Le SPM existe-il?

Le syndrome prémenstruel (SPM) est une réalité largement reconnue par la communauté médicale : il toucherait la majorité des femmes et des filles en âge de procréerNote en bas de page 1 Note en bas de page 2. Le SPM est associé non seulement à des symptômes physiques comme les crampes, mais aussi à des humeurs négatives telles que la tristesse, l'anxiété et l'irritabilité. La recherche est-elle toutefois parvenue à établir un lien direct entre le cycle menstruel et l'humeur négative? Se pourrait-il que le SPM relève plutôt de la science-fiction? 

Le « bagage culturel » associé au SPM

« Le bagage culturel associé au cycle menstruel chez la femme est très vaste. Des industries entières sont basées sur la croyance voulant que les femmes soient d'humeur changeante et qu'elles deviennent irrationnelles, voire instables, à l'approche de leurs menstruations », affirme la Dre Gillian Einstein, directrice du programme collaboratif sur la santé des femmes de l'Université de TorontoNote en bas de page 3. Ce n'est pas d'hier que les fonctions de reproduction féminines font l'objet de mythes et de désinformation : Hippocrate, par exemple, croyait que l'utérus voyageait dans le corps de la femme (selon le phénomène de l'« utérus migrateur »), causant ainsi la dépression et la folieNote en bas de page 4. Il a fallu attendre le début des années 1930 pour que la phase prémenstruelle soit identifiée comme une cause de l'humeur changeante des femmesNote en bas de page 5.

Le lien entre le cycle menstruel et les humeurs négatives que tiennent pour acquis de nombreuses femmesNote en bas de page 6 n'est pourtant pas reconnu universellement. Dans les pays où ce dernier n'est pas aussi solidement ancré dans la culture, comme l'Inde ou la Chine, les femmes sont considérablement moins susceptibles d'indiquer avoir ressenti des humeurs négatives durant la phase prémenstruelleNote en bas de page 7. Fait étonnant, un récent examen de la littérature à ce sujet a révélé que seulement 15 % des articles publiés démontraient qu'un lien direct existait entre ces deux élémentsNote en bas de page 8. Ces conclusions, qui s'ajoutent à de nouvelles recherches, viennent remettre en question la croyance voulant que la phase prémenstruelle soit à l'origine d'une instabilité émotionnelle chez la femme.

Les preuves

L'étude Mood in Daily Life (MiDL), financée par les IRSC, s'est penchée sur l'influence du cycle menstruel et des hormones reproductives sur l'humeur des femmes au quotidien. Plus de 100 Canadiennes en bonne santé ont été choisies au hasard pour réaliser cette étude. Sans connaître l'objet de l'étude, elles ont consigné leurs humeurs, tant positives que négatives, pendant six mois à l'aide d'un téléphone intelligent qu'on leur avait fourni, permettant ainsi aux chercheurs d'accéder à des données en temps réel. L'équipe a conclu qu'au sein d'une population en santé ignorant le but de l'étude, des facteurs comme la santé physique, le stress ressenti et le soutien social exerçaient une bien plus grande influence sur l'humeur que n'importe quelle phase du cycle menstruelNote en bas de page 9.

Toujours dans le cadre de cette étude, l'équipe a mesuré quotidiennement les taux d'estrogène et de progestérone des participantes pendant six semaines, ce qui leur a permis de faire deux découvertes importantes. Premièrement, ces hormones n'auraient qu'une faible influence sur l'humeur des femmes. De plus, l'équipe a conclu que le nombre de jours associé à chaque phase du cycle menstruel d'une femme variait tellement qu'il était impossible de prédire avec précision ses taux d'hormones simplement en comptant le nombre de jours écoulés depuis le début de son cycle. Par conséquent, les études publiées qui ont prouvé l'existence d'un lien entre le cycle menstruel et l'humeur chez les femmes sans mesurer leurs taux d'hormones reproductives pourraient avoir confondu des facteurs culturels et biologiquesNote en bas de page 10.

Comment en sommes-nous donc venus à associer si étroitement la phase prémenstruelle à l'instabilité émotionnelle? Dans les études antérieures, les chercheurs ont souvent omis d'évaluer les humeurs positives, présumant que le cycle menstruel ne serait associé qu'à des humeurs négativesNote en bas de page 8. Dans d'autres cas, les participantes avaient été informées que l'étude portait sur l'humeur et le SPMNote en bas de page 8. Comme l'a soulevé l'équipe de l'étude MiDL, « si l'attitude à l'égard des menstruations est largement négative, les femmes s'attendent elles aussi à ce que leur humeur soit négative durant leurs menstruationsNote en bas de page 8. » Pour démontrer l'existence du SPM, les chercheurs se sont également appuyés sur des données associées à des femmes ayant cherché à obtenir de l'aide médicale pour des problèmes d'humeurNote en bas de page 8. Selon les recherches actuelles, entre 1,3 % et 9 % des femmes présenteraient un syndrome affectant grandement leur humeur au cours de leur cycle menstruel, appelé « trouble dysphorique prémenstruelNote en bas de page 8 ». L'équipe de l'étude MiDL a toutefois conclu, à partir d'une population choisie au hasard, que les humeurs des femmes ne cherchant pas à obtenir de l'aide étaient bien plus susceptibles d'être influencées par des facteurs psychosociaux que par le SPM.

Conclusion

Il semble que les croyances culturelles à propos du SPM aient influencé la perspective des femmes et des chercheurs à l'égard de la phase prémenstruelle. Toutefois, de nouvelles recherches contribuent actuellement à la démythification de la croyance voulant que le SPM soit à l'origine d'une instabilité émotionnelle chez la femme. Non seulement les preuves venant confirmer cette théorie n'abondent pas, mais les facteurs psychosociaux, comme la santé physique et le soutien social, semblent exercer une plus grande influence sur l'humeur que n'importe quelle étape du cycle menstruel. Les études qui remettent en question les liens biologiques entre le cycle menstruel et la volatilité des humeurs finiront peut-être par faire évoluer l'opinion de la société à propos des humeurs et des menstruations des femmes.

À propos de l'étude Mood In Daily Life

L'étude Mood In Daily Life (2004 à 2006) a été menée par une équipe de chercheurs de Toronto composée de Sarah Romans, chercheuse principale, du Women's College Hospital; de Nili Benazon et de Brenda Toner, du Centre de toxicomanie et de santé mentale; de Donna Stewart et de Sheila Laredo, du Women's College Hospital; de Kathryn Morgan, du département de philosophie de l'Université de Toronto; et de Gillian Einstein, du département de psychologie de l'Université de Toronto. Des résultats de l'étude ont été publiés dans Gender Medicine, Psychotherapy and Psychosomatics ainsi que dans Hormones and Behavior, et l'étude a été financée par les IRSC.

Notes en bas de page

Note en bas de page 1

Yonkers, K. A., P. M. O'Brien et E. Eriksson (2008). « Premenstrual syndrome », The Lancet, vol. 371, no 9619, p. 1200-1210.

1

Note en bas de page 2

Robinson, G. E. (2002). « The problem with premenstrual syndrome », Canadian Family Physician, vol. 48, p. 1753.

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Note en bas de page 3

Kemick, A. (17 octobre 2012). « PMS May Not Exist, Research Shows (en anglais seulement) », U of T News.

3

Note en bas de page 4

Rodin, M. (1992). « The social construction of premenstrual syndrome », Social Science & Medicine, vol. 35, no 1, p. 49-56.

4

Note en bas de page 5

Figert, A. E. (2005). « Premenstrual syndrome as scientific and cultural artifact », Integrative Physiological & Behavioral Science, vol. 40, no 2, p. 102-113.

5

Note en bas de page 6

Marván, M. L., et S. Cortés-Iniestra (2001). « Women's beliefs about the prevalence of premenstrual syndrome and biases in recall of premenstrual changes », Health Psychology, vol. 20, no 4, p. 276.

6

Note en bas de page 7

Ussher, J. M., et J. Perz (2013). « PMS as a gendered illness linked to the construction and relational experience of hetero-femininity », Sex Roles, vol. 68, no 1-2, p. 132-150.

7

Note en bas de page 8

Romans, S., R. Clarkson, G. Einstein, M. Petrovic et D. Stewart (2012). « Mood and the menstrual cycle: a review of prospective data studies », Gender Medicine, vol 9, no 5, p. 361-384.

8

Note en bas de page 9

Romans, S. E., D. Kreindler, E. Asllani, G. Einstein, S. Laredo, A. Levitt, K. Morgan, M. Petrovic, B. Toner et D. E. Stewart (2012). « Mood and the menstrual cycle », Psychotherapy and Psychosomatics, vol 82, no 1, p. 53-60.

9

Note en bas de page 10

Schwartz, D. H., S. E. Romans, S. Meiyappan, M. J. De Souza et G. Einstein (2012). « The role of ovarian steroid hormones in mood », Hormones and Behavior, vol 62, no 4, p. 448-454.

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