Le sexe et le genre ont-ils une incidence sur les blessures de stress post-traumatique?

On associe typiquement les blessures de stress post-traumatique (BSPT) aux anciens combattants. Pourtant, contrairement aux idées reçues, deux fois plus de femmes que d'hommes souffrent de BSPT, même si les hommes sont plus susceptibles de vivre des événements potentiellement traumatisantsNote en bas de page 1. Les personnes transgenres sont aussi plus susceptibles de présenter des symptômes liés aux BSPT que la population généraleNote en bas de page 2. Pour expliquer ces différences, la recherche doit intégrer les considérations liées au sexe et au genre. Bien que certaines études rapportent de différences entre les hommes et les femmes aux prises avec des BSPT en ce qui concerne les causes, les expériences et l'effet des traitements, il faudra poursuivre la recherche si l'on veut mettre au point des traitements personnalisés.

« Il est important de prendre en considération les facteurs concomitants comme le genre, l'identité de genre, le statut socio-économique, l'orientation ethnique, l'orientation sexuelle et les déterminants sociaux de la santé qui pourraient avoir une incidence sur les causes, les symptômes liés au stress et les pratiques en matière de santé des personnes aux prises avec des BSPTNote en bas de page 3. »

Dre Carmen Logie, professeure agrégée en travail social à l'Université de Toronto

Origine du terme

Au cours des dernières années, il y a eu des pressions pour laisser de côté le terme TSPT (trouble de stress post-traumatique) au profit de BSPT (blessure de stress post-traumatisme)Note en bas de page 4. Cela s'explique par les connotations liées au terme « trouble », qui peut être interprété comme une maladie préexistante, même si les BSPT sont causées par des traumatismes ou des événements profondément angoissants. Ce changement de terminologie vise à faire comprendre au public que, comme pour d'autres blessures corporelles, une personne atteinte de BSPT n'est pas définie par sa blessure et qu'elle peut se rétablirNote en bas de page 4.

Lacunes dans nos connaissances

Les recherches précliniques sur la neurobiologie des BSPT ont surtout porté sur des échantillons d'hommes. C'est aussi le cas de la recherche clinique sur la réaction au stress qui sous-tend les BSPT. En revanche, la plupart des recherches sur la vulnérabilité émotionnelle liée aux BSPT ont été réalisées sur des échantillons de femmesNote en bas de page 5. De plus, les raisons qui expliquent la forte prévalence des BSPT chez les personnes transgenres n'ont pas été suffisamment étudiéesNote en bas de page 2. Les données des recherches cliniques sont pour la plupart autodéclarées, ce qui les rend moins fiables et plus susceptibles de varier en fonction du sexe, et cela en raison des normes de genreNote en bas de page 5.

Causes sous-jacentes

Des événements traumatisants très divers peuvent déclencher une BSPT. Ces événements et les réactions physiques varient en fonction du sexe et du genre. Toutefois, les traumatismes peuvent aussi être causés par la discrimination liée à un ou à plusieurs facteurs tels que l'âge, l'origine ethnique, le revenu, la religion ou l'orientation sexuelleNote en bas de page 4.

La recherche préclinique révèle également que le sexe (facteurs biologiques) pourrait expliquer en partie les différences observées entre femmes et hommes atteints de BSPT.

Sexe

Mâles

  • Niveaux plus élevés d'arginine-vasopressine (AVP), une hormone qui provoque l'hypertension artérielle et stimule la réaction au stress de lutte ou de fuite;
  • L'AVP est lié à des comportements plus agressifs chez les hommesNote en bas de page 6.

Femelles

  • Des niveaux plus élevés d'ocytocine, l'hormone qui régule ou inhibe la réaction au stress de lutte ou de fuite; 
  • C'est peut-être grâce à l'ocytocine que les femmes seraient plus portées à chercher le soutien social en cas de traumatismeNote en bas de page 6;

Les rôles traditionnels liés au genre peuvent avoir une incidence sur les événements qui provoquent une BSPTNote en bas de page 3.

Genre

Hommes

  • Risque plus élevé de vivre des événements traumatisants pendant l'adolescence et le début de l'âge adulte, tels que des combats, des catastrophes, la maladie ou des blessures en généralNote en bas de page 1;

Transgenres

  • Les personnes transgenres sont souvent victimes des préjugés, de discrimination ou de violence en raison de leur identité et de leur expression de genre, ce qui peut causer des traumatismesNote en bas de page 2.

Femmes

  • Risque plus élevé de BSPT causée par une agression sexuelle pendant l'enfanceNote en bas de page 1;
  • Les événements traumatisants sont aussi plus souvent récurrents chez les femmes; par exemple, dans le cas de la violence familialeNote en bas de page 7.

Expérience et comportement

Bien que les femmes et les hommes atteints de BSPT réagissent de manière semblable aux traumatismes, leurs expériences après les traumatismes peuvent être radicalement différentes.

Hommes

  • Les BSPT liées aux mauvais traitements durant l'enfance mènent souvent à des troubles du comportement et à des comportements délictueuxNote en bas de page 6;
  • Les hommes atteints de BSPT ont tendance à être plus impulsifs sur le plan émotionnel, ce qui peut conduire à une consommation plus élevée d'alcoolNote en bas de page 8

Transgenres

Femmes

  • Plus portées à s'autocritiquer, à manifester des sentiments négatifs exagérés, à avoir des pensées négatives récurrentes et à revivre mentalement les événements traumatisantsNote en bas de page 5,Note en bas de page 9, ce qui pourrait expliquer pourquoi les femmes sont plus susceptibles de présenter des BSPT chroniquesNote en bas de page 9;  
  • Les femmes atteintes de BSPT ont moins tendance à consommer de l'alcool, mais si elles en consomment, elles sont plus susceptibles de trop boireNote en bas de page 9

Traitement

S'il y a des différences entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les causes et l'expérience des BSPT, le traitement devrait alors aussi s'adapter au sexe et au genre de la personne. 

Hommes

  • La thérapie est moins efficace chez les hommes, probablement en raison des différences entre les genres pour ce qui est de l'expression de l'émotion en sociétéNote en bas de page 10;
  • Plus susceptibles de rechercher des solutions axées sur les problèmes et des stratégies d'évitementNote en bas de page 11;
  • Le propranolol, un médicament qui réduit la pression artérielle et le rythme cardiaque, diminue les symptômes des BSPT chez les garçons et les adolescents de 10 à 18 ansNote en bas de page 12

Femmes

  • Plus susceptibles de laisser paraître leurs émotions lorsqu'elles sont aux prises avec des traumatismes et de chercher de l'aide auprès des amis et de la famille;
  • Les stratégies axées sur les émotions sont plus efficaces avec les femmes qu'avec les hommesNote en bas de page 9;
  • L'utilisation du propranolol augmente la gravité des symptômes des BSPT chez les fillesNote en bas de page 12

Pour mieux traiter les BSPT, il faudrait mieux connaître le rôle des différences liées au sexe et au genre dans les BSPT. Il est également important de signaler que, même si les données semblent indiquer des différences claires entre les sexes, les identités sont bien plus fluides que le sexe déclaré. Par ailleurs, d'autres facteurs sociaux entrent en jeu et ont une influence sur les différentes formes de stress que nous subissons, ce qui peut mener à des BSPT et avoir une incidence sur l'accès aux soins de santé.

Prochaines étapes de la recherche

La recherche a signalé des différences entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'expérience des BSPT et le comportement en matière de traitement recherché. Il faut maintenant étudier si ces différences sont attribuables au sexe (caractère biologique) ou au genre (caractères psychosociaux). En effet, les études précliniques et cliniques doivent porter sur des échantillons d'hommes et de femmes et tenir compte des considérations liées au sexe et au genre. Les chercheurs devraient aussi se montrer prudents lorsqu'ils comparent des données sur les BSPT à partir d'études qui portent sur un seul sexe et qui sont réalisées dans des contextes différents; par exemple, des hommes militaires et des femmes qui ont subi des agressions sexuellesNote en bas de page 4.

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