STOP à VCH, et elle tiendra compte des recommandations issues des phases antérieures. Pour aider VCH à planifier les services dans le domaine du VIH après le projet STOP en mars 2013, les consultations communautaires se poursuivront à tous les six mois jusqu'à l'automne 2012.

Résultats et impact

Les recommandations du public ont eu l'influence directe suivante sur le projet pilote STOP HIV/AIDS :

Engagement des pairs

Un nouveau et vaste réseau de pairs formés en travail communautaire a été financé par l'entremise des OC pour offrir des tests de dépistage et du soutien continu aux patients nouvellement diagnostiqués. Ce réseau peut aussi travailler avec l'équipe clinique de STOP pour fournir des services communautaires dans le domaine du VIH.

Prestation de services médicaux hors du système de santé

L'équipe clinique de STOP HIV/AIDS offre des services de dépistage et de traitement dans de nombreux endroits hors du système de santé, y compris des refuges, des centres de jour et des centres communautaires.

Prestation de services aux immigrants et aux réfugiés

Une clinique existe maintenant pour les personnes sans assurance-maladie, et les personnes séropositives non assurées ont maintenant droit à des services dans toutes les cliniques de VCH, ce qui comprend l'accès à des interprètes.

Messages de santé publique

Les messages visant à encourager le dépistage et le traitement ont été spécialement adaptés aux normes des populations ciblées (p. ex. « c'est quoi ton numéro » pour les hommes gais (anglais seulement)).

Pour la direction de STOP à VCH, la consultation continue en plusieurs phases avec des membres du public et des représentants des OC a eu plusieurs avantages :

Leçons apprises

Quatre leçons clés ont été apprises durant la planification du projet pilote STOP HIV/AIDS.

1. Les partenariats communautaires jouent un rôle clé dans le succès de l'engagement public et l'efficacité des services.

Un certain nombre de partenariats ont contribué au succès de ce projet :

Il a été gratifiant de voir ces leçons guider la priorisation des ressources dans les projets pilotes; par exemple, la forte augmentation du soutien au travail avec les pairs et le partenariat avec les OC pour offrir un éventail complet de services cliniques. On espère que ces partenariats auront aussi un impact sur le succès du projet STOP à réduire l'incidence du VIH dans notre région4.

2. Le degré d'influence de toute consultation publique doit être reconnu clairement et honnêtement.

Il est important de demeurer honnête avec les partenaires, les intervenants et le public quant au degré d'influence de leur contribution. Étant donné la complexité des relations entre les intervenants provinciaux, régionaux et locaux, et compte tenu de la taille et de la visibilité du projet comme tel, il n'est pas possible (ni juste) d'attribuer spécifiquement à la contribution du public des décisions prises dans le cadre du projet. Certaines priorités soulevées au niveau local n'ont pas eu la même importance dans le plan provincial (comme l'éducation sur la prévention, l'information sur la gestion continue de la maladie, la formation en communication pour les fournisseurs de soins) et n'ont donc pas été mises en œuvre.

Même s'il est impossible de dire « la voix du public a changé CECI », les recommandations du public ont servi à orienter, à appuyer ou à justifier des objectifs particuliers, et c'est pourquoi il est heureux que la direction de STOP à VCH soit largement constituée de personnes comprenant et appuyant les priorités communautaires.

3. La préparation minutieuse et concertée des thèmes de discussion contribue à l'intégrité du processus.

Grâce aux communications régulières et suivies entre le personnel du DEC et la direction de STOP à VCH, les thèmes de discussion pour chaque phase de la consultation ont été soigneusement sélectionnés et formulés d'une façon qui a assuré la pertinence de la rétroaction directe des clients pour les plans ultérieurs. La préparation a couvert des discussions intensives sur la clarté et la précision des questions et sur la capacité de VCH à utiliser la rétroaction. De même, des discussions intensives ont eu lieu avec les OC partenaires dans la conception des guides de discussion. Cela leur a permis d'assurer la pertinence des discussions pour leurs clients ayant choisi de participer aux consultations.

4. La stigmatisation demeure un obstacle sérieux à l'obtention des services de santé, mais la participation communautaire peut contribuer à créer des ponts.

La stigmatisation conserve une puissante influence sur la volonté des gens de subir un test de dépistage du VIH, de connaître leur état sérologique ou de parler à des fournisseurs de soins de santé. Le VIH afflige aussi de façon disproportionnée des groupes qui, déjà, font l'objet de préjugés tenaces et font face à des obstacles multiples à l'accès aux fournisseurs de soins et aux établissements de santé. Cependant, la participation communautaire et la consultation du public peuvent grandement contribuer à développer le lien de confiance avec des groupes marginalisés dont l'accès aux services de santé est limité par la stigmatisation. Cette leçon s'applique aussi aux services de santé dans de nombreux autres domaines, comme la santé mentale, les troubles alimentaires et les dépendances.

Notes en bas de page

Note en bas de page 1

Par l'intermédiaire de ses 24 500 employés, Vancouver Coastal Health (VCH) est responsable d'offrir une série de programmes et de services à la population de Vancouver, Richmond et la rive nord, et aux collectivités de la côte de Garibaldi. Avec un budget direct de 2,1 milliards de dollars, il s'agit du principal organisme de santé au Canada au chapitre des moyens financiers. VCH dessert une clientèle de plus d'un million d'habitants par le biais de 14 centres de soins actifs et plus de 556 établissements cliniques, communautaires et résidentiels. Pour plus d'information, consulter le site Web de VCH (en anglais seulement).

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Note en bas de page 2

Aux fins de la présente étude de cas, on désigne comme « membres du public » les participants aux processus d'engagement communautaire de VCH qui vivent avec le VIH ou qui sont à risque de contracter la maladie.

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Note en bas de page 3

Les discussions étaient ouvertes à tous, et aucun effort n'a été fait pour s'assurer que les participants étaient les mêmes d'une phase à l'autre. Pour une version plus détaillée de l'information démographique contenue dans ce tableau, consulter les rapports originaux (en anglais seulement).

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Note en bas de page 4

Les données de santé publique sont mesurées par un évaluateur engagé par la direction de STOP à VCH. Les résultats sur le processus d'engagement public seront mesurés par le ministère au début de 2013.

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