Le cannabis au volant
Des chercheurs canadiens examineront si l’usage du cannabis entraîne des accidents de la route

Le 5 juin 2018

En janvier 2018, le gouvernement du Canada a annoncé un investissement de 1,4 million de dollars pour appuyer la recherche sur les conséquences potentielles de la légalisation du cannabis à des fins récréatives. Financée par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), la recherche aidera à guider l’élaboration de politiques et de programmes visant à minimiser les effets négatifs de l’usage du cannabis.

Une des principales craintes au sujet du cannabis est son effet sur la capacité de conduire un véhicule automobile; trois des projets financés porteront sur cette question.

Le Dr Mark J. Eisenberg, directeur du programme de M.D.-Ph.D. à la Faculté de médecine de l’Université McGill et cardiologue à l’Hôpital général juif, analysera de quelle manière le tétrahydrocannabinol (la substance chimique qui affaiblit les facultés) agit sur la capacité de conduire un véhicule. L’équipe du Dr Eisenberg étudiera également les caractéristiques de la consommation récréative de cannabis et la conduite automobile, et déterminera toute lacune à combler dans les connaissances actuelles.

« Selon un rapport du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, les jeunes croient souvent que les effets du cannabis au volant dépendent de la personne », mentionne le Dr Eisenberg. « Certains jeunes ont également laissé entendre la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis était moins dangereuse que la conduite en état d’ébriété. Par conséquent, de nombreux jeunes peuvent sous-estimer la réduction des facultés causée par le cannabis chez la personne qui conduit un véhicule. Or, comme cette population est aussi une grande utilisatrice de cannabis, il est crucial de s’attaquer aux dangers potentiels de cette drogue au volant. »

La Dre Marie-Claude Ouimet, professeure agrégée à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et directrice du Réseau de recherche en sécurité routière du Québec, étudiera les effets de la légalisation du cannabis sur l’incidence de la conduite avec les facultés affaiblies, y compris des conséquences telles les collisions, les arrestations et les condamnations, en accordant une attention particulière aux jeunes conducteurs. Son équipe travaillera avec des utilisateurs des connaissances (agents de police, procureurs et représentants de la Société de l’assurance automobile du Québec) pour essayer de voir quelle est la meilleure façon de s’attaquer à ces questions. Les résultats aboutiront à un système de surveillance de la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis et d’autres drogues qui pourra également être utilisé par d’autres administrations.

« Il faut que nous puissions connaître facilement, et dans les meilleurs délais, ce qu’il en est de la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis », affirme la Dre Ouimet. « Combien de personnes ont été arrêtées, poursuivies et reconnues coupables d’avoir conduit avec les facultés affaiblies par le cannabis? Ces connaissances nous aideront à améliorer les stratégies de prévention en ce qui concerne le cannabis pour l’ensemble de la population, y compris les groupes à risque comme les jeunes conducteurs. »

Le Dr Christophe Huynh, chercheur au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'̕Île-de-Montréal, examinera comment les habitudes de consommation, les comportements au volant, les traits psychologiques, les relations interpersonnelles et la conformité aux normes de genre influent sur les décisions de conduire après avoir consommé du cannabis. Le Dr Huynh et son équipe suivront une cohorte de jeunes conducteurs canadiens et compileront des données sur leur consommation d’alcool ou de cannabis avant de prendre le volant.

« Je veux comprendre les facteurs psychologiques qui expliquent que certains jeunes conduisent une automobile après avoir consommé du cannabis, et que d’autres ne le font pas », soutient le Dr Huynh. « La drogue elle-même ne les oblige pas à le faire. Par exemple, certains jeunes peuvent être impulsifs de nature. Lorsqu’ils consomment du cannabis, ils ne soupèsent peut‑être pas bien toutes les conséquences négatives de prendre le volant après coup. Par contre, une hausse des accidents de la route pourrait provenir du fait que ces jeunes conduisent imprudemment même lorsqu’ils ne sont pas sous l’influence de la drogue. »

Le Dr Samuel Weiss, directeur scientifique de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC, suit le dossier de près et s’attend à ce que la recherche procure aux décideurs canadiens de précieuses données pour justifier leurs politiques.

« Jusqu’à 31 % des consommateurs de cannabis ont entre 18 et 24 ans », observe le Dr Weiss. « Ce sera important de comprendre la façon dont la légalisation et la règlementation du cannabis peuvent influer sur les décisions que les jeunes prennent en lien avec l’usage de cette drogue, et en particulier l’impact potentiel du cannabis sur les jeunes conducteurs. Ce sont d’importantes conséquences qui doivent être considérées pour la santé et le bien‑être de tous les Canadiens. »

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