Science ou science-fiction : le sexe et le genre ont-ils une influence sur la consommation de cannabis?

La consommation du cannabis à des fins médicales ou récréatives est en hausse, et il est prévu que cet usage croisse avec sa légalisation prochaine au Canada. Le cannabis à des fins médicales a été employé avec succès pour le traitement de certains problèmes de santé tels que la douleur. Cependant, l’étendue de ses impacts sur la santé des hommes et des femmes est encore peu connue. Puisqu’il est anticipé que la consommation du cannabis (récréatif et médical) augmentera, les chercheurs, les cliniciens et les décideurs politiques devraient porter attention à la question suivante : comment le sexe et le genre influencent-il la consommation du cannabis et ses effets sur la santé?

Différences liées au sexe et cannabis

Des recherches récentes ont permis de commencer à cerner les différences liées au sexe qui se rapportent aux effets du cannabis. Les hormones sexuelles semblent y jouer un rôle notable. Des études biomédicales ont montré que les effets du cannabis sur le cerveau dépendent du sexe, et que les femmes ont moins de récepteurs cannabinoïdes de type CB1 (la partie de la cellule qui médie la réponse au cannabis) dans certaines régions du cerveauNote en bas de page 1,Note en bas de page 2. Des recherches indiquent aussi que la progestérone tendrait à accroître la dépendance au delta-9-tetrahydrocannabinol (THC) — la molécule chimique responsable de la plupart des effets de cette drogue psychoactive — chez les femmes, tandis que la testostérone serait un facteur protecteur chez les hommesNote en bas de page 3.

Aussi, les différences liées au sexe concernant les effets du cannabis pourraient être partiellement expliquées par la distribution en masse musculaire et en masse grasse, qui diffère chez les hommes et les femmes. Les cannabinoïdes se dissolvent rapidement dans les lipides et sont rapidement stockés dans les cellules adipeuses. Comme les femmes tendent à avoir un pourcentage de masse grasse plus élevé, les effets du cannabis seraient différents chez elles.

Les hommes présentent davantage de diagnostics de troubles liés à la consommation de cannabisNote en bas de page 4. Cependant, les recherches montrent aussi que les femmes sont davantage inquiétées par leur consommation et leur dépendance au cannabisNote en bas de page 5. Les jeunes femmes tendent à effectuer une transition vers la consommation régulière de cannabis et à y développer une dépendance plus rapidement que les hommesNote en bas de page 6,Note en bas de page 7. Les femmes expérimenteraient de plus forts symptômes de sevrage, dont l’agitation, l’irritabilité, les nausées, les maux de ventre et les vertigesNote en bas de page 8,Note en bas de page 9. Lorsque le cannabis est consommé en combinaison avec d’autres drogues, l’intensité de ses effets différerait aussi en fonction du sexe et du genre. Une étude récente a révélé que le fait de fumer concomitamment du tabac et du cannabis augmentait significativement le risque de pneumothorax spontané (affaissement du poumon) chez les hommes mais non chez les femmesNote en bas de page 10.

Cannabis et reproduction

Quelques études ont montré que le cannabis peut affecter les cycles menstruels, le système reproducteur et la fertilitéNote en bas de page 11. Par exemple, les femmes qui consomment du cannabis peuvent présenter des perturbations dans leurs cycles menstruelsNote en bas de page 12, ce qui diminuerait leur fertilité.

Le cannabis est la drogue la plus utilisée chez les femmes enceintesNote en bas de page 13,Note en bas de page 14. Bien que les chercheurs poursuivent encore leurs études sur les effets à long terme de la consommation de cannabis sur la santé, certains rapports indiquent qu’elle est associée à un plus faible poids du bébé à la naissanceNote en bas de page 15. Une étude récente a révélé que la consommation de cannabis durant la grossesse entraînerait un risque accru de morbidité néonataleNote en bas de page 16. Considérant que la consommation de cannabis chez les femmes augmente et pourrait bientôt atteindre la proportion observée chez les hommesNote en bas de page 17, il est essentiel que la recherche prenne en compte les différences liées au sexe dans ce domaine, pour des questions de santé publique.

Les influences du genre sur la consommation de cannabis

Les hommes sont plus nombreux que les femmes à consommer du cannabis à des fins récréatives, tandis que les femmes l’utilisent davantage pour des fins médicales18. La légalisation et l’acceptabilité accrue de cette consommation pourraient diminuer la pression sociale allant à l’encontre de la consommation du cannabis chez les femmes. L’accroissement de la consommation chez les filles et les femmes résulterait donc en partie de changements légaux, sociaux et culturelsNote en bas de page 17,Note en bas de page 19.

Le genre influencerait aussi les habitudes de consommation du cannabis. Les femmes consommeraient davantage de produits comestibles que les hommes, tandis que les hommes rapportent en fumer davantage que les femmes, et leur utilisation des formes vaporisées ou concentrées (hash et huiles) est aussi supérieure à celle des femmes, tout comme leur taux de consommation totalNote en bas de page 18.

Les diverses voies d’administration du cannabis peuvent influencer ses effets sur le consommateur. Par exemple, le fait de fumer entraîne un effet (‘high’) plus rapide et intense, puisque les taux sanguins maximaux du métabolite actif du cannabis sont atteints plus rapidement. Comme l’industrie du cannabis se développe et que de plus en plus de produits sont mis sur le marché, les différences entre les genres influenceront les modes de consommation du cannabis et leurs impacts sur la population.

Conclusion

Une meilleure compréhension des influences du sexe et du genre sur la consommation et les effets du cannabis est essentielle pour la régulation et la gestion efficaces de cette drogue. L’amélioration des aspects sécuritaires associés à la consommation du cannabis deviendra un enjeu de plus en plus important au Canada avec l’arrivée de changements légaux et culturels dans ce domaine. Une meilleure compréhension des différences liées au sexe et au genre permettra d’assurer que les actions des décideurs en santé publique, des cliniciens et du grand public en lien avec le cannabis soient sécuritaires et responsables.

L’histoire de Sarah

Sarah est âgée de 33 ans et consomme régulièrement du cannabis. Elle a accepté de nous parler de son expérience avec cette drogue et des effets sur sa santé.

Pourquoi consommez-vous du cannabis?

Je fume du cannabis tous les jours, pour des fins récréatives et pour gérer mon stress, mais aussi pour la gestion de mes douleurs. Je souffre de douleurs menstruelles sévères, mais aussi du syndrome du côlon irritable (SCI). La marijuana soulage mes crampes, nausées et diarrhées. Ça stimule mon appétit quand je ne suis pas capable de manger à cause de mon SCI. Ça fonctionne mieux que les autres analgésiques et je sens que c’est plus doux pour mon corps.

De quelle manière consommez-vous le cannabis?

Je fume habituellement des joints, mais quand j’ai accès à des produits comestibles qui contiennent du THC, je vais préférer ces produits. Je trouve que le ‘high’ qu’ils produisent est moins intense que celui des joints.

Qu’est-ce que votre médecin en pense?

Mon médecin n’est pas généralement pro-cannabis, mais elle m’appuie dans la recherche d’une solution qui correspond à mon mode de vie. Elle m’a aussi recommandé de prendre des « pauses » de consommation de manière occasionnelle, pour s’assurer que je ne développe pas de trouble de consommation. Quand j’arrête, je sens de faibles symptômes de sevrage, qui sont surtout liés à la douleur. Je sais qu’il peut y avoir des effets secondaires sur la fertilité, mais pour moi, la réduction de la douleur surpasse ce risque.

Sentez-vous des pressions liées au genre dans la consommation du cannabis?

Je pense que c’est beaucoup moins nocif et plus efficace que ce que les gens pensent. En tant que femme, aucun autre médicament ou drogue ne m’a autant aidée pour gérer mes douleurs menstruelles et mes symptômes liés au SCI. Personnellement, je ne sens pas de pression pour en consommer moins parce que je suis une femme, mais je comprends que certaines femmes pourraient ressentir cette pression.

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