Compte rendu des délibérations du Groupe d’experts sur la recherche en santé autochtone des IRSC et de l’Atelier sur l’éthique de la recherche auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis de l’ACCER-IRSC

Remerciements

Le présent rapport est le compte rendu de deux séances tenues dans le cadre de la Conférence sur la santé autochtone qui a eu lieu du 24 au 26 mai 2018 :

  • une présentation principale d'un groupe d'experts de la recherche en santé autochtone,
  • un atelier sur l'éthique de la recherche autochtone ayant pour titre « Pour une bonne éthique de la recherche auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis ».

Ces séances se sont tenues sous les auspices du Bureau de l'éthique des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et de l'Institut de la santé des Autochtones (ISA) des IRSC. L'Association canadienne des comités d'éthique de la recherche a aussi été un partenaire de l'atelier. Ces trois organisations hôtes souhaitent remercier de leurs précieuses contributions tous les experts présentateurs et les participants à l'atelier, y compris les personnes qui ont aidé à rédiger le présent rapport.

Résumé des présentations du groupe d'experts

Plus de 700 personnes ont assisté à la Conférence sur la santé autochtone de 2018. La séance principale a donné lieu à des présentations d'experts sur le thème Recherche en santé autochtone et éthique de la recherche autochtone. Le groupe d'experts était composé de Mme Susan Zimmerman, de la Dre Dawn Martin‑Hill, du Dr Fred Wien et de la Dre Lynn Lavallée. Le Dr Earl Nowgesic a été le modérateur de la séance.

Le Dr Nowgesic (Anishinaabe, Kiashke Zaaging Anishinaabek; directeur scientifique adjoint de l'Institut de la santé des Autochtones [ISA] des IRSC; professeur adjoint avec statut seulement à l'École de santé publique Dalla Lana et chargé de cours auxiliaire à la Faculté des sciences infirmières Lawrence-S.-Bloomberg de l'Université de Toronto) a ouvert la séance en reconnaissant le territoire traditionnel de la Première Nation des Mississaugas de New Credit et a présenté chacun des membres du groupe d'experts aux participants à la conférence. Les experts ont traité de la question de l'éthique dans la recherche auprès des peuples autochtones (c'est‑à‑dire les Premières Nations, les Inuits et les Métis).

Mme Susan Zimmerman

Mme Zimmerman (directrice générale du Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche [SCRR]) a commencé sa présentation en demandant aux participants s'ils s'étaient servis du chapitre 9 (La recherche visant les Premières Nations, les Inuits ou les Métis du Canada) de l'Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (EPTC 2 2014). Si certains participants à la conférence connaissaient bien le chapitre 9, ce n'était pas le cas de tous. 

Le SCRR est responsable de l'application de l'EPTC 2, qui est un énoncé conjoint des IRSC, du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG). Les IRSC, le CRSH et le CRSNG sont connus comme les trois organismes subventionnaires. 

Mme Zimmerman a indiqué que les trois organismes ont décidé de publier un énoncé de politique conjoint en matière d'éthique parce que celle‑ci fait partie intégrante de toutes les disciplines de recherche. L'EPTC 2 prend appui sur une valeur fondamentale : le respect de la dignité humaine. Cette valeur s'exprime par trois principes directeurs : respect des personnes, préoccupation pour le bien‑être et justice.

Le chapitre 9 de l'EPTC 2 intègre les pratiques exemplaires applicables à la recherche visant les Premières Nations, les Inuits et les Métis, dont des relations respectueuses avec les communautés sont le fondement. Pour élaborer le document, le SCRR a collaboré avec des représentants d'organisations autochtones nationales, ainsi qu'avec un comité de chercheurs ayant déjà travaillé auprès des communautés autochtones. Il a ajouté le principe de réciprocité aux principes directeurs du chapitre 9 de l'EPTC 2 – un important ajout à une partie clé du préambule. 

Mme Zimmerman a passé en revue quelques éléments du chapitre 9 :

  • l'importance de l'engagement communautaire.
  • l'importance d'une entente de recherche, qui devrait inclure les attentes du chercheur et de la communauté.
  • le besoin de considérer les bienfaits mutuels de la recherche dans le contexte du principe de réciprocité. Les besoins de la communauté sont‑ils satisfaits?
  • l'importance de respecter les codes de pratique locaux comme les principes PCAP.

Dre Dawn Martin-Hill

La Dre Martin-Hill (Mohawk, Six Nations de Grand River; titulaire de la chaire Paul-R.-McPherson en études autochtones; professeure agrégée au Département d'anthropologie de l'Université McMaster; présidente du Collège des évaluateurs des IRSC) a affirmé que les expériences des peuples autochtones ne sont généralement pas prises en compte dans les enseignements, les programmes et les pratiques universitaires, malgré le fait que les Autochtones avaient un agenda scientifique et ont contribué à l'enrichissement des connaissances bien avant l'arrivée des colonisateurs en Amérique du Nord. La Dre Martin-Hill a souligné que le savoir autochtone avait été bafoué au fil du temps en raison des politiques gouvernementales visant l'assimilation des peuples autochtones dans le courant de la société dominante canadienne.

Il faut instaurer un nouveau paradigme de recherche pour les peuples autochtones parce que le modèle occidental ne convient pas. L'éthique et les systèmes de connaissances ont toujours existé et, dans l'esprit de la réconciliation, la science autochtone est maintenant à l'avant‑scène.

La Dre Martin-Hill a ajouté que les questions suivantes doivent être posées en matière de recherche autochtone :

  • Qui en profitera?
  • Pour qui la recherche est‑elle conçue, les Autochtones ou les non‑Autochtones?
  • Quelle est l'application pratique de la méthodologie autochtone/décolonisatrice dans l'ensemble des disciplines?
  • Quel rôle jouent les protocoles culturels pour le chercheur?
  • Comment les chercheurs utilisent‑ils les connaissances et les méthodes autochtones dans la recherche quantitative et qualitative?

La Dre Martin-Hill a précisé que l'approche pratique en recherche autochtone consiste à « décoloniser » les méthodologies de recherche dans l'ensemble des disciplines. 

Les protocoles culturels autochtones doivent jouer un rôle important dans la recherche. Selon le modèle occidental, il manque de financement pour l'étude des connaissances autochtones détenues par les guérisseurs/aînés et les gardiens du savoir. La Dre Martin-Hill a affirmé qu'il appartient à la communauté de déterminer l'authenticité des guérisseurs/aînés, et non aux établissements de décider qui ils sont. La Dre Martin‑Hill a conclu en disant qu'il faut voir comment les connaissances autochtones s'intègrent au chapitre 9 de l'EPTC 2 et mettre à jour ce chapitre pour éliminer les obstacles actuels à la recherche réalisée sous la conduite des communautés autochtones.

Dr Frederic Wien

Le Dr Wien (professeur émérite, École de travail social, Université Dalhousie) a parlé de son expérience dans le projet de recherche « Action contre la pauvreté », financé par les IRSC, consistant en un partenariat d'universitaires de partout au Canada avec l'Université de l'Arizona, l'Assemblée des Premières Nations et cinq Premières Nations volontaires. Ce projet de recherche pluriannuel vise à examiner la pauvreté comme déterminant en amont de la santé. 

Le modèle de recherche repose sur une approche participative communautaire et est conforme au chapitre 9 de l'EPTC 2. Des demandes en éthique ont été présentées et soumises aux processus d'examen universitaire et autochtone. 

Le Dr Wien a soulevé l'idée qu'une approche de santé communautaire faisant appel aux populations autochtones est mal adaptée aux lignes directrices courantes en matière d'éthique et aux procédures qui s'y rattachent. Cette tension s'explique par le niveau de détail requis préalablement à la recherche elle‑même et le besoin de souplesse dans la conduite de la recherche communautaire. Le Dr Wien a souligné qu'une fois qu'on est engagé avec une communauté, il faut être prêt à s'adapter à ses besoins.

Le Dr Wien a indiqué qu'une demande en éthique peut exiger plus de 100 pages en raison du niveau de détail requis. Par exemple : qui seront les participants? quelles questions seront posées? et qu'est‑ce qui sera affiché sur les médias sociaux? Après cette première phase, une seconde peut nécessiter plus de 50 pages encore, dont l'élaboration et l'examen demanderont deux ou trois mois de plus. Au cours de cette période, beaucoup de choses peuvent changer dans la communauté, comme l'élection d'un nouveau chef et d'un nouveau conseil de Première Nation, ce qui entraînera des changements de personnel. Dans le cas qui nous intéresse, par suite d'un incident dans la communauté, on a considéré qu'il ne serait pas sécuritaire pour de jeunes intervieweurs de faire du porte-à-porte.

Le Dr Wien a également soulevé le fait que les communautés de Premières Nations disent souvent ne pas retirer grand-chose du temps, des efforts et du savoir qu'elles investissent dans les projets de recherche. Il a laissé entendre que l'ajout de composantes « action et politique » à une initiative de recherche donnerait lieu à un échange plus égalitaire avec l'équipe de recherche. Pour ce projet, le comité d'éthique de l'université a demandé que les composantes évaluation et action soient supprimées parce qu'elles n'étaient pas considérées comme des initiatives de recherche et qu'il ne pouvait donc pas les examiner. Lorsque ces composantes ne sont pas prises en considération, les communautés sont plus vulnérables à la recherche‑action en raison de l'absence de surveillance par les comités d'éthique de la recherche.

Les universités et les conseils subventionnaires de la recherche (IRSC, CRSH, CRSNG, etc.) ne sont pas au même diapason en matière de recherche autochtone. Le processus de demande pose des défis du point de vue de la langue, de même que le processus de demande pour les participants de la communauté – notamment parce que le numéro d'assurance sociale des aînés est exigé. L'émission de feuillets T-4 pour l'impôt est aussi problématique. L'obtention des remboursements pour les protocoles communautaires qui prévoient un repas, de l'argent et des prix de présence pour les participants à la recherche représente un autre défi, selon le Dr Wien. Les comités d'éthique de la recherche et les services financiers des universités répondent à ces demandes au cas par cas. Le Dr Wien a ajouté que les universités résistent au changement et redoutent les vérifications et les constats de non‑conformité des conseils subventionnaires de la recherche. 

Le Dr Wien a indiqué qu'il serait utile que les conseils subventionnaires de la recherche élaborent des protocoles et conseillent les universités sur la modification des normes et des procédures pour tenir compte des besoins particuliers des Autochtones en matière de recherche communautaire autochtone. Selon lui, les conseils subventionnaires de recherche doivent amorcer un dialogue avec le milieu de la recherche et faire participer des représentants autochtones pour déterminer la façon la plus appropriée d'examiner les propositions de recherche‑action. Il a ajouté que le moment est venu de revoir le chapitre 9 de l'EPTC 2.

Dre Lynn Lavallée

La Dre Lynn Lavallée (Anishinaabe inscrite auprès de la Nation métisse de l'Ontario; vice-rectrice pour l'engagement autochtone; professeure agrégée à la Faculté de kinésiologie et de gestion des loisirs de l'Université du Manitoba) a ouvert sa présentation par des renseignements personnels sur son héritage autochtone et ses liens fondés sur ses coutumes. Elle l'a fait intentionnellement pour dénoncer la fraude culturelle qui semble exister dans le milieu universitaire. Elle a affirmé que nous devons identifier nos familles et nos communautés dans un effort de transparence au sujet de notre identité, en particulier lorsque nous cochons la case « Autochtone » qui nous offre cette opportunité.

La Dre Lavallée a indiqué que l'inclusion du chapitre 9 de l'EPTC 2, après la révision de l'EPTC en 2010, avait fourni un cadre ou un outil qui a aidé à valider et à réaliser la recherche dans les communautés autochtones. La Dre Lavallée s'est dite enchantée de la révision, mais a prévenu que l'EPTC 2 pouvait être manipulé pour donner l'impression que les chercheurs travaillent à l'intérieur de ce cadre, alors qu'ils ne le font peut‑être pas en réalité. Elle a dit que les chercheurs doivent se conformer à l'éthique « morale » et prendre en considération les questions suivantes avant d'entreprendre des recherches auprès des peuples autochtones :

  • Pourquoi vous intéressez‑vous au thème de recherche et à la population concernée? Les enveloppes de financement ont-elles eu une incidence quant à votre intérêt pour la recherche visant les peuples autochtones?
  • Quelles hypothèses soutenez‑vous au sujet du thème de recherche et de la population à étudier? Comment pourriez‑vous vérifier vos hypothèses? Permettrez‑vous à d'autres de les vérifier?
  • De quels privilèges jouissez‑vous en tant que chercheur?
  • Si vous êtes chercheur autochtone, quelles oppressions connaissez‑vous et en quoi cela touche-t-il la recherche et les participants?

Selon la Dre Lavallée, l'intégrité personnelle est importante dans le processus de recherche, notamment pour les chercheurs d'ascendance autochtone parce que « si les relations sont entachées, cela nous touche sur les plans personnel et professionnel ». Sa principale priorité en recherche est de protéger son intégrité et sa réputation auprès de la communauté. Elle a ajouté que nous devons être prêts à tourner le dos aux équipes de recherche et aux chercheurs qui mettent à mal notre relation avec la communauté.

Après la présentation du groupe d'experts, les délégués à la conférence désireux de participer à un échange ouvert avec les experts ont été invités à assister à l'atelier « Pour une bonne éthique de la recherche auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis », qui suivait immédiatement. 

Résumé de l'atelier

Trente-huit personnes ont assisté à l'atelier « Pour une bonne éthique de la recherche auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis » (voir l'annexe). La plupart des participants étaient des femmes, plusieurs étaient d'ascendance autochtone, et bon nombre étaient rattachés à des établissements universitaires et/ou de recherche. Quelques représentants gouvernementaux et étudiants étaient aussi présents.

La Dre Geneviève Dubois-Flynn (gestionnaire de l'Éthique aux IRSC) a présenté les objectifs de l'atelier, soit :

  • Considérer l'éthique de la recherche sous divers angles, notamment ceux de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) de 2007, le rapport final de 2015 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR), et le rapport final de 2017 de l'Examen du soutien fédéral aux sciences fondamentales;
  • Comprendre le chapitre 9 de l'EPTC, et discuter des difficultés que pose son application;
  • Déterminer quelles sont les meilleures pratiques en éthique de la recherche auprès des communautés autochtones.

La Dre Dubois-Flynn a remercié l'Association canadienne des comités d'éthique de la recherche d'avoir accepté d'être l'hôte de l'atelier avec les IRSC. Elle a invité les participants à se faire entendre sur ce qui se fait de bien actuellement, selon eux, dans l'éthique de la recherche autochtone, sur certains des principaux défis, et sur certaines des bonnes et sages pratiques dont les participants peuvent faire part au groupe. Plusieurs personnes sont invitées à se joindre aux experts pour être des ressources clés au cours de la discussion.

Le Dr Earl Nowgesic a informé les participants qu'une ébauche du rapport serait rédigée et envoyée à chacun des participants à l'atelier afin d'obtenir leurs commentaires avant la rédaction de la version finale. Le rapport définitif de l'atelier sera rendu public sur le site Web des IRSC.

Dans les remarques préliminaires, on a rappelé aux participants qu'il est obligatoire que la recherche visant les peuples autochtones soit évaluée par un comité d'éthique de la recherche (CER) si le chercheur fait partie d'un établissement qui reçoit des fonds des trois organismes (c'est-à-dire IRSC, CRSH et CRSNG). Les trois organismes songent actuellement à élargir les conditions d'admissibilité pour que les organisations communautaires puissent également demander des fonds.

On a fait remarquer qu'il est important de se conformer au chapitre 9 de l'EPTC 2 lorsqu'on mène des recherches visant les peuples autochtones, mais que certains établissements d'enseignement ne savent pas comment en faire le meilleur usage. D'autres directives sont nécessaires sur la façon d'utiliser correctement le chapitre 9, et il a été mentionné qu'un webinaire portant expressément sur le sujet pourrait être utile en ce sens. 

Selon les définitions du chapitre 9, la communauté peut être territoriale ou régionale, organisationnelle, ou encore une communauté d'intérêts. Il est important d'obtenir la participation de la communauté à la recherche, et de s'assurer que la recherche lui rapporte. Idéalement, la recherche doit aussi profiter à d'autres communautés. Dans leur examen des protocoles de recherche, les CER doivent s'efforcer davantage de déterminer si la communauté a été mobilisée et de quelle manière elle a été approchée. Le chapitre 9 de l'EPTC 2 explique en gros comment cela peut être fait. Il faut que les CER sachent que les communautés doivent avoir leur mot à dire dans le processus de recherche. Compte tenu de ces enjeux, il est important d'examiner la composition des CER et dans quelle mesure les personnes qui en font partie connaissent l'éthique de la recherche autochtone.

Les CER doivent s'assurer que les protocoles d'éthique de la recherche fournissent des données probantes pour définir la communauté (géographique ou phénoménologique), ainsi que pour indiquer de quelle façon et dans quelle mesure cette dernière est engagée dans la recherche. De plus, les preuves de réciprocité, les personnes qui sont les bénéficiaires de la recherche dans la communauté et la manière dont ils en profitent, et les faits attestant l'autodétermination et la gouvernance autochtones (p. ex. les principes du PCAPMD) sont des points qui devraient être vérifiés par les CER. Les chercheurs doivent s'abstenir d'être paternalistes et se rappeler les principes de réciprocité et de responsabilité envers la communauté.

Certaines communautés autochtones ont commencé à élaborer leurs propres lignes directrices concernant la recherche en éthique et doivent se conformer à leurs lignes directrices locales et au chapitre 9 de l'EPTC 2. Une lacune actuelle est l'absence d'un mécanisme d'évaluation au niveau communautaire pour déterminer la façon dont la recherche est menée pendant toute la durée du projet. Les CER institutionnels sont les seules entités qui auraient ce niveau d'autorité, mais ils ne font pas ce genre de détermination. Les communautés autochtones pourraient ajouter cette fonction à leur CER local si elles en ont un. 

Un problème semblable a été soulevé par un participant. Il avait trait au besoin pour les communautés autochtones qui sont des partenaires dans la recherche aux côtés des chercheurs universitaires d'adhérer aux normes des CER universitaires, en particulier lorsque les universités octroient des sous‑subventions de recherche aux communautés. La solution à ce problème pourrait être : 1) que tous les partenaires dans la recherche suivent une formation en éthique autochtone; 2) que les communautés reçoivent des fonds pour tenir des ateliers sur l'éthique; 3) que soient aidées les communautés qui examinent divers modèles de gouvernance de la recherche; 4) que les communautés établissent leurs propres CER.

Les ententes de recherche devraient-elles être rendues obligatoires avant qu'un projet de recherche soit entrepris? Ce n'est pas ce que prévoit actuellement le chapitre 9 de l'EPTC 2. Cela serait un fardeau supplémentaire pour les chercheurs, mais protègerait mieux les communautés et contribuerait à l'engagement éthique des peuples autochtones dans la recherche.

Une autre question épineuse soulevée par des participants à l'atelier est de savoir qui, dans une communauté de Premières Nations, a l'autorité nécessaire pour approuver la recherche sur des questions spécifiques, comme le renoncement au tabagisme ou la prévention de la violence conjugale. À l'heure actuelle, les établissements de recherche demandent une résolution de la bande, mais ce n'est pas nécessairement ce qui convient pour tous les types de recherche; d'autres entités ou méthodes peuvent devoir être considérées compte tenu de la sensibilité des questions ou des sujets susmentionnés.

Dans le même ordre d'idée, une question a été posée à propos du type de leadership autochtone en place et de ses implications pour la recherche en vertu de l'EPTC 2. Par exemple, il y a un chef et un conseil de Première Nation élus d'une part, et le leadership traditionnel des Premières Nations qui est reconnu par la Déclaration des droits des peuples autochtones et la Commission de vérité et réconciliation d'autre part. Il n'est question ni de l'un ni de l'autre dans le chapitre 9 de l'EPTC 2. De plus, les protocoles d'entente qui sont suivis pour guider la recherche s'appuient habituellement sur des modes d'enseignement et des protocoles occidentaux qui ne cadrent pas avec les formes autochtones traditionnelles d'entente.

Des chercheurs à l'atelier ont soulevé la question du remboursement des fonds et signalé une omission à l'heure actuelle dans le chapitre 9 de l'EPTC 2 concernant les demandes de remboursement des dépenses directes engagées pour payer les honoraires aux aînés autochtones et les articles qui seront utilisés lors des cérémonies traditionnelles de remise de cadeaux. Cette question est très problématique. Bien qu'elle ne soit pas directement abordée dans le chapitre 9, le Guide d'administration financière des trois organismes mentionne que ces dépenses sont acceptables. Les aînés doivent être rétribués pour leurs connaissances de la même manière que les scientifiques tels les médecins ou autres spécialistes de la recherche. 

En ce qui concerne l'obtention du consentement de la communauté autochtone à un projet de recherche proposé, c'est la communauté qui décide en définitive si la recherche sera entreprise ou non. En tant que contrôleurs d'accès, le chef et le conseil de bande de Première Nation prennent souvent cette décision. Cependant, en fonction de la nature de la recherche, ce n'est pas toujours ce qui convient. Il est difficile d'obtenir le consentement pour mener une recherche dans une communauté urbaine, car il n'y a peut-être pas d'autorités particulières à consulter. Des organismes peuvent parfois devenir co-chercheurs, comme c'est le cas à Toronto.

Un protocole d'entente ou une résolution du conseil de bande de la Première Nation peuvent être nécessaires avant qu'une recherche puisse s'amorcer dans une communauté de Première Nation. La même règle s'applique à la recherche faisant intervenir des autorités régionales.

Examinant d'un œil critique les implications d'un leadership politique dans la recherche, un participant a posé la question suivante : « Dans certains cas, pourquoi la recherche autochtone au Canada doit‑elle être subordonnée à des entités politiques alors que “l'indépendance de la recherche scientifique” par rapport à l'intervention politique est un principe connu? » Pour illustrer pourquoi la science ne devrait pas être régie uniquement par des entités politiques, on a mis en évidence le cas public aux États-Unis où certains dirigeants nient l'existence des changements climatiques malgré les conclusions scientifiques qui indiquent le contraire. Dans le contexte autochtone au Canada, un obstacle important dans la recherche antérieure a été le changement régulier des entités politiques des Premières Nations qui régissent la recherche. Par exemple, les différents chefs des Premières Nations qui quittent l'arène politique ou y font leur entrée pourraient avoir des priorités de recherche différentes, ce qui aurait pour effet de mettre en péril des recherches en cours.

Il a été suggéré qu'un pôle en recherche autochtone – englobant chercheurs, recherche et lignes directrices –, comparable au Centre Banff, serait utile, de même que la création d'une base de données sur les guérisseurs et les chamans.

En conclusion, les participants ont été informés que l'ébauche du rapport de l'atelier leur serait envoyée et qu'ils auraient tous l'occasion d'ajouter des commentaires avant que le document ne soit finalisé et affiché sur le site Web des IRSC.

Annexe

Conférence sur la santé autochtone de l'Université de Toronto
Atelier sur l'éthique de la recherche
25 mai 2018, de 10 h 45 à 11 h 45
Hôtel Hilton Mississauga Meadowvale, Mississauga (Ontario)

Titre
Pour une bonne éthique de la recherche auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis

Auditoire Cible
Les Autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis) et les Allochtones intéressés par l'éthique de la recherche
Les fournisseurs de services de santé, les agents de programme, les responsables des politiques, les autres utilisateurs des connaissances et les chercheurs intéressés par la recherche auprès des Autochtones
Les groupes et les personnes qui s'intéressent au domaine de l'éthique de la recherche auprès des Autochtones, ou qui travaillent dans ce domaine et qui souhaitent échanger sur leurs expériences en la matière

Objectifs
Examiner l'éthique de la recherche sous divers angles, notamment ceux de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2015, et du rapport final de l'Examen du soutien fédéral aux sciences de 2017.
Comprendre l'Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (2e édition), chapitre 9 : La recherche visant les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada, et examiner les défis que pose l'application du chapitre 9.
Déterminer quelles sont les meilleures pratiques en éthique de la recherche auprès des communautés autochtones.

Hôtes de l'atelier
Cet atelier est présenté par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et l'Association canadienne des comités d'éthique de la recherche (ACCER) :
Dre Geneviève Dubois-Flynn, gestionnaire, Bureau de l'éthique des IRSC
Dr Earl Nowgesic, Anishinaabe, Kiashke Zaaging Anishinaabek (Première Nation de Gull Bay), directeur scientifique adjoint, Institut de la santé des Autochtones des IRSC, professeur adjoint (statut seulement) à l'École de santé publique Dalla Lana, et professeur auxiliaire, Faculté des sciences infirmières Lawrence-S.-Bloomberg de l'Université de Toronto
Mme Catherine Paquet, présidente de l'ACCER

Experts Participants et Personnes-Ressources

  • Dre Anita Benoit, Première Nation micmaque d'Esgenoopetitj, professeure adjointe à l'École de santé publique Dalla Lana de l'Université de Toronto, scientifique auxiliaire à l'Institut de recherche de l'Hôpital Women's College
  • Mme Julie Bull, Inuite, NunatuKavut, Labrador, spécialiste des méthodes de recherche au Centre de toxicomanie et de santé mentale, candidate au doctorat en études interdisciplinaires à la Faculté des études supérieures de l'Université du Nouveau-Brunswick
  • Dre Lynn Lavallée, Anishinaabe, inscrite auprès de la Nation métisse de l'Ontario, vice-rectrice de l'engagement autochtone, et professeure agrégée à la Faculté de kinésiologie et de gestion des loisirs de l'Université du Manitoba
  • Dre Dawn Martin-Hill, Mohawk, Six Nations de Grand River, titulaire de la chaire Paul-R.-McPherson en études autochtones, et professeure agrégée au Département d'anthropologie de l'Université McMaster, présidente du Collège des évaluateurs des IRSC
  • Dr Fred Wien, professeur émérite, École de travail social de l'Université Dalhousie
  • Mme Susan Zimmerman, directrice générale du Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche

Méthode et approche
Les délégués à l'atelier devraient avoir une certaine connaissance du chapitre 9 (La recherche visant les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada) de l'Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (2e édition).

Un compte rendu des délibérations de cet atelier sera préparé pour être publié sur le site Web des IRSC. Une ébauche sera envoyée aux délégués à l'atelier pour qu'ils l'examinent avant que la version finale ne soit mise sur le site.

Des présentations d'experts auront lieu, en plénière, de 9 h 30 à 10 h 15 le 25 mai 2018. Les présentateurs seront la Dre Carrie Bourassa (directrice scientifique de l'Institut de la santé des Autochtones des IRSC), Mme Susan Zimmerman, la Dre Dawn Martin-Hill, le Dr Fred Wien et la Dre Lynn Lavallée. Le modérateur sera le Dr Earl Nowgesic.

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