Une dose quotidienne d’antibiotiques pour freiner l’épidémie d’ITS

Si des médicaments préventifs sont parvenus à faire diminuer les taux d’infection au VIH dans de nombreuses régions du Canada, on ne peut en dire autant pour la syphilis, la chlamydia et la gonorrhée, actuellement en hausse. Une nouvelle étude suggère toutefois une approche prometteuse pour prévenir les ITS bactériennes : la prophylaxie préexposition (PrPE) avec un antibiotique courant, la doxycycline (doxyPrPE).
L’utilisation de la doxycycline après les rapports sexuels (prophylaxie postexposition [doxyPPE]) ne date pas d’hier, mais les études sur la prise de ce médicament avant l’acte en sont encore à un stade précoce. Les récents travaux du Dr Troy Grennan et de son équipe montrent toutefois que la doxyPrPE est bel et bien efficace contre les ITS bactériennes.
Cette équipe du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique a en effet constaté une réduction considérable des ITS bactériennes chez les personnes prenant de la doxycycline quotidiennement. Les résultats de sa plus récente étude pilote, menée auprès d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes atteints de VIH, sont sans équivoque : la doxyPrPE a permis de réduire de 92 % le taux de chlamydia, de 79 % celui de syphilis, et de 68 % celui de gonorrhée.
« L’efficacité de la doxyPPE est incontestable – cette méthode est même recommandée par les Centers for Disease Control des États-Unis –, mais les données sur la doxyPrPE, issues d’études expérimentales, demeurent lacunaires », fait savoir le Dr Grennan. Son prochain projet, une étude pancanadienne appelée « DISCO » (en anglais seulement), vise à comparer l’efficacité de la doxyPrPE et de la doxyPPE à plus grande échelle. « Nous voulons prouver que la doxyPrPE est également une option viable. »
Selon le dernier article du Dr Grennan, les participants ayant reçu la doxyPrPE étaient nettement moins susceptibles que les autres de contracter une ITS bactérienne.
La doxycycline est, comme l’explique le Dr Grennan, un antibiotique courant que l’on peut se procurer facilement : « Ce n’est pas un médicament rare ou spécialisé – la plupart des prestataires peuvent le prescrire sans difficulté et bien conseiller les patients sur son utilisation. »
C’est également un médicament sûr. « On a recours à la doxycycline depuis les années 1960 », rappelle le Dr Grennan. « Tout antibiotique peut entraîner des effets secondaires, mais ils ne sont pas très fréquents avec la doxycycline. »
Les principales populations visées par les études sur la doxyPrPE (et la doxyPPE) sont les hommes gais et bisexuels ainsi que les autres hommes et les femmes transgenres ayant des relations sexuelles avec des hommes et ayant eu une ITS dans la dernière année. Le Dr Grennan souligne toutefois que les retombées potentielles dépassent la portée de ces études : « Il n’y a pas de raison de croire que ces approches ne fonctionneraient pas pour prévenir les ITS chez la plupart des personnes à risque. »
Cela dit, l’un des facteurs importants à prendre en compte concernant la doxyPPE et la doxyPrPE est la résistance aux antimicrobiens. Jusqu’à présent, rien n’indique concrètement que la doxycycline augmenterait ou consoliderait la résistance, mais le Dr Grennan et son équipe surveillent tout de même ce risque de près dans leurs essais cliniques. À terme, cette recherche pourrait faire d’une petite pilule un outil révolutionnaire dans la lutte contre l’épidémie d’ITS bactériennes.
En bref
L'enjeu
Les taux de syphilis, de chlamydia et de gonorrhée sont en hausse au Canada. Il est donc impératif de trouver de nouvelles méthodes pour réduire les risques d’ITS bactériennes.
La recherche
La doxycycline est un antibiotique courant qui s’est révélé efficace dans le traitement des ITS et qui, selon des données récentes, permettrait également de les prévenir après l’exposition (prophylaxie postexposition [doxyPPE]). Le Dr Troy Grennan étudie maintenant l’efficacité de la doxycycline avant l’exposition (prophylaxie préexposition [doxyPrPE]), dans le but de réduire les risques d’ITS bactériennes avant qu’elles surviennent.
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