Science ou Science-fiction : Les hommes en connaissent-ils assez sur leur propre fertilité?

Plusieurs jeunes hommes envisagent de devenir parents dans le futurNote en bas de page 1,Note en bas de page 2. Cependant, parmi ces jeunes hommes, la notion de santé sexuelle est surtout centrée sur la prévention de la grossesse et des infections transmises sexuellement, et rarement, voire jamais, sur leur fertilité. Peu d’hommes anticipent qu’ils pourraient avoir des difficultés à concevoir lorsqu’ils seront rendus à cette étape. Contrairement aux femmes, qui ont été sensibilisées à leur horloge biologique, la plupart des hommes ignorent qu’il existe une « date limite » pour leur fertilitéNote en bas de page 3. Un couple canadien sur six fera face à un moment ou à un autre à des problèmes de fertilitéNote en bas de page 4, et dans environ la moitié de ces cas, la cause principale ou contributoire sera liée au partenaire masculinNote en bas de page 5. Considérant le manque de sensibilisation chez les hommes concernant les multiples facteurs qui peuvent influencer leur fertilité – qu’ils soient ou non sous leur contrôleNote en bas de page 6,Note en bas de page 7 – est-ce possible qu’un cours intensif sur la fertilité pour les jeunes hommes canadiens soit nécessaire ?

La fertilité : un sujet connu chez les hommes ?

Une grande enquête a été menée en recherche pour déterminer les connaissances maîtrisées par les hommes en ce qui concerne leur propre fertilitéNote en bas de page 8. Elle a été réalisée par Phyllis Zelkowitz de l’Hôpital général juif et de l’Université McGill à Montréal, et a impliqué 700 Canadiens âgés de 18 à 50 ans qui provenaient de divers groupes sociodémographiques et des différentes provinces canadiennes. Les participants devaient identifier les facteurs associés à l’infertilité masculine et évaluer leur niveau de connaissance sur la fertilité masculine. Les chercheurs ont découvert que près de 90 % des hommes sondés considéraient être relativement bien renseignés sur la reproduction et la fertilité masculine. Cependant, ils n’ont pu identifier, en moyenne, que 50 % des facteurs de risques liés aux problèmes de fertilité.

La plupart des hommes ont pu relever que l’utilisation des stéroïdes, les infections transmises sexuellement et les blessures ou douleurs au scrotum pouvaient avoir une incidence négative sur leur fertilité. Cependant, plusieurs autres facteurs de risques contrôlables (facteurs de risque modifiables) tels que la chaleur excessive provenant d’appareils électroniques, la pratique assidue du cyclisme et l’utilisation fréquente des bains chauds étaient beaucoup moins connus. Plusieurs hommes n’étaient pas au courant que l’obésité, la haute pression sanguine et le diabète étaient aussi associés à l’infertilité.

Une discussion nécessaire

« Ces lacunes indiquent qu’une éducation universelle et publique sur la fertilité masculine est vraiment nécessaire », selon la Dre Zelkowitz. « Les médecins devraient parler de santé reproductive avec leurs patients de sexe masculin, tout comme cela est déjà fait avec les patientes ». L’enquête a aussi révélé que l’âge, l’éducation, le revenu, l’orientation sexuelle et l’intention d’avoir des enfants n’influençaient pas le niveau de connaissance des hommes sur leur fertilité.

Les normes sociales qui assimilent la masculinité avec la puissance pourraient contribuer à la réticence des hommes à parler d’infertilitéNote en bas de page 9. « Il est important d’élargir la discussion sur l’infertilité et ses conséquences physiques, émotionnelles et sociales, et d’y inclure l’expérience des hommes », affirme la Dre Zelkowitz.

Saviez-vous que…

La surutilisation d’appareils électroniques tels que les cellulaires et les ordinateurs font partie des facteurs de risque associés à l’infertilité masculine.

À peine 26 % des répondants ont correctement identifié ce facteur comme un risque.

D’autres facteurs de risques et problèmes de santé associés à l’infertilité sont le stress, l’utilisation prolongée de stéroïdes, le port de pantalons serrés, le haut taux de cholestérol, la puberté tardive et la pratique fréquente du cyclisme et de l’équitation.

Rareté des sources d’informations

Environ un tiers des hommes sondés ont rapporté des inquiétudes liées à la fertilité et plus de la moitié a exprimé le désir d’en connaître davantage sur leur propre fertilité. Selon la Dre Zelkowitz : « Malheureusement, nous avons trouvé que les ressources en ligne tendent à être inaccessibles et peu compréhensibles. » Son équipe a évalué le contenu de sites internet cliniques sur la fertilité au Canada et en Amérique du Nord. L’équipe a aussi revu les 20 résultats les plus populaires sur Google pour les recherches « fertilité mâle » et « fertilité mâle préservation cancer » au Canada et dans le monde. La plupart des 85 sites internet évalués ne rencontraient pas les standards de lisibilité, de pertinence et de qualité liée à l’accessibilité et aucun d’eux ne respectait le critère du niveau de lecture qui est celui de la 3e année du secondaire. Seulement 11 % des sites internet utilisaient du matériel audiovisuel et seuls 1/3 rapportaient l’année de leur dernière mise à jourNote en bas de page 10.

La prochaine étape prévue dans les travaux de la Dre Zelkowitz concerne le développement d’une intervention mobile pour la santé afin de fournir des informations et du soutien pour les hommes ayant des inquiétudes liées à leur fertilité, et de s’assurer ainsi que les hommes dans le public général reçoivent de l’information valide sur la santé reproductive. Son équipe développe et teste présentement des applications numériques pour aider les hommes à en apprendre davantage sur la fertilité, pour les aider à gérer les conséquences associées à un diagnostic d’infertilité et pour les informer concernant les traitements dans les cas d’infertilité.

Conclusion

Les difficultés liées à la fertilité sont extrêmement stressantes, autant pour les hommes que pour les femmes. Les traitements contre l’infertilité peuvent coûter cher et les taux de succès sont souvent très bas. Une plus grande sensibilisation sur les habitudes de vie associées à l’infertilité chez les hommes leur permettrait de prendre des mesures pour protéger leur santé reproductive et leur bien-être général. La diffusion d’informations ciblant la santé reproductive et la fertilité masculine pourrait réduire la stigmatisation, augmenter la sensibilisation et outiller les hommes dans la prise en charge de leur santé.

À propos de la recherche

La Dre Zelkowitz est psychologue clinicienne et Directrice de la recherche au Département de psychiatrie à l’Hôpital général juif, ainsi que Professeure associée au Département de psychiatrie et membre associée au Département de Psychologie et au Département d’obstétrique et de gynécologie à l’Université McGill. Elle est chercheuse senior au Lady Davis Institute de l’Hôpital général juif et Responsable de l’axe psychosocial.

Ses projets de recherche actuels sont financés par l’Institut de la santé des femmes et des hommes des IRSC, et visent à promouvoir la santé reproductive chez les personnes ayant des problèmes de fertilité, en consultation pour un traitement lié à l’infertilité, ou chez les jeunes hommes adultes ayant survécu au cancer et qui pourraient avoir des problèmes de fertilité associés au diagnostic ou aux traitements contre le cancer.

« Il est important d’élargir la discussion sur l’infertilité et ses conséquences physiques, émotionnelles et sociales, et d’y inclure l’expérience des hommes »

Dre Zelkowitz
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