Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones (2007-2010)

Depuis 2010, la recherche en santé visant les Premières Nations, les Inuits et les Métis réalisée au Canada est assujettie aux dispositions du chapitre 9 de l'Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (EPTC).

L'inclusion du chapitre 9 dans la version révisée de l'EPTC n'aurait pas été possible sans le travail précédemment entrepris par les IRSC et ses partenaires autochtones pour créer l'ancienne politique des IRSC intitulée Lignes directrices pour la recherche en santé chez les peuples autochtones. Les Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones ne sont plus en vigueur. Ces lignes directrices étaient en vigueur à partir de mai 2007 jusqu'à décembre 2010. Ces lignes directrices, qui constituent le fondement de ce nouveau chapitre de l'EPCT, ont été applaudies à juste titre, au pays comme à l'étranger, à la fois pour leur rigueur et pour la démarche concertée qui a présidé à leur élaboration.

La démarche concertée témoigne de l'importance que les IRSC accordent aux valeurs culturelles traditionnelles, à l'engagement communautaire et au partenariat avec les peuples autochtones pour une recherche utile et pertinente susceptible d'améliorer les résultats de santé. Les IRSC se sont inspirés des mêmes valeurs et de la même expérience lorsqu'ils ont participé à l'élaboration du chapitre 9 de l'EPTC révisé.

Résumé

Raison d'être et application

Ces Lignes directrices ont été préparées par le Bureau de l'éthique des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) de concert avec l'Institut de la santé des Autochtones, dans le but d'aider les chercheurs et les établissements de recherche à réaliser des recherches éthiques et sensibles à la culture des peuples autochtones. L'objectif est de promouvoir la santé autochtone par des activités de recherche respectueuses des valeurs et des traditions autochtones. Ces Lignes directrices aideront à former des partenariats de recherche qui facilitent et encouragent la recherche mutuellement avantageuse et adaptée à la culture autochtone. Elles feront la promotion d'un examen éthique qui appuie et facilite la recherche au lieu de la censurer ou de l'entraver.

Ces Lignes directrices s'appliquent aux chercheurs dont les travaux sont soutenus financièrement par les IRSC. Il ne s'agit pas de règlements applicables à tous, mais plutôt d'un guide de recherche destiné à tous ceux qui se livrent à des études financées par les IRSC auprès des peuples autochtones du Canada. L'obligation de se soumettre aux Lignes directrices est contractuelle, c'est-à-dire qu'elle est volontairement assumée par les chercheurs en retour du financement fourni par les IRSC.

Puisque ces Lignes directrices couvrent surtout les aspects particuliers à la recherche auprès des peuples autochtones, les chercheurs doivent également se référer et se conformer à d'autres politiques des trois conseils et des IRSC, ainsi qu'à toute autre obligation législative pertinente, y compris, dans les cas applicables, à la Charte canadienne des droits et libertés. D'autres organismes fédéraux peuvent imposer leurs propres exigences réglementaires ou autres.



Contexte

Les IRSC ont créé le Groupe de travail sur l'éthique de la recherche chez les Autochtones (GTERA) en mars 2004 dans le cadre d'une initiative nationale visant la production de lignes directrices éthiques applicables à la recherche auprès des Autochtones. Représentant les intérêts et les disciplines de recherche autochtones, le GTERA avait pour mandat de fournir conseils et soutien dans l'élaboration des Lignes directrices. À la suite d'une série de réunions tenues sur deux ans, le Groupe a produit une ébauche sur la base de ses discussions et délibérations. Celles-ci ont été éclairées par une série de documents d'information ainsi que par les contributions du réseau « Cadres de développement de la capacité autochtone de recherche en santé » (CDCARS). Le GTERA a suivi une approche participative dans la conception des Lignes directrices et s'est doté de principes éthiques pour guider ses travaux.

Le réseau CDCARS a servi de fondement à une vaste stratégie de consultation nationale auprès des communautés autochtones, des chercheurs et des établissements de recherche. Le réseau CDCARS est une ressource universitaire qui relie divers partenariats et communautés de chercheurs avec des collectivités régionales des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Des projets de collaboration en éthique de la recherche ont été acceptés par les centres CDCARS; chaque projet était unique aux différents centres. Les premières activités des CDCARS ont consisté à travailler avec les communautés en vue de traduire les valeurs traditionnelles et les principes éthiques en règles de conduite pour les chercheurs en santé; ces Lignes directrices reposent sur ce travail initial.

La première ébauche des Lignes directrices a été complétée en mai 2005. L'approbation initiale, destinée à déterminer la pertinence culturelle et l'acceptabilité, a eu lieu par le biais des centres CDCARS et de leurs partenaires communautaires. Les commentaires du milieu de la recherche universitaire dans son ensemble ont ensuite été recueillis. Le processus de consultation et d'approbation dans les communautés de chercheurs et les communautés autochtones, sous la direction du réseau CDCARS, a débuté à l'automne 2005 pour se terminer en mars 2006.

Le Bureau de l'éthique, de concert avec le Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain, a organisé des ateliers et des consultations avec des communautés autochtones, des chercheurs et des membres de comités d'éthique de la recherche, afin de recueillir des commentaires sur l'ébauche des Lignes directrices. Le document a été publié sur le Web par les IRSC et leurs partenaires afin d'en maximiser l'accessibilité et la visibilité et de solliciter des commentaires avant la révision finale. On a dû repousser deux fois la date limite pour la réception des commentaires en raison du grand intérêt manifesté par les Autochtones et les chercheurs, et en réponse aux demandes d'ateliers et de consultations supplémentaires. Cette approche souple et inclusive dans l'élaboration des Lignes directrices a permis d'établir, à partir des idées nombreuses et variées recueillies, des positions mitoyennes sur certaines questions particulières. Les Lignes directrices ont ensuite été révisées par le Bureau de l'éthique des IRSC, en consultation avec Santé Canada et Justice Canada, afin d'en maximiser la cohérence interne et la correspondance avec le mandat des IRSC.

Ces Lignes directrices contribueront au processus établi par les trois Agences pour la révision du chapitre 6 de l'Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, qui couvre la recherche avec des peuples autochtones.



Résumé des articles


Article 1 Le chercheur devrait comprendre et respecter la vision du monde des Autochtones, ainsi que les responsabilités à l'égard des peuples et des cultures qui découlent de l'accès privilégié à des savoirs traditionnels ou sacrés. Ces responsabilités devraient être intégrées aux ententes de recherche dans la mesure du possible.
Le premier principe des Lignes directrices repose sur l'obligation qu'ont les chercheurs de comprendre et de respecter la vision du monde des Autochtones, surtout lorsqu'ils abordent des sphères de savoir traditionnel ou sacré, ainsi que les responsabilités associées à la possession de telles connaissances. Les chercheurs devraient faire une interprétation large de leur obligation de rendre des comptes afin de comprendre la responsabilité qui leur incombe lorsqu'ils établissent une relation de recherche avec des Autochtones.
Article 2 Le pouvoir des communautés sur le déroulement d'une recherche devrait être compris et respecté. Cet article devrait être lu dans le contexte de la section 1.5, qui couvre l'application de ce document.
Certaines communautés autochtones s'occupent de la gestion de la santé et disposent à cet égard de certains pouvoirs. Lorsque c'est le cas, les chercheurs devraient se conformer à tout règlement, procédure, règle et politique ayant pu être adopté par la communauté. Par exemple, une communauté peut avoir son propre comité d'éthique de la recherche et/ou protocole de recherche.
Article 3 Les communautés devraient avoir la possibilité d'opter pour une approche participative.
Une collaboration franche à la recherche est établie entre les chercheurs et les communautés autochtones lorsqu'elle favorise un partenariat dans un cadre général de confiance et de coopération mutuelles. La recherche participative offre divers niveaux et types de participation aux communautés, tout en assurant le partage du pouvoir décisionnel. Ce genre de partenariat permettra de garantir que les projets de recherche tiennent compte de la culture autochtone, soient pertinents, respectueux, adaptés aux besoins, équitables et procurent au(x) partenaire(s) de recherche et à la ou aux communautés autochtones des connaissances et des avantages réciproques.
Article 4 Le chercheur qui propose une recherche ayant rapport avec les savoirs traditionnels ou sacrés d'une communauté autochtone, ou avec ses membres en tant que personnes autochtones, devrait consulter les leaders de la communauté et obtenir leur consentement avant d'approcher les membres individuellement. Après avoir obtenu le consentement de la communauté, le chercheur doit encore s'assurer d'avoir le consentement préalable libre et éclairé de chaque participant.
Il est conseillé d'établir suffisamment tôt avant le début de la recherche un mécanisme de consentement préalable, libre et éclairé des communautés concernées et des participants individuels, lequel devrait tenir compte des processus décisionnels légitimes des communautés relativement à toutes les étapes de la planification, de la mise en oeuvre, du suivi, de l'évaluation et de la clôture du projet de recherche. Le consentement de la communauté diffère du consentement individuel des participants à la recherche.
Article 5 Les inquiétudes des participants individuels et des communautés en ce qui concerne l'anonymat, la protection de la vie privée et la confidentialité devraient être traitées avec respect et prises en compte dans une entente de recherche.
Le chercheur, les participants individuels et la communauté devraient, avant le début de la recherche, s'entendre clairement sur leurs attentes concernant l'anonymat de la communauté et des participants à la recherche et la confidentialité des données et des résultats de la recherche, ainsi que la mesure dans laquelle les données et les résultats de la recherche demeureront uniquement connus du chercheur. Si l'anonymat n'est pas possible ou si l'anonymat et la confidentialité ne peuvent être entièrement garantis, il faut le faire savoir clairement.
Article 6 L'entente de recherche devrait, avec les conseils des dépositaires du savoir de la communauté, couvrir la question de l'utilisation des connaissances culturelles et sacrées de la communauté.
Article 7 Les Autochtones et leurs communautés conservent leurs droits inhérents sur tout savoir culturel ou sacré et sur toute pratique et tradition culturelle partagée avec le chercheur. Ce dernier devrait contribuer à des mécanismes de protection de ces connaissances, pratiques et traditions.
Toute recherche relative aux peuples autochtones suppose l'échange de certaines connaissances, pratiques et traditions culturelles, même si celles-ci ne sont pas les objets de l'étude, car elles fournissent le contexte nécessaire. La consignation de connaissances, de pratiques et de traditions sous quelque forme que ce soit (notes écrites, enregistrements audio et vidéo, etc.) ne doit se faire qu'avec une autorisation explicite et selon des conditions dont les parties ont convenu avant la recherche avec les conseils des Anciens et les dépositaires des connaissances concernés. Toute utilisation ou diffusion à plus grande échelle des connaissances, pratiques et traditions culturelles doit également être autorisée.
Article 8 Les inquiétudes des communautés et des participants individuels concernant la propriété intellectuelle ainsi que leurs revendications à cet égard devraient être abordées explicitement et dissipées lors de la négociation avec la communauté préalablement au lancement du projet de recherche. Les attentes de toutes les parties en matière de propriété intellectuelle devraient être énoncées clairement dans une entente de recherche.
Ce ne sont pas toutes les connaissances et tous les renseignements qui sont protégés par la législation actuelle sur la propriété intellectuelle, étant donné les critères stricts régissant l'attribution des droits de propriété intellectuelle. Les chercheurs et les communautés sont conjointement responsables de comprendre et de communiquer ce qui constitue et ne constitue pas une propriété intellectuelle en vertu des lois canadiennes et internationales. La recherche qui a des objectifs commerciaux explicites et/ou dans laquelle le secteur commercial est directement ou indirectement intéressé doit être clairement présentée comme telle à tous les partenaires.
Article 9 La recherche devrait profiter tant à la communauté qu'au chercheur.
Les résultats d'un projet de recherche devraient être profitables aux communautés et/ou à leurs membres participants. Le partage des avantages avec une communauté devrait être envisagé du point de vue de cette dernière. Il peut s'agir d'avantages tangibles ou intangibles, y compris ceux consentis par altruisme.
Article 10 Le chercheur devrait soutenir l'éducation et la formation des membres participants des communautés, y compris sur les méthodes de recherche et l'éthique de la recherche.
Les chercheurs devraient s'efforcer de promouvoir le développement des capacités dans les communautés autochtones, afin qu'elles puissent mieux contribuer au projet de recherche, et d'améliorer globalement les interactions entre les mécanismes de gouvernance autochtones et les établissements d'enseignement publics.
Article 11.1 Le chercheur a l'obligation d'appliquer les règles du protocole culturel de la communauté autochtone visée par sa recherche après en avoir pris connaissance.
Article 11.2 Le chercheur devrait, dans la mesure du possible, traduire toutes les publications, rapports et autres documents pertinents dans la langue de la communauté.
Article 11.3 Le chercheur devrait s'assurer de communiquer d'une façon continue, accessible et compréhensible avec la communauté.
Les communautés autochtones ont souvent des protocoles culturels qui supposent des interactions au sein de la communauté. Il est important que les chercheurs apprennent à connaître ces protocoles et les respectent comme il se doit. Dans la communication des résultats de la recherche à la communauté, le chercheur devrait fournir à tout le moins un résumé dans la langue de la communauté, à moins que cette dernière ne l'en ait exempté explicitement. Les rapports ou autres communications sur les résultats devraient être produits dans une langue et dans des termes compréhensibles à la communauté.
Article 12.1 Le chercheur devrait reconnaître le droit de propriété des participants individuels et de la communauté sur les données et les échantillons biologiques produits ou prélevés dans le cadre de la recherche.
Article 12.2 Si une des parties initiales à une entente de recherche désire transférer des données et des échantillons biologiques à une tierce partie, elle doit obtenir pour ce faire le consentement de la ou des autres parties initiales.
Article 12.3 Tout usage secondaire de données ou d'échantillons biologiques requiert le consentement spécifique de l'individu ou, s'il est approprié de le faire, de la communauté qui en est la source. Toutefois, si la source des données de recherche ou des échantillons biologiques de celui qui en est la source est indéterminable, le consentement pour l'utilisation secondaire n'est pas requis de sa part. De même, s'il n'est pas possible d'identifier la communauté à l'origine des données de recherche ou d'échantillons biologiques, le consentement pour leur utilisation secondaire n'est pas requis.
Article 12.4 Lorsqu'il sait que des données ou des échantillons biologiques proviennent de sujets autochtones, le chercheur devrait consulter les organismes autochtones concernés avant de procéder à l'utilisation secondaire.
Article 12.5 L'utilisation secondaire doit être soumise à l'examen du CER.

Ces Lignes directrices établissent les principes de base de la collecte, de la divulgation, de l'utilisation et du transfert de données et d'échantillons biologiques. Les mesures de protection de la vie privée et de confidentialité des données et des échantillons biologiques devraient être négociées dans le cadre du processus de recherche et définies dans une entente de recherche. Sous réserve des croyances des communautés au sujet du savoir traditionnel ou sacré, on recommande que la propriété des données soit partagée entre les chercheurs et les communautés, étant donné que les deux parties contribuent à la production des données.

Le transfert de données ou d'échantillons biologiques à une tierce partie requiert le consentement du chercheur, des participants concernés et de la communauté. Si la tierce partie entend faire une utilisation secondaire des données ou des échantillons biologiques, elle doit obtenir un consentement supplémentaire à cette fin. Ce consentement devrait déterminer comment la confidentialité et l'anonymat seront protégés.

L'utilisation secondaire de données ou d'échantillons biologiques requiert un consentement supplémentaire à moins que l'entente de recherche ne dispense spécifiquement de cette autorisation. Nonobstant ce qui précède, les participants individuels conservent leur droit d'accès aux données les concernant.

Dans les cas où la recherche est une activité gouvernementale, d'autres normes de protection de la vie privée peuvent s'appliquer, par exemple celles découlant de la Charte canadienne des droits et libertés ou de la législation sur la protection de la vie privée.

Article 13 Les échantillons biologiques devraient être considérés comme un « prêt » fait au chercheur, à moins de disposition contraire dans l'entente de recherche.
Sous réserve des dispositions de l'entente de recherche avec la communauté, le chercheur devrait considérer les échantillons biologiques des participants autochtones comme un « prêt » , similaire à un contrat de licence, dont les modalités devraient figurer dans l'entente de recherche.
Article 14 Une communauté autochtone devrait avoir la possibilité de participer à l'interprétation des données et à l'examen des conclusions tirées de la recherche, afin de s'assurer d'une interprétation exacte qui tient compte de sa culture.

Les données de recherche sur les Autochtones risquent d'être mal interprétées ou mal représentées lorsque l'information sur le groupe source est analysée sans accorder une attention suffisante à d'autres caractéristiques culturelles distinctives du groupe.

La communauté autochtone devrait avoir la possibilité d'examiner les résultats de la recherche avant qu'ils ne soient soumis à la publication, afin de s'assurer qu'aucune information délicate ou erronée n'est rendue publique par mégarde, et de corriger les erreurs qui s'y trouvent avant une diffusion plus large de ces résultats.

Cela ne devrait pas être interprété comme un droit d'empêcher la diffusion de conclusions légitimes; il s'agit plutôt de donner à la communauté l'occasion de mettre les conclusions en contexte et de corriger les inexactitudes culturelles.

Article 15 Une communauté autochtone devrait pouvoir décider, à sa discrétion, comment sa contribution au projet de recherche sera reconnue. Les membres de la communauté ont droit à la reconnaissance et sont autorisés à participer à la diffusion des résultats. La contribution de la communauté et, le cas échéant, celle de ses membres devrait être reconnue dans toute publication, et ce en conformité avec les ententes de confidentialité.

Un modèle d'entente de recherche et des diagrammes illustrant étape par étape le processus de recherche sont présentés comme guides préliminaires à la section III et dans l'annexe.




Table des matières

Acronymes

Remerciements

Section I - Introduction

Section II - Principes éthiques de la recherche en santé auprès des Autochtones

Section III - Procédure, protocole et processus de recherche

Section IV - Articles

Annexe : Modèle d'entente fourni par le Centre for Indigenous Peoples' Nutrition and Environment (CINE) (Centre pour la nutrition et l'environnement des peuples autochtones)

Bibliographie


Acronymes


GTERA Groupe de travail sur l'éthique de la recherche chez les Autochtones
CDARS Cadres de développement de la capacité autochtone de recherche en santé
IRSC Instituts de recherche en santé du Canada
ISA Institut de la santé des Autochtones
CNERH Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain
CRSNG Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie
GRE Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche
CRSH Conseil de recherches en sciences humaines
CER Comité d'éthique de la recherche
EPTC Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, 1998 (y compris les modifications de 2000, 2002 et 2005)
Trois Conseils
(ou agences)
Les trois organismes subventionnaires fédéraux (IRSC, CRSNG, CRSH)

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Remerciements

Les membres du Groupe de travail sur l'éthique de la recherche chez les Autochtones (GTERA) tiennent à remercier le Créateur et nos ancêtres, sans qui ce document n'aurait pu voir le jour. Nous reconnaissons également le travail soutenu des nombreuses personnes, communautés et organisations qui ont généreusement contribué à ce document. En particulier, nous souhaiterions souligner la contribution du Kahnawake Schools Diabetes Prevention Project pour leur code d'éthique de la recherche. Nous comprenons que les langues française et anglaise ne permettent pas toujours de communiquer efficacement aux autres cultures les concepts et la vision du monde autochtone, et nous ne voulons offenser personne par les mots que nous avons choisis. Nous encourageons la poursuite du dialogue dans l'établissement d'un cadre éthique autochtone autour de la recherche universitaire.

Le GTERA désire remercier Joe Kaufert pour ses sages conseils et son aide tout au long des délibérations, Thérèse DeGroote et Daryl Pullman pour leurs commentaires judicieux, ainsi que Jewel Peters, Theresa Willoughby et Yumna Kanda pour leur contribution au projet. Enfin, le GTERA est profondément reconnaissant envers Doris Cook pour son leadership et son dévouement au projet.

Le Bureau de l'éthique des IRSC souhaite également remercier Santé Canada et Justice Canada pour leur importante contribution à ces Lignes directrices.

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Section I - Introduction


1.1 Contexte

Selon le chapitre 6 de l'Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (EPTC)1, « il est de plus en plus admis qu'une partie de la recherche avec des Autochtones entraîne parfois le concours des communautés ou des groupes auxquels ceux-ci appartiennent. Les Conseils [Agences] affirment que les peuples autochtones ont des droits et des intérêts qui doivent être reconnus et respectés par le milieu de la recherche au moment de l'élaboration de normes et de pratiques éthiques ».

Toutefois, le chapitre 6 demeure incomplet « en raison de l'insuffisance des discussions avec les représentants des peuples ou des groupes en question, ou encore avec les divers organismes ou chercheurs concernés ». Pour remédier à cette situation, les IRSC, le CRSNG et le CRSH se sont engagés, en juillet 2003, à collaborer à la révision du chapitre 6 de l'EPTC. L'étendue et la portée du projet ont nécessité un processus faisant une large place aux sciences de la santé, aux sciences sociales et naturelles, ainsi qu'à la participation des peuples autochtones. Un processus participatif de cette envergure n'était possible que sur une période de temps prolongée.

En réponse à l'obligation de rendre des comptes imposée à l'organisation et aux demandes de balises éthiques de la part des centres CDCARS, les chercheurs et les communautés autochtones, le Bureau de l'éthique des IRSC et l'ISA ont décidé d'établir un processus parallèle devant mener à la production de lignes directrices sur la recherche en santé auprès des peuples autochtones.

1.2 Justification

Ce document a pour but de faciliter le déroulement éthique de la recherche auprès des peuples autochtones. L'objectif est de promouvoir la santé par la recherche respectueuse des valeurs et des traditions autochtones. La santé est interprétée dans un sens plus large que le simple bien-être bio-psycho-social. En conformité avec les croyances autochtones, la santé est aussi envisagée sous l'angle spirituel, culturel, communautaire et environnemental. Dans ce contexte, la promotion de la santé s'étend à la promotion de la croissance, de l'équilibre, de l'autodétermination, de la réciprocité, des relations et de la paix.

L'éthique de la recherche en santé auprès des Autochtones doit s'insérer dans un vaste contexte historique et être envisagée selon les perspectives scientifiques à la fois autochtones et occidentales. La recherche - au sens large de collecte systématique d'information par observation du monde naturel et vérification empirique en situation réelle - a toujours joué un rôle important dans la vie des peuples autochtones du Canada dans l'apprentissage de la survie au sein de leur milieu. Les communautés ont élaboré des moyens d'apprentissage et de partage nombreux et importants pour leur santé et leur survie, et les principes qui ont guidé cet apprentissage transparaissent dans tous les aspects de la culture autochtone.

Depuis le Siècle des lumières, la pensée scientifique occidentale s'est écartée de plus en plus d'autres moyens d'acquisition du savoir. Durant la colonisation du Canada par les Européens, il était largement interdit aux peuples autochtones d'utiliser leurs langues, leurs coutumes et leurs méthodes d'acquisition du savoir. Le paradigme scientifique occidental s'est donc imposé et, par le processus de recherche, les peuples autochtones et leur culture ont été largement transformés en sujets et en objets d'étude.

Les paradigmes de recherche ont évolué au cours des 50 dernières années. La recherche qualitative a commencé à examiner plus en profondeur la nature complexe des problèmes, et l'apparition de nouvelles philosophies et méthodes a obligé les chercheurs à tenir compte de systèmes de valeurs et de méthodes d'acquisition du savoir non occidentales. Ainsi, dans la « recherche participative » et la « recherche-action », les membres de la communauté participante font équipe avec les chercheurs dans l'exploration du problème à l'étude.

Au cours des dernières décennies, le milieu de la recherche universitaire et les communautés autochtones ont pris conscience des incompatibilités et des injustices historiquement associées à la recherche auprès des Autochtones. Les méthodes autochtones d'acquisition du savoir et de conduite de la recherche sont de plus en plus soutenues et respectées. Le milieu scientifique a fini par comprendre que les peuples autochtones sont souvent dépositaires de connaissances culturelles uniques faisant partie de systèmes de connaissances complexes, et que celles-ci doivent faire l'objet d'une attention spéciale de la part des chercheurs. Dans certains domaines scientifiques comme l'ethnobotanique, on a pris conscience des contributions potentielles autochtones aux sciences.

Dans le passé, la recherche a parfois causé du tort aux peuples et aux cultures autochtones, et il existe de nombreux cas documentés à cet égard. La nécessité de mécanismes de prévention de dommages supplémentaires est aujourd'hui largement reconnue. L'application de protocoles de recherche éthique applicables localement à la recherche réalisée avec et dans les communautés autochtones représente un important pas dans cette direction. À l'heure actuelle, de nombreuses communautés et organisations autochtones au Canada sont à divers stades dans la préparation de lignes directrices et de protocoles de recherche éthique. Dans certains cas, les législatures ont décidé d'encadrer les activités de recherche; par exemple, la Loi sur les scientifiques des Territoires du Nord-Ouest établit des critères d'autorisation des études visant à recueillir des connaissances scientifiques occidentales et/ou issues du savoir autochtone. La rédaction de ces Lignes directrices s'inscrit dans cette évolution; elle s'est appuyée sur les efforts considérables déployés aux niveaux local et international pour assurer le respect du savoir autochtone et s'est inspirée du courant de pensée mondial concernant l'éthique et la protection du patrimoine culturel. Enfin, l'élaboration des Lignes directrices a été guidée par le désir d'aider et d'orienter les chercheurs qui veulent mener des recherches utiles, mais non dommageables, aux peuples autochtones, mais qui veulent aussi mener des recherches au profit des peuples autochtones.

Certaines communautés autochtones s'occupent de la gestion de la santé et disposent à cet égard de certains pouvoirs. En vertu de ces pouvoirs, les communautés peuvent choisir de participer à part entière à :

Les chercheurs doivent donc se soumettre aux normes de ces communautés et reconnaître leur pouvoir sur le déroulement de la recherche.

Des ententes de recherche devraient être négociées et signées avec les responsables communautaires autorisés avant le début des recherches. Les communautés autochtones peuvent avoir leurs propres lignes directrices et processus de recherche éthique, y compris des comités d'éthique de la recherche.

Bien que le consentement individuel soit essentiel, les normes et les valeurs sociales autochtones tendent à s'organiser autour de la notion voulant que le savoir, le droit de propriété et le pouvoir décisionnel appartiennent à la communauté autochtone. C'est l'une des raisons qui expliquent pourquoi le concept de consentement collectif est si important dans la recherche auprès des Autochtones. Ainsi, le chercheur doit permettre à la communauté autochtone de déterminer si le projet est dans son meilleur intérêt (consentement collectif) avant de solliciter le consentement individuel de ses membres.

1.3 Portée, raison d'être et limites

Ces Lignes directrices s'adressent aux chercheurs en santé travaillant avec les Autochtones, aux comités d'éthique de la recherche (CER), tant universitaires que privés, ainsi qu'aux comités autochtones locaux d'examen de l'éthique là où ils existent. Elles visent aussi à informer les personnes et les communautés qui sont sujets ou participants dans des recherches afin de les aider à comprendre ce qu'ils peuvent attendre d'une relation de recherche. Elles sont destinées à être utilisées conjointement avec l'EPTC et les politiques pertinentes des IRSC.

Ce document établit les normes minimales applicables à la recherche financée par les IRSC. Les lignes directrices locales peuvent être plus exigeantes. Dans les communautés autochtones qui n'ont pas de telles lignes directrices, ce document sera particulièrement utile comme modèle d'élaboration d'un processus relatif à l'éthique. On s'attend des parties qu'elles travaillent ensemble à l'établissement d'un consensus sur les protections adéquates pour les participants à la recherche en fonction du contexte. L'établissement d'un tel consensus suppose que les parties connaissent et comprennent les normes universitaires, professionnelles et communautaires en place.

Les Lignes directrices devraient favoriser des examens éthiques qui rendent possible ou facilitent la recherche au lieu de l'empêcher ou d'y faire obstruction. Les Lignes directrices favorisent des partenariats de recherche qui faciliteront et encourageront une recherche bénéfique de part et d'autre et culturellement adaptée.

On reconnaît de plus en plus que l'amélioration de la santé des Autochtones doit passer par des changements à la fois au niveau de la communauté et au niveau individuel. Les chercheurs sont de plus en plus intéressés à travailler avec les communautés pour amener des changements sains dans le cadre de partenariats regroupant des chercheurs universitaires, des praticiens et les communautés. On reconnaît aussi que le savoir, l'expertise et les ressources de la communauté représentent souvent la clé d'une recherche fructueuse. Même si leur établissement peut demander initialement beaucoup de temps et d'effort, les partenariats fondés sur la confiance et le respect mutuels produisent de meilleures recherches et permettent des relations plus positives avec les communautés et les personnes visées par la recherche. L'application des principes et des articles intégrés à ces Lignes directrices sera profitable à long terme à toutes les parties prenantes.

La définition autochtone de la « santé » doit s'entendre au sens large; c'est pourquoi ces Lignes directrices peuvent s'appliquer à des questions de recherche qui, dans la perspective occidentale, ne sont pas habituellement couvertes par la recherche en santé. En cas de doute, le chercheur devrait consulter la communauté pour déterminer si le thème de sa recherche concerne la santé au sens entendu par la communauté2.

Ces Lignes directrices seront revues au moins une fois tous les quatre ans.

1.4 Groupe de travail sur l'éthique de la recherche chez les autochtones

Pour guider et superviser l'élaboration des Lignes directrices pour la recherche en milieu autochtone, un organe consultatif externe, le Groupe de travail sur l'éthique de la recherche chez les Autochtones (GTERA), a été créé.

Le travail du GTERA a été guidé en grande partie par les considérations suivantes : la reconnaissance du rôle essentiel de la recherche dans l'amélioration de la santé et de la qualité de vie des Autochtones, la croyance en l'intention sincère des chercheurs d'éliminer certaines disparités importantes entre la santé des Autochtones et des Canadiens en général, le besoin de concilier les intérêts individuels et collectifs, le respect des valeurs, du savoir, des méthodes et des processus décisionnels autochtones, et l'engagement à établir un processus inclusif et participatif regroupant les chercheurs et les communautés autochtones. Plusieurs valeurs ont guidé le GTERA dans la gestion du processus, à savoir : la représentativité des opinions, l'efficacité, la réceptivité et la transparence dans l'exécution de son mandat et le renforcement de la confiance de ses intervenants (Autochtones, chercheurs, universités) à l'égard du processus d'élaboration des Lignes directrices. Le GTERA reconnaît que l'éthique de la recherche ne se concentre pas dans un moment précis, mais commence avec l'établissement d'un partenariat avec la communauté autour d'un projet de recherche et se poursuit après la diffusion des résultats de la recherche.

Le GTERA était composé de douze membres nommés qui ont fourni des conseils sur la mise en oeuvre des plans de travail du projet et des avis scientifiques et techniques sur l'élaboration des Lignes directrices pour la recherche. La composition du GTERA a assuré un engagement civique diversifié et la représentation d'une vaste gamme de disciplines et d'intérêts pertinents, comme la communauté autochtone, les études autochtones, l'anthropologie, l'éthique, le droit, la médecine, la santé publique, les sciences naturelles et les sciences sociales. La majorité des membres appartiennent à des communautés autochtones (indiennes, inuites et métisses) rurales et urbaines des Premières Nations et du Nord. Voici la liste des membres du GTERA :

Ces Lignes directrices sont le fruit d'un dialogue et d'une consultation sur les valeurs traditionnelles et l'éthique de la recherche en santé qui ont réuni des Anciens et des communautés autochtones des Premières Nations, des Inuits et des Métis de tout le Canada. Leur contenu est basé sur les valeurs traditionnelles et l'éthique. Les communautés autochtones, le milieu de la recherche et des CER universitaires à travers tout le pays ont été abondamment consultés dans leur élaboration.

1.5 Application des lignes directrices

En règle générale, les principes énoncés dans ce document devraient être appliqués dans tout projet de recherche incluant des participants autochtones, sauf dans les cas suivants :

  1. le projet comprend des participants autochtones et non autochtones; et
  2. l'hypothèse de recherche n'a rien à voir avec le fait que les participants soient autochtones; et
  3. l'appartenance à une communauté autochtone ne figure pas parmi les critères de recrutement des participants à la recherche, ni pour la totalité de l'étude, ni pour un sous-groupe; et
  4. l'analyse des résultats de la recherche n'inclura pas l'appartenance à une communauté autochtone comme variable; et
  5. l'interprétation des résultats de la recherche ne fera pas mention du peuple, de la langue, de l'histoire ou de la culture autochtones.

Il existe différentes situations où les Autochtones peuvent être appelés à participer à des projets de recherche. Voici certains exemples parmi les plus courants :

1. Recherche faisant appel directement et exclusivement à des communautés autochtones.

2. Recherche où les Autochtones représentent une proportion appréciable des participants à la recherche ou de la communauté, et dont on entend tirer des conclusions concernant spécifiquement les Autochtones.

3. Recherche où les Autochtones font partie de la communauté étudiée (quelle que soit leur proportion) et dont on entend tirer des conclusions concernant spécifiquement les Autochtones, ou qui pourraient donner lieu à des conclusions concernant spécifiquement les Autochtones, une fois la recherche terminée.

4. Recherche où les Autochtones représentent une proportion appréciable de la communauté étudiée, même si les conclusions ne concerneront pas spécifiquement les Autochtones.

5. Recherche qui n'est pas destinée à mettre en lumière ou à décrire des particularités autochtones, lorsque seulement un nombre limité d'Autochtones indirectement touchés et non spécialement ciblés par la recherche habitent la communauté étudiée.

Naturellement, la catégorie où se situe un projet influencera l'application des Lignes directrices. Par exemple, dans les situations 1 et 2 ci-dessus, il faudrait obtenir le consentement des représentants de la communauté, ou à tout le moins les consulter. Dans l'exemple 3, il faudrait consulter lorsqu'il existe un corps politique comme porte-parole. Dans les exemples 4 et 5, il serait recommandé, mais non nécessaire, de consulter.

1.6 Concepts clés et définitions

Certains des termes utilisés dans les présentes Lignes directrices, comme « autochtone », « communauté » et « savoir sacré » ne se prêtent pas à des définitions précises et détaillées; dans certains cas, leur signification ne fait pas consensus dans toutes les situations. Nous nous sommes efforcés d'utiliser ces termes de la façon la plus logique possible tout au long du document. Les lecteurs sont invités à contacter les IRSC pour obtenir des précisions au besoin.

Qui sont les peuples autochtones? Qu'est-ce qu'une communauté autochtone?

Pour les besoins de ce document, les peuples autochtones englobent les Inuits, les Métis et les Premières Nations. La plupart des Autochtones se considèrent membres d'une communauté autochtone.

Dans son sens le plus simple, le terme « communauté » se rapporte au sentiment d'appartenance à une collectivité. Il peut donc désigner un groupe de personnes qui vivent ensemble dans un même lieu, ce lieu lui-même ou ses habitants, ou encore un groupe de personnes ayant en commun une religion, une ethnicité, une profession ou d'autres caractéristiques particulières même si géographiquement elles ne vivent pas au même endroit. Un groupe de personnes peut avoir en commun des traits ou une géographie sans partager un sens de solidarité ou de communauté. Inversement, l'esprit de « communauté » peut reposer sur un sentiment de solidarité et exister même en l'absence de géographie, de langue, de culture ou d'autres caractéristiques communes clairement identifiables.

Dans le contexte de la recherche auprès des Autochtones, la communauté constitue une structure de soutien qui englobe la responsabilité personnelle des individus à l'égard de la communauté et, inversement, la responsabilité collective à l'égard de chacun des individus. Les notions autochtones de communauté englobent souvent les relations dans un sens très vaste, y compris les relations d'origine humaine, écologique et spirituelle.

Nombre de communautés autochtones du Canada disposent de structures de gouvernance politique, juridique et culturelle qui jouissent d'une reconnaissance politique et qui appuient les pouvoirs décisionnels locaux dans un large éventail de dossiers, y compris la santé.

Les chercheurs devraient tenir compte du fait que des communautés autochtones ont souvent été délogées, volontairement ou involontairement, de leurs territoires ancestraux et ont pu se reconstituer en diaspora dans les grands centres urbains. Les communautés autochtones en milieu urbain devraient être reconnues comme telles. Les membres de cette diaspora peuvent ou non maintenir des liens importants avec leurs familles/communautés dans leur région d'origine.

De nombreuses communautés autochtones ne sont pas homogènes. Comme pour les autres groupes culturels, les membres d'une communauté diffèrent sur le plan de leur affiliation religieuse, de leur âge, etc. Les chercheurs devraient respecter la diversité culturelle entre les communautés et le pluralisme au sein de chacune.

1.6.1 Structures d'autorité complexes

Les chercheurs et les CER devraient reconnaître l'importance d'identifier la ou les autorités habilitées à représenter la communauté dans l'élaboration d'un projet de recherche et la négociation d'une entente de recherche. Une variété de facteurs peuvent rendre cette tâche difficile. L'identification des leaders dans un environnement autochtone urbain peut poser des défis aux chercheurs ayant peu d'expérience avec les communautés autochtones en milieu urbain. Les Centres d'amitié autochtones jouent un rôle central dans la vie autochtone, ce qui en fait un endroit logique pour entreprendre des discussions. Il existe 117 de ces centres au Canada. Ils constituent le principal véhicule de livraison des programmes et des services dans des domaines comme le logement, l'éducation, le développement des compétences et l'emploi, le soutien aux jeunes et aux familles et la santé aux Premières Nations, aux Indiens non inscrits, aux Métis et aux Inuits vivant hors réserve en milieu urbain. Ces endroits servent également de centres culturels pour les Autochtones vivant en milieu urbain et pour ceux qui se sont réinstallés depuis peu. De plus, il existe dans chaque province d'autres organisations régionales et provinciales qui peuvent être utiles pour identifier les autorités compétentes dans une communauté donnée.

Les autorités reconnues d'une communauté peuvent se composer des leaders traditionnels, des Anciens, des élus municipaux, des leaders tribaux, des leaders de la confédération, des leaders autochtones régionaux, des organismes de revendication territoriale inuits, des instituts de recherche, et ainsi de suite. Ainsi, une communauté des Premières Nations peut avoir un chef de bande et un maire, qui peuvent être ou non la même personne. La détermination des meilleurs intérêts d'une communauté en ce qui concerne son patrimoine culturel peut être la responsabilité de la famille, de la bande (regroupement de plusieurs familles), de la tribu (regroupement de plusieurs bandes) ou de la confédération (regroupement de plusieurs tribus). Une communauté inuite peut avoir un maire, un comité de santé, un président d'organisation régionale inuite ou un institut de recherche territorial responsable d'autoriser les recherches dans la région.

La responsabilité et l'obligation de rendre des comptes s'exercent différemment selon le contexte particulier d'un projet de recherche, la communauté et sa structure décisionnelle. La responsabilité et l'obligation de rendre des comptes peuvent inclure celles à l'égard d'une divinité spirituelle, de la Terre et des générations passées et futures. Les participants peuvent être de simples membres de la communauté ou des détenteurs de savoir sacré ou traditionnel pour toute la communauté. Les groupes fondés sur la parenté peuvent être parents au sens de famille étendue ou être des clans où la biologie et le savoir sacré sont héréditaires. Parce que les communautés autochtones ont généralement de multiples structures décisionnelles, la décision finale concernant les projets de recherche proviendra souvent du chef de chaque bande. Toutefois, dans le cas de savoirs sacrés ou traditionnels, des personnes (Anciens ou détenteurs du savoir) ou des groupes communautaires (clans, sociétés du sac sacré) peuvent avoir le dernier mot en ce qui concerne certains types de connaissances.

Les chercheurs ne peuvent donc conclure qu'une instance politique détient toute l'autorité; les chercheurs et la communauté sont conjointement responsables d'établir au cas par cas dans quelle mesure tel ou tel type d'autorité ou niveau hiérarchique a un rôle à jouer dans la recherche et le processus d'examen éthique.

1.6.2 Contestations des autorités officielles de la communauté

Dans de rares cas, il peut arriver que le chercheur ne croie pas que les dirigeants officiels de la communauté agissent dans l'intérêt de celle-ci. Par exemple, le maire d'une communauté ou un représentant d'une organisation inuite régionale peut bloquer une recherche jugée utile par d'autres membres de la communauté (p. ex. des dirigeants de sexe masculin empêchent une recherche sur la violence contre les femmes). Les chercheurs et les participants à la recherche doivent prendre la responsabilité de travailler ensemble pour établir si les dirigeants sont en conflit d'intérêts et incapables de prendre une décision de bonne foi. Dans de telles situations, il peut exister dans la communauté un système ou une structure pour résoudre la question, auquel cas les chercheurs devraient y recourir. Les parties en cause devraient respecter les processus décisionnels de la communauté autochtone.

1.6.3 Individus ou sociétés sacrées comme décideurs

Bien que, souvent, le savoir sacré appartient à toute une communauté autochtone, dans certains cas, on peut considérer qu'il est détenu par certaines personnes désignées, et non pas nécessairement par toute la communauté. Par exemple, des Anciens peuvent être détenteurs du savoir sacré. Un autre exemple d'autorité spécialisée est celui où une société sacrée (plutôt qu'un Ancien seul) ou un clan est investi de la responsabilité de conserver les connaissances traditionnelles. Par exemple, un Pied-Noir se fie aux « sacs sacrés » comme source d'autorité en ce qui concerne les importantes questions spirituelles et culturelles, et les conseils de bande n'envisageraient jamais de s'ingérer dans les décisions d'une société responsable d'un sac sacré et des connaissances qui y sont associées. En pareil cas, un examen approfondi des valeurs et des croyances aidera à clarifier la conduite à tenir pour le chercheur, la communauté et l'Ancien.

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Section II - Principes éthiques de la recherche en santé auprès des Autochtones

Ces Lignes directrices doivent être comprises dans le contexte de concepts autochtones comme l'espace sacré, le savoir sacré et le savoir traditionnel, lesquels sont décrits ci-dessous. Cela signifie que les chercheurs devront peut-être adapter des principes éthiques qui leur sont familiers, comme l'autonomie, la bienfaisance et la justice, en fonction des valeurs et des croyances de la communauté autochtone locale.

2.1 Conciliation des espaces éthiques

L'« espace éthique » désigne la totalité des principes, des valeurs et des croyances d'une communauté. Lorsque les espaces éthiques de deux ou plusieurs communautés se rencontrent, il peut être nécessaire de concilier les différences entre ces espaces d'une façon qui protège et respecte la validité de chacun. Dans le contexte de la recherche en santé, il existe des divergences majeures entre les espaces éthiques des cultures autochtone et occidentale. Il est important que les chercheurs occidentaux comprennent et reconnaissent la validité de l'espace éthique autochtone, afin d'en assurer le respect et l'application à la recherche effectuée auprès des peuples autochtones. Ces Lignes directrices visent à établir un cadre de protection de l'espace éthique autochtone dans l'exécution de recherches financées par les IRSC.

La protection de l'espace éthique comprend les diverses étapes d'un dialogue commençant par les conversations qui précèdent la conception de la recherche et qui se poursuivent jusqu'à la diffusion des résultats et peut-être même après. Ce processus repose fondamentalement sur le respect mutuel des espaces éthiques de chaque partie et sur un questionnement continu au sujet du caractère éthique. Cela exige un dialogue à propos des intentions, des valeurs et des hypothèses dans tout le processus de recherche.

2.2 Espace sacré et savoir traditionnel


Article 1 Le chercheur devrait comprendre et respecter la vision du monde des Autochtones, ainsi que les responsabilités à l'égard des peuples et des cultures qui découlent de l'accès privilégié à des savoirs traditionnels ou sacrés. Ces responsabilités devraient être intégrées aux ententes de recherche dans la mesure du possible.

Le premier principe des Lignes directrices repose sur l'obligation qu'ont les chercheurs de comprendre et de respecter la vision du monde des Autochtones, surtout lorsqu'ils abordent des sphères du savoir traditionnel ou sacré, ainsi que les responsabilités associées à la possession de tels savoirs. Les chercheurs devraient faire une interprétation large de leur obligation de rendre des comptes afin de comprendre la responsabilité qui leur incombe lorsqu'ils établissent une relation de recherche avec des Autochtones.

Le concept d'« espace sacré » est important pour comprendre la vision du monde autochtone. On l'utilise dans ce document pour désigner les relations entre l'individu et l'entité spirituelle reconnue, la Terre, les réseaux parentaux (y compris toute la vie végétale et animale) et les Ancêtres. Cette relation est à la fois spatiale (où l'individu comprend la famille et la communauté) et temporelle (où la génération actuelle inclut les générations passées et futures). Dans cet espace sacré, il existe une connectivité fondée sur la pureté, la clarté, la paix, la générosité et la responsabilité entre l'entité spirituelle reconnue, la Terre et les Ancêtres.

La notion d'espace sacré est essentielle pour comprendre le concept de responsabilité dans la production et la transmission du savoir traditionnel. L'expression « savoir traditionnel » est débattue depuis des décennies entre Autochtones, chercheurs universitaires, décideurs et autres intervenants du monde entier, sans que l'on soit parvenu à s'entendre sur une définition. Voici deux exemples :

Au sein des cultures autochtones, la notion d'obligation de rendre compte peut revêtir une dimension temporelle étrangère aux notions occidentales (par exemple, l'obligation de rendre compte envers les générations passées et futures peut l'emporter sur celle de rendre compte aux autorités communautaires pour certains genres de connaissances). L'obligation de rendre compte peut aussi comporter une dimension sacrée, comme une responsabilité rationnelle envers l'entité spirituelle reconnue ou la Terre. Les chercheurs devraient comprendre cette vision plus large de l'obligation de rendre compte afin de comprendre leur responsabilité une fois qu'ils s'engagent dans la relation de recherche. L'ensemble de la société canadienne pourrait profiter d'une meilleure compréhension de cette perspective et de ses conséquences pour la santé.

Le premier principe des Lignes directrices repose sur le respect et la compréhension que doivent avoir les chercheurs pour la vision du monde autochtone, surtout lorsqu'ils abordent des sphères du savoir traditionnel, ainsi que les responsabilités associées à la possession de tels savoirs.

2.3 Pouvoir et processus d'approbation de la communauté


Article 2 Le pouvoir des communautés sur le déroulement d'une recherche devrait être compris et respecté. Cet article devrait être lu dans le contexte de la section 1.5, qui couvre l'application de ce document.

Certaines communautés autochtones s'occupent de la gestion de la santé et disposent à cet égard de certains pouvoirs3. En vertu de ces pouvoirs, elles peuvent choisir de participer pleinement à :

Les chercheurs devraient se conformer à tout règlement, procédure, règle et politique adopté par la communauté. Par exemple, une communauté peut avoir son propre comité d'éthique de la recherche et/ou protocole de recherche. Dans ce cas, elle peut exiger, par l'entremise d'un comité d'éthique de la recherche local ou régional, que la recherche réalisée dans sa région ou sur son territoire respecte ces procédures. Les chercheurs devraient tout faire pour respecter la diversité culturelle et le pluralisme dans ces communautés.

Dans les régions inuites, les revendications territoriales peuvent aussi influencer fortement la façon dont la recherche doit se dérouler. Ainsi, l'article 32 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut impose d'importantes exigences de consultation, selon lesquelles les Inuits ont le droit « de participer à l'élaboration des politiques sociales et culturelles ainsi qu'à la conception des programmes et services sociaux et culturels, y compris de leurs mécanismes d'exécution ». Puisque le gouvernement participe à la majeure partie de la recherche en santé par ses programmes ou initiatives, les chercheurs devraient aussi être conscients des répercussions juridiques que cela peut entraîner.

Le respect du pouvoir de la communauté implique que l'on garantisse la survie et la protection de la culture, du patrimoine et du savoir des peuples autochtones. C'est ici que s'appliquent les quatre principes éthiques ou PCAP : propriété, contrôle, accessibilité et possession (ou protection). Ces principes sont largement intégrés à la recherche en santé chez les Autochtones et doivent idéalement être pris en compte dans les ententes de recherche, dans la mesure où ils coïncident avec les priorités et les capacités des parties en cause.

Les exigences des présentes Lignes directrices et celles des communautés autochtones peuvent différer. Dans ces cas, les exigences les plus strictes devraient s'appliquer.

2.4 Recherche participative


Article 3 Les communautés devraient avoir la possibilité d'opter pour une approche participative.

Au fil des ans, les communautés autochtones ont été le sujet de nombreuses recherches par des « étrangers ». Il faut remplacer l'approche coloniale de la recherche dans les communautés autochtones par la reconnaissance du fait que les Autochtones ont le droit inhérent d'être des agents de recherche plutôt que de simples sujets passifs quand le thème de la recherche touche leur communauté ou leur culture. Un important moyen de respecter ce droit à la participation consiste à faciliter activement l'engagement communautaire dans les projets de recherche. La méthode de recherche dite « participative » est utile et devrait être considérée comme partie intégrante et permanente d'un projet de recherche. Les communautés et leurs membres concernés devraient participer à toutes les étapes de la recherche, depuis la formulation des projets et des méthodes jusqu'à la définition des résultats attendus de la recherche et à l'interprétation et à la diffusion des résultats.

Une collaboration franche à la recherche est établie entre les chercheurs et les communautés autochtones lorsqu'elle favorise un partenariat dans un cadre général de confiance et de coopération mutuelles. Ce processus de création d'une relation débouchera sur un partage des pouvoirs et des ressources et une compréhension mutuelle. Les partenariats de ce genre aideront à faire en sorte que le processus de recherche se déroule d'une manière qui tient compte de la culture, qui est pertinente, respectueuse, adaptée et équitable et qui procure aux partenaires et aux communautés autochtones des avantages réciproques. De même, il importe de reconnaître qu'une communauté peut ne pas vouloir prendre une part active à un projet de recherche ni être un partenaire égal. Elle peut se contenter d'assurer un certain suivi du projet de recherche, tout en restant à distance.

La communication avec la communauté et la consultation véritable sont essentielles pour établir un partenariat. Si les chercheurs ont déjà une relation suivie avec des membres ou des dirigeants de la communauté, la consultation consiste à discuter du projet de recherche avec les personnes compétentes, en groupe ou par d'autres moyens qui deviendront évidents à la lumière de ces discussions initiales (p. ex. des réunions publiques dans la communauté). Si les chercheurs n'ont pas de relation existante avec la communauté, ils peuvent commencer par demander à certains de ses membres, ou à des personnes qui la connaissent, les noms de personnes avec qui ils pourraient discuter de ce que comporterait un processus de consultation approprié. Les chercheurs ne doivent donc pas se soustraire à la consultation communautaire simplement parce qu'ils n'en ont pas l'habitude, ou parce qu'il n'y a pas de façon normalisée d'obtenir ce genre d'apport.

Une consultation et une participation véritables sont des éléments essentiels d'un processus de consentement (voir ci-après). La consultation doit être entreprise de bonne foi et avec une responsabilité relationnelle (voir la section 2.2, paragraphe 4). Les parties doivent établir un dialogue leur permettant de trouver des solutions convenables dans une atmosphère de respect mutuel et de bonne foi, chacune bénéficiant alors d'un droit entier et équitable de participer. La consultation exige du temps et un système efficace de communication entre les parties qui ont un intérêt dans la recherche. Les Autochtones doivent être en mesure de participer par l'entremise de leurs représentants librement choisis et de leurs institutions. L'inclusion de la perspective des hommes et des femmes et la participation des femmes autochtones sont considérées comme essentielles, comme l'est la participation des enfants et des adolescents lorsque les autorités reconnues de la communauté la jugent appropriée.

Dans le cadre de l'échange d'idées et de la compréhension établis au cours du processus de création d'un partenariat, il incombe aussi à la communauté de se tenir disponible pour des réunions et des discussions visant à informer les chercheurs sur ses valeurs et ses croyances par rapport à la recherche, et sur les protocoles à respecter pour obtenir l'information ou les données voulues. Ce processus visant à établir une relation de recherche peut faire l'objet d'une entente écrite sous la forme d'un « protocole d'entente ».

2.5 Consentement collectif et individuel


Article 4 Le chercheur qui propose une recherche ayant rapport avec les savoirs traditionnels ou sacrés d'une communauté autochtone, ou avec ses membres en tant que personnes autochtones, devrait consulter les leaders de la communauté et obtenir leur consentement avant d'approcher les membres individuellement. Après avoir obtenu le consentement de la communauté, le chercheur doit encore s'assurer d'avoir le consentement préalable libre et éclairé de chaque participant.

Le consentement collectif diffère du consentement individuel et s'y ajoute.

Le mot « libre » signifie sans coercition, intimidation ni manipulation. Le mot « préalable » signifie que le consentement a été demandé suffisamment longtemps avant toute autorisation ou commencement des activités et qu'il respecte les délais inhérents aux processus de consultation/consensus autochtones. Le mot « éclairé » signifie que des renseignements sont fournis sur les aspects suivants4 :

Il est conseillé d'établir suffisamment tôt avant le début ou l'autorisation de la recherche un mécanisme de consentement préalable libre et éclairé des communautés et des participants individuels, lequel devrait tenir compte des processus décisionnels légitimes des communautés relativement à toutes les étapes de la planification, de la mise en oeuvre, du suivi, de l'évaluation et de la clôture du projet de recherche. On reconnaît maintenant que le consentement est un processus continu et qu'il doit être réaffirmé périodiquement, selon les besoins du projet de recherche.

Les exigences énoncées dans l'EPTC relativement à l'obtention du consentement éclairé des personnes s'appliquent également dans le contexte de la recherche chez les Autochtones. Cependant, certaines considérations culturelles uniques peuvent intervenir. Ainsi, les sociétés autochtones sont des sociétés traditionnellement orales et le consentement écrit peut être considéré comme contraire au respect des approches autochtones en matière de recherche. Le consentement oral représente une solution de rechange appropriée à l'obtention du consentement écrit. Le chercheur doit quand même consigner la date, l'heure et le lieu où le consentement oral du participant a été obtenu. La langue peut aussi être une importante considération et il peut être préférable qu'un formulaire de consentement écrit soit traduit dans la langue de la communauté.

2.6 Confidentialité et protection de la vie privée


Article 5 Les inquiétudes des participants individuels et des communautés en ce qui concerne l'anonymat, la protection de la vie privée et la confidentialité devraient être traitées avec respect et prises en compte dans une entente de recherche.

Le chercheur et la communauté devraient discuter de leurs attentes respectives concernant la confidentialité de l'information recueillie et des données produites. S'il est difficile ou impossible d'assurer l'anonymat et la confidentialité, il faut le faire savoir clairement aux participants. Il est possible qu'une communauté veuille conserver l'anonymat relativement à certaines conclusions du projet. Par contre, comme l'évoque l'article 15, d'autres communautés autochtones activement engagées dans la recherche comme partenaires peuvent non seulement souhaiter être identifiées, mais aussi vouloir que leur participation soit reconnue. Dans ces cas, la reconnaissance accordée à une communauté doit correspondre à son degré de participation à la planification et à la mise en oeuvre du projet et à l'interprétation des données. Un Ancien, par exemple, peut très bien vouloir être reconnu comme ayant contribué au produit issu de la recherche, y compris comme auteur. Les Anciens sont des experts de plein droit et leur savoir-faire doit être reconnu autant que celui des chercheurs.

Le chercheur, les participants individuels et la communauté devraient, avant le début de la recherche, s'entendre clairement sur leurs attentes concernant l'anonymat de la communauté et des participants et la confidentialité des données et des résultats de la recherche. Autrement dit, dès que possible dans le processus, le chercheur devrait discuter avec la communauté et les participants proposés des mesures qui seront prises pour protéger l'anonymat des sujets et la confidentialité de leur dossier médical, de même que pour assurer le respect des lois applicables. Même si la recherche doit être approuvée par la communauté, cela ne signifie pas que celle-ci aura accès aux renseignements personnels des participants sans leur consentement explicite.

Les articles 12.1 à 15 ci-dessous renferment des lignes directrices connexes sur l'usage, la propriété, le transfert et le stockage des données et des échantillons, l'interprétation des données et la diffusion des résultats. Pour de l'information sur l'anonymat des individus et la confidentialité, voir le document des IRSC intitulé Pratiques exemplaires des IRSC en matière de protection de la vie privée dans la recherche en santé (septembre 2005). Lorsque la recherche est considérée comme une activité gouvernementale, d'autres normes de protection de la vie privée peuvent s'appliquer, comme celles découlant de la Charte canadienne des droits et libertés ou de la législation sur la protection de la vie privée.

2.7 Inclusion et protection du savoir culturel dans la recherche


Article 6 L'entente de recherche devrait, avec les conseils des dépositaires du savoir de la communauté, couvrir la question de l'utilisation des connaissances culturelles et sacrées de la communauté.
Article 7 Les Autochtones et leurs communautés conservent leurs droits inhérents sur tout savoir culturel ou sacré et sur toute pratique et tradition culturelle partagée avec le chercheur. Ce dernier devrait contribuer à des mécanismes de protection de ces connaissances, pratiques et traditions.

Dans le contexte de l'éthique de la recherche, les Autochtones, les communautés locales et les autres détenteurs du savoir traditionnel ont le droit de décider ce qui constitue leurs connaissances et leur culture, leurs innovations et leurs pratiques propres, ainsi que les façons de les définir. Des valeurs comme le respect, la sagesse, l'amour, l'honnêteté, l'humilité, la confiance et la bravoure sont communes parmi les communautés autochtones, mais elles n'ont pas le même sens ni la même pertinence dans toutes les communautés, ni même au sein de l'une d'elles. À titre d'exemple, les Inuits utilisent le terme « Inuit Qaujimajatuqangit » pour décrire leur approche holistique à l'égard des connaissances environnementales et sacrées.

Toute recherche relative aux peuples autochtones suppose l'échange de certaines connaissances, pratiques et/ou traditions culturelles, même si celles-ci ne sont pas les objets de l'étude, car elles fournissent le contexte nécessaire. Cependant, lorsque des connaissances sont transmises hors de leur contexte d'origine, il y a risque de malentendu et de mauvaise utilisation. Par protection du savoir autochtone, on entend sa transmission d'une façon respectueuse du caractère sacré de certaines connaissances - c'est-à-dire de leur lien avec l'entité spirituelle reconnue, la Terre et les Ancêtres. L'interprétation des connaissances devrait être adaptée aux particularités du contexte et de la communauté. On recommande donc aux chercheurs de s'assurer que l'information culturelle considérée comme confidentielle par la communauté soit obtenue d'une personne reconnue dans la communauté comme dépositaire du savoir et habilitée à les partager. Étant donné l'importance du savoir traditionnel et sacré dans les cultures autochtones, il est conseillé de noter dans une entente de recherche les détails relatifs à l'accès à ces connaissances et à leur protection.

La consignation de connaissances, de pratiques et de traditions sous quelque forme que ce soit (notes écrites, enregistrements audio et vidéo, etc.) ne doit se faire qu'avec une autorisation explicite et selon des conditions dont les parties ont convenu avant la recherche, sur les conseils des Anciens et des dépositaires des savoirs concernés. Toute utilisation ou diffusion à plus grande échelle des connaissances, pratiques et traditions culturelles doit aussi être autorisée, et il importe alors de reconnaître explicitement que les Autochtones et leurs communautés respectives qui les partagent conservent leurs droits inhérents à ces connaissances, pratiques et traditions, et qu'ils en demeurent propriétaires.

Lorsque des connaissances, pratiques et traditions culturelles font l'objet d'une étude, la recherche donne souvent des produits ou des résultats « hybrides » qui reposent sur une combinaison de celles-ci et des connaissances, outils et techniques fournis par le chercheur. Lorsque des produits hybrides sont le résultat d'un processus de recherche en « coproduction », ils doivent faire l'objet d'un régime approprié de copropriété conformément aux modalités convenues par toutes les parties.

2.8 Droits de propriété intellectuelle et savoirs autochtones


Article 8 Les inquiétudes des communautés et des participants individuels concernant la propriété intellectuelle ainsi que leurs revendications à cet égard devraient être abordées explicitement et dissipées lors de la négociation avec la communauté préalablement au lancement du projet de recherche. Les attentes de toutes les parties en matière de propriété intellectuelle devraient être énoncées clairement dans une entente de recherche.

Ce ne sont pas toutes les connaissances et tous les renseignements qui sont protégés par la législation actuelle en matière de propriété intellectuelle; l'attribution de droits de propriété intellectuelle repose sur des critères stricts. Les chercheurs et les communautés sont conjointement responsables de comprendre et de communiquer ce qui constitue et ne constitue pas une propriété intellectuelle en vertu des lois canadiennes et internationales.

Il est largement reconnu que certaines connaissances autochtones peuvent avoir des applications commerciales et mener à la mise au point de produits commercialisables (p. ex. des médicaments traditionnels à base de plantes). Des questions comme l'appropriation illicite, la marchandisation ou l'exploitation commerciale injuste ou préjudiciable des connaissances autochtones alimentent un débat international. Si la recherche proposée comporte des objectifs commerciaux explicites et/ou possède des liens directs ou indirects avec le secteur commercial, il faut l'indiquer clairement à toutes les parties comme condition de l'obtention du consentement préalable libre et éclairé. Les parties devraient comprendre que tout projet de recherche faisant intervenir des connaissances autochtones, même quand il n'a pas de visée commerciale, risque de se voir exploité commercialement, voire même de faire l'objet d'une appropriation illicite à l'étape de la publication. C'est pourquoi le chercheur et la communauté devraient discuter pleinement et ouvertement de tout usage secondaire potentiel des savoirs traditionnels ou sacrés et inscrire dans l'entente de recherche la meilleure façon de les protéger - y compris par l'attribution de droits de propriété intellectuelle.

2.9 Partage des avantages


Article 9 La recherche devrait profiter tant à la communauté qu'au chercheur.

Le partage des avantages de la recherche constitue une préoccupation majeure pour les communautés autochtones. Un projet de recherche devrait produire des résultats avantageux pour la communauté et/ou ses membres participants. Le partage des avantages avec une communauté devrait être envisagé du point de vue de cette dernière. Il peut s'agir d'avantages tangibles ou intangibles, y compris ceux consentis par altruisme.

Le partage des avantages doit récompenser les investissements en recherche. Les avantages peuvent prendre diverses formes, en fonction du type de recherche. Ils peuvent être immédiats ou à plus long terme, tangibles ou intangibles, financiers ou non financiers (comme le droit d'accès généralisé de la communauté aux résultats finaux de l'étude). Ainsi, une étude sur le diabète pourrait procurer aux milieux scientifiques une compréhension plus approfondie des causes et des effets de la maladie, mais dans l'optique du partage des avantages, elle pourrait aussi aider la communauté autochtone à connaître les aliments ou les habitudes alimentaires qui contribuent à une incidence élevée du diabète chez elle. Même s'il n'y a pas ici d'avantages économiques directs, la communauté en retire d'importants bienfaits sur le plan social et sur celui de la santé.

2.10 Autonomisation et renforcement de la capacité de recherche

Article 10 Le chercheur devrait soutenir l'éducation et la formation des membres participants des communautés, y compris sur les méthodes de recherche et l'éthique de la recherche.

Dans la mesure du possible, les chercheurs devraient s'efforcer de promouvoir l'éducation et la formation des membres de la communauté afin qu'ils puissent mieux contribuer au projet de recherche. Les chercheurs devraient employer des membres de la communauté lorsqu'ils le peuvent.

2.11 Protocole culturel, langue et communication


Article 11.1 Le chercheur a l'obligation d'appliquer les règles du protocole culturel de la communauté autochtone visée par sa recherche après en avoir pris connaissance.
Les communautés autochtones ont souvent des protocoles culturels régissant les interactions au sein même de leur communauté. Il est important que les chercheurs apprennent à connaître ces protocoles et qu'ils les appliquent comme il se doit. Ainsi, dans de nombreuses communautés autochtones, la coutume veut qu'une personne qui cherche à obtenir des connaissances ou des conseils auprès d'un Ancien offre d'abord un cadeau culturellement approprié, en témoignage de respect. Ce n'est pas la coutume dans toutes les communautés autochtones, mais le chercheur a l'obligation de se renseigner sur les coutumes locales.
Article 11.2 Le chercheur devrait, dans la mesure du possible, traduire toutes les publications, rapports et autres documents pertinents dans la langue de la communauté.
Cependant, de nombreux chercheurs peuvent trouver les coûts d'un tel travail injustifiables. À tout le moins, les chercheurs devraient fournir un résumé dans la langue de la communauté, à moins que celle-ci ne les dispense expressément de cette obligation. La traduction peut nécessiter l'aide rémunérée d'un spécialiste de la langue au sein de la communauté, si bien que les coûts de traduction doivent être pris en compte dans les budgets de recherche. La question de la traduction devrait être abordée dans la négociation de l'entente de recherche (voir l'Annexe).
Article 11.3 Le chercheur devrait s'assurer de communiquer d'une façon continue, accessible et compréhensible avec la communauté.
Le chercheur devrait communiquer de façon à se faire comprendre clairement par la communauté et à élargir les possibilités de transfert des connaissances tirées du projet (Martin-Hill et Soucy, 2005). Le langage technique doit être réduit au minimum et être défini ou expliqué au besoin.

2.12 Utilisation initiale et secondaire, droit de propriété, stockage et transfert de données et d'échantillons biologiques


Article 12.1 Le chercheur devrait reconnaître le droit de propriété des participants individuels et de la communauté sur les données et les échantillons biologiques produits ou prélevés dans le cadre de la recherche.
Article 12.2 Si une des parties initiales à une entente de recherche désire transférer des données et des échantillons biologiques à une tierce partie, elle doit obtenir pour ce faire le consentement de la ou des autres parties initiales.
Article 12.3 Tout usage secondaire de données ou d'échantillons biologiques requiert le consentement spécifique de l'individu ou, s'il est approprié de le faire, de la communauté qui en est la source. Toutefois, si la source des données de recherche ou des échantillons biologiques de celui qui en est la source est indéterminable, le consentement pour l'utilisation secondaire n'est pas requis de sa part. De même, s'il n'est pas possible d'identifier la communauté à l'origine des données de recherche ou d'échantillons biologiques, le consentement pour leur utilisation secondaire n'est pas requis.
Article 12.4 Lorsqu'il sait que des données ou des échantillons biologiques proviennent de sujets autochtones, le chercheur devrait consulter les organismes autochtones concernés avant de procéder à l'utilisation secondaire.
Article 12.5 L'utilisation secondaire doit être soumise à l'examen du CER.

Une grande partie des critiques que suscite la recherche chez les populations autochtones tient à la perte du contrôle des données ou des échantillons recueillis dans les communautés autochtones. De plus, l'utilisation impropre d'échantillons biologiques conservés, notamment de l'ADN et des lignées cellulaires de groupes autochtones, pour des recherches non autorisées a suscité de graves inquiétudes. La communauté devrait toujours demeurer propriétaire des savoirs traditionnels et sacrés.

Ces Lignes directrices établissent les principes de base de la collecte, de la divulgation, de l'utilisation et du transfert de données et d'échantillons biologiques. Les mesures de protection de la vie privée et de la confidentialité des données et des échantillons biologiques devraient être négociées dans le cadre du processus de recherche et définies dans une entente de recherche. Sous réserve des croyances des communautés sur les connaissances traditionnelles ou sacrées, on recommande que la propriété des données soit partagée entre les chercheurs et les communautés.

Le transfert de données ou d'échantillons biologiques à une tierce partie requiert le consentement du chercheur, du participant concerné et de la communauté. Si la tierce partie entend faire une utilisation secondaire des données ou des échantillons biologiques, elle doit obtenir un consentement supplémentaire à cette fin. Ce consentement devrait déterminer comment la confidentialité et la protection de la vie privée seront protégées.

Si elle n'est pas prévue dans l'entente de recherche, l'utilisation secondaire des données ou des échantillons biologiques requiert un nouveau consentement.

Nonobstant ce qui précède, les participants individuels conservent leur droit d'accès aux données les concernant.

Dans les cas où la recherche est une activité gouvernementale, d'autres normes de protection de la vie privée peuvent s'appliquer, par exemple celles découlant de la Charte canadienne des droits et libertés ou de la législation sur la protection de la vie privée.

2.13 Échantillons biologiques prêtés


Article 13 Les échantillons biologiques devraient être considérés comme un « prêt » fait au chercheur, à moins de disposition contraire dans l'entente de recherche.

Cet article s'inspire des philosophies autochtones concernant « l'intégralité corporelle » , selon lesquelles tout produit et partie du corps humain est une constituante essentielle et sacrée de la personne.

La plupart des communautés autochtones canadiennes préconisent une approche participative pour la collecte, l'utilisation, le stockage et l'utilisation éventuelle d'échantillons biologiques. Cela devrait être négocié dans l'entente de recherche. Selon ce modèle, le chercheur doit comprendre que ses croyances ne correspondent pas forcément à celles de la communauté et il devrait être respectueux des différences.

Ainsi, le chercheur devrait se considérer comme le gardien des échantillons, plutôt que le propriétaire.

L'entente de recherche et le processus de consentement devraient aborder les conditions de la collecte, le lieu de stockage, la participation du chercheur/laboratoire, les rôles de l'industrie, les plans de gouvernance et les utilisations potentielles futures.

À moins que les échantillons n'aient été détruits ou que leurs sources soient impossibles à identifier, il faut acquiescer aux demandes de retrait, de retour ou d'élimination des échantillons faites par les participants, en conformité avec les modalités de l'entente de recherche et de toute loi applicable.

Pour les banques de tissus existantes, des consultations avec la communauté et les participants doivent avoir lieu pour définir les circonstances où les échantillons pourront être utilisés à des fins de recherche dans l'avenir.

2.14 Interprétation et diffusion des résultats


Article 14 Une communauté autochtone devrait avoir la possibilité de participer à l'interprétation des données et à l'examen des conclusions tirées de la recherche, afin de s'assurer d'une interprétation exacte qui tient compte de sa culture.
Article 15 Une communauté autochtone devrait pouvoir décider, à sa discrétion, comment sa contribution au projet de recherche sera reconnue. Les membres de la communauté ont droit à la reconnaissance et sont autorisés à participer à la diffusion des résultats. La contribution de la communauté et, le cas échéant, celle de ses membres devrait être reconnue dans toute publication, et ce en conformité avec les ententes de confidentialité.

Les attentes relatives à la co-propriété et au partage des droits d'auteur devraient être définies dans l'entente de recherche.

La communauté autochtone devrait avoir la possibilité d'examiner les résultats de la recherche avant qu'ils soient soumis à des fins de publication, afin de s'assurer que toute information culturelle confidentielle ne soit pas divulguée au public et de corriger toute erreur. Cela est important car les données de recherche sur les Autochtones risquent d'être mal interprétées ou mal représentées lorsque l'information sur le groupe source est analysée sans attention suffisante à d'autres caractéristiques culturelles distinctives du groupe.

Cela ne devrait pas être interprété comme un droit d'empêcher la diffusion de conclusions légitimes; il s'agit plutôt de donner à la communauté l'occasion de mettre les conclusions en contexte et de corriger les inexactitudes culturelles.

Le chercheur devrait promouvoir la diffusion des résultats de la recherche, et d'autres connaissances pouvant en découler, aux autres communautés autochtones intéressées et devrait, dans la mesure du possible, informer la communauté des moyens à sa disposition pour résoudre toute question ou problème mis au jour par la recherche.

2.15 Protocole d'entente et entente de recherche

Lorsqu'un chercheur n'a pas de relation préalable avec une communauté autochtone, celle-ci peut avoir certaines attentes quant à ce que le chercheur doit faire pour se préparer et être accepté par la communauté - avant la négociation d'une entente de recherche en bonne et due forme. Les attentes de la communauté et du chercheur peuvent être mises par écrit dans un protocole d'entente non exécutoire, lequel peut aussi définir les étapes préalables à la conclusion d'une entente de recherche exécutoire. Toutefois, ce processus d'établissement d'une relation est très contextuel et propre à chaque communauté, et il n'y a pas de formule préétablie.

Une fois qu'une relation de recherche efficace et respectueuse a été établie, il convient de négocier et d'énoncer les modalités du projet de recherche, en tenant compte des questions et des points soulevés. Une entente de recherche exécutoire devrait ensuite être établie entre les dirigeants de la communauté et les chercheurs.

L'entente doit détailler les aspects concernant la propriété, l'utilisation, l'interprétation/analyse, les droits de propriété intellectuelle (s'il y a lieu) des données, ainsi que les attentes relatives au processus et au contenu et aux auteurs des articles. Elle doit aussi prévoir des mécanismes en cas d'interprétation divergente ou d'utilisation impropre des données. Il doit y avoir une entente préalable sur les rôles respectifs des parties, les résultats souhaités, les mesures de validité, le contrôle de l'utilisation des données, le financement et la diffusion des conclusions de la recherche.

Tous les partenaires de recherche doivent renseigner les participants, dans leur propre langue, sur l'utilisation d'appareils de collecte des données (p. ex. enregistrements audio et vidéo, photos et mesures physiologiques) et sur la façon dont les données seront utilisées. Par exemple, des résumés des articles publiés doivent être traduits dans les langues locales et mis à la disposition des communautés locales dans la mesure du possible, s'il y a lieu. Le chercheur doit recourir aux services d'un interprète à cette fin lorsqu'il ne maîtrise pas la langue locale.

La qualité et l'utilité d'une entente de recherche sont directement proportionnelles à la qualité de la relation entre les partenaires de recherche. Une relation respectueuse s'établit sur les mêmes bases qu'une entente efficace : bonne communication, honnêteté, transparence et confiance. Un modèle d'entente de recherche est présenté dans l'Annexe.

Les recommandations ci-dessus respectent les principes de propriété, de contrôle, d'accès et de possession (PCAP) dans l'usage de l'information et des données tirées de la recherche auprès des peuples autochtones.

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Section III - Procédure, protocole et processus de recherche

Les diagrammes suivants ont été fournis par le Centre de services de santé Noogmowin Teg et modifiés avec sa permission.

3.1 Procédure étape par étape

La présente section des Lignes directrices propose une marche à suivre pour s'engager dans un processus de recherche avec une communauté autochtone. Les étapes particulières et leur ordre peuvent varier selon les capacités et les priorités de la communauté autochtone participante.

Étape 1 : Établissement d'un partenariat pour la recherche en santé auprès de populations autochtones - Modèle représentatif

Étape 1 : Établissement d'un partenariat pour la recherche en santé auprès de populations autochtones - Modèle représentatif

Étape 2 : Présentation d'un projet de recherche en santé auprès de populations autochtones au commanditaire ou à l'organisme subventionnaire aux fins d'approbation - Modèle représentatif

Étape 2 : Présentation d'un projet de recherche en santé auprès de populations autochtones au commanditaire ou à l'organisme subventionnaire aux fins d'approbation - Modèle représentatif

Étape 3 : Maintien de la relation avec la communauté autochtone relativement au projet de recherche en santé chez les Autochtones - Modèle représentatif

Étape 3 : Maintien de la relation avec la communauté autochtone relativement au projet de recherche en santé chez les Autochtones - Modèle représentatif

3.2 Protocole et processus de recherche

Éléments à prendre en compte dans la recherche auprès de communautés autochtones.

3.2.1 Protocole

Généralités

Importance

Méthodes

Approbation
Devrait expliquer :

Échantillonnage

Devrait expliquer :

Recrutement

Devrait expliquer comment les participants seront recrutés pour l'étude :

Le formulaire de consentement devrait :

Collecte de données

Analyse des données

Explique :

Interprétation

Rapports et diffusion

Suivi et prochaines étapes

Références

Documents

3.2.2 Processus de recherche

Financement

Tous les éléments du financement devraient être expliqués aux dirigeants autochtones afin que la communauté et les chercheurs s'entendent clairement sur les limites, les délais, les exigences et la portée. Voici quels sont ces éléments :

Approbations

Il faut obtenir les approbations nécessaires à tous les niveaux et prévoir suffisamment de temps pour ces étapes. Il faut les approbations des autorités locales et des universités, pour les projets communautaires uniques, et celles des autorités régionales ou nationales et des universités, pour les projets multicentriques. Si le projet vise une communauté particulière, il faut obtenir son approbation à l'étape de l'élaboration du projet. Si le projet prévoit le recrutement de plusieurs communautés, il peut être plus commode de demander les approbations après l'obtention du financement pour le projet. L'approbation du comité d'éthique de la recherche est nécessaire une fois que le financement a été obtenu.

Niveaux d'approbation possibles, s'il y a lieu :

L'approbation de chaque communauté participante est nécessaire et peut comprendre ce qui suit :

Calendrier du projet et budget

Réalisation des activités du projet

Interprétation des résultats

Publication des résultats

Propriété intellectuelle et commercialisation

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Section IV - Articles


Article 1 Le chercheur devrait comprendre et respecter la vision du monde des Autochtones, ainsi que les responsabilités à l'égard des peuples et des cultures qui découlent de l'accès privilégié à des savoirs traditionnels ou sacrés. Ces responsabilités devraient être intégrées aux ententes de recherche dans la mesure du possible.
Article 2 Le pouvoir des communautés sur le déroulement d'une recherche devrait être compris et respecté. Cet article devrait être lu dans le contexte de la section 1.5, qui couvre l'application de ce document.
Article 3 Les communautés devraient avoir la possibilité d'opter pour une approche participative.
Article 4 Le chercheur qui propose une recherche ayant rapport avec les savoirs traditionnels ou sacrés d'une communauté autochtone, ou avec ses membres en tant que personnes autochtones, devrait consulter les leaders de la communauté et obtenir leur consentement avant d'approcher les membres individuellement. Après avoir obtenu le consentement de la communauté, le chercheur doit encore s'assurer d'avoir le consentement préalable libre et éclairé de chaque participant.
Article 5 Les inquiétudes des participants individuels et des communautés en ce qui concerne l'anonymat, la protection de la vie privée et la confidentialité devraient être traitées avec respect et prises en compte dans une entente de recherche.
Article 6 L'entente de recherche devrait, avec les conseils des dépositaires du savoir de la communauté, couvrir la question de l'utilisation des connaissances culturelles et sacrées de la communauté.
Article 7 Les Autochtones et leurs communautés conservent leurs droits inhérents sur tout savoir culturel ou sacré et sur toute pratique et tradition culturelle partagée avec le chercheur. Ce dernier devrait contribuer à des mécanismes de protection de ces connaissances, pratiques et traditions.
Article 8 Les inquiétudes des communautés et des participants individuels concernant la propriété intellectuelle ainsi que leurs revendications à cet égard devraient être abordées explicitement et dissipées lors de la négociation avec la communauté préalablement au lancement du projet de recherche. Les attentes de toutes les parties en matière de propriété intellectuelle devraient être énoncées clairement dans une entente de recherche.
Article 9 La recherche devrait profiter tant à la communauté qu'au chercheur.
Article 10 Le chercheur devrait soutenir l'éducation et la formation des membres participants des communautés, y compris sur les méthodes de recherche et l'éthique de la recherche.
Article 11.1 Le chercheur a l'obligation d'appliquer les règles du protocole culturel de la communauté autochtone visée par sa recherche après en avoir pris connaissance.
Article 11.2 Le chercheur devrait, dans la mesure du possible, traduire toutes les publications, rapports et autres documents pertinents dans la langue de la communauté.
Article 11.3 Le chercheur devrait s'assurer de communiquer d'une façon continue, accessible et compréhensible avec la communauté.
Article 12.1 Le chercheur devrait reconnaître le droit de propriété des participants individuels et de la communauté sur les données et les échantillons biologiques produits ou prélevés dans le cadre de la recherche.
Article 12.2 Si une des parties initiales à une entente de recherche désire transférer des données et des échantillons biologiques à une tierce partie, elle doit obtenir pour ce faire le consentement de la ou des autres parties initiales.
Article 12.3 Tout usage secondaire de données ou d'échantillons biologiques requiert le consentement spécifique de l'individu ou, s'il est approprié de le faire, de la communauté qui en est la source. Toutefois, si la source des données de recherche ou des échantillons biologiques de celui qui en est la source est indéterminable, le consentement pour l'utilisation secondaire n'est pas requis de sa part. De même, s'il n'est pas possible d'identifier la communauté à l'origine des données de recherche ou d'échantillons biologiques, le consentement pour leur utilisation secondaire n'est pas requis.
Article 12.4 Lorsqu'il sait que des données ou des échantillons biologiques proviennent de sujets autochtones, le chercheur devrait consulter les organismes autochtones concernés avant de procéder à l'utilisation secondaire.
Article 12.5 L'utilisation secondaire doit être soumise à l'examen du CER.
Article 13 Les échantillons biologiques devraient être considérés comme un « prêt » fait au chercheur, à moins de disposition contraire dans l'entente de recherche.
Article 14 Une communauté autochtone devrait avoir la possibilité de participer à l'interprétation des données et à l'examen des conclusions tirées de la recherche, afin de s'assurer d'une interprétation exacte qui tient compte de sa culture.
Article 15 Une communauté autochtone devrait pouvoir décider, à sa discrétion, comment sa contribution au projet de recherche sera reconnue. Les membres de la communauté ont droit à la reconnaissance et sont autorisés à participer à la diffusion des résultats. La contribution de la communauté et, le cas échéant, celle de ses membres devrait être reconnue dans toute publication, et ce en conformité avec les ententes de confidentialité.

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Annexe : Modèle d'entente fourni par le Centre for Indigenous Peoples' Nutrition and Environment (CINE) (Centre pour la nutrition et l'environnement des peuples autochtones)

Titre du projet

Entente de recherche

[date]

(Nom de l'organisme)________________ accepte de procéder à la recherche susmentionnée aux conditions suivantes :

  1. Le but du projet de recherche, tel qu'il a été discuté et compris dans la communauté __________________, est de __________________
  2. La portée du projet de recherche (la question, les actions ou les activités et le degré de participation des membres de la communauté), telle qu'elle a été discutée et comprise dans la communauté, est la suivante : _______________
  3. Les méthodes qui seront utilisées, comme en ont convenu les chercheurs et la communauté, sont les suivantes : __________
  4. La formation et la participation de la communauté, comme il a été convenu, doivent comprendre : ______________

    L'élaboration du projet repose sur une communication sincère entre les membres de la communauté et les chercheurs. Tout sera mis en oeuvre pour tenir compte des préoccupations et des recommandations locales à chaque étape du projet.

    À la fin du projet, les chercheurs participeront à des réunions communautaires pour discuter des résultats de l'analyse avec les membres de la communauté.
  5. Les parties ont convenu de partager, distribuer et stocker de la façon suivante les informations recueillies : ________

    Les données recueillies sont confidentielles et aucun nom n'est jumelé à quelque enregistrement que ce soit. Des copies seront conservées au CINE, où les données seront converties sous forme électronique. Les données seront conservées sur des disquettes dans la communauté, au CINE. Les chercheurs et le CINE répondront aux questions et aideront les membres de la communauté si ceux-ci décident d'utiliser les données à d'autres fins; un rapport final sera diffusé après que les membres de la communauté l'auront approuvé.
  6. Les parties conviennent d'obtenir le consentement éclairé des participants individuels de la façon suivante : _________

    L'intervieweur lira un formulaire de consentement individuel au répondant. Une copie du formulaire de consentement sera laissée au répondant, avec les adresses de chaque chercheur pour que le répondant puisse communiquer avec eux à n'importe quel moment s'il souhaite obtenir des renseignements supplémentaires.
  7. Les parties ont convenu de protéger les noms des participants et de la communauté de la façon suivante : _______________

    Tel qu'on le mentionne dans le formulaire de consentement, les entrevues sont confidentielles, et aucun nom n'est jumelé à quelque enregistrement que ce soit.

    Avant que le rapport final (ou toute autre publication) ne soit diffusé, ou que les médias ne soient informés, la communauté doit être consultée de nouveau pour confirmer qu'elle consent à ce que les données soient partagées de cette façon particulière.
  8. Les parties conviennent de tenir la communauté au courant de l'avancement du projet de la façon suivante : ___________
  9. Les parties conviennent que les communications avec les médias et les autres parties (y compris les organismes de financement), à part les chercheurs nommés et la communauté, prendront les formes suivantes : ____________

Financement, avantages et engagements

Financement

Les principaux chercheurs ont obtenu des fonds et d'autres formes d'aide pour exécuter le projet de recherche auprès de : ________________

L'organisme subventionnaire a imposé aux principaux chercheurs les critères, les paramètres de divulgation et les restrictions qui suivent, tout en exigeant les rapports décrits ci-après.

Avantages

Les principaux chercheurs souhaitent tirer profit de ce projet de recherche des façons suivantes (par exemple, en publiant le rapport et des articles connexes) : ________________

Les chercheurs présenteront un rapport final à l'organisme subventionnaire en 20XX. Des communications scientifiques seront faites à des conférences de pairs et dans des publications. Le rapport final sera revu par des membres de la communauté avant d'être publié. Les communications et les articles scientifiques devront avoir été examinés par les dirigeants des communautés concernées avant d'être diffusés.

La communauté tirera vraisemblablement de ce projet de recherche des avantages :

Engagements

Les engagements de la communauté envers les chercheurs sont les suivants : ______________

Le principal engagement des chercheurs envers la communauté est le suivant : ____________

Les chercheurs conviennent de mettre fin au projet de recherche dans les situations suivantes : _____________

Signé par :

Date : Date :
Communauté :
_________________________
(Signature du chercheur principal)
Nom :
Poste :
_____________________________
(Signature de la personne-ressource
de la communauté)
Nom :
Poste :

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Bibliographie

Martin-Hill, D., et D. Soucy. 2005. Ganono'se'n e yo'gwilode' - Ethical Guidelines for Aboriginal Research Elders and Healers Roundtable. Commandé par le Projet d'élaboration de politiques en matière d'éthique autochtone et soutenu par le Bureau de l'éthique des Instituts de recherche en santé du Canada.


  1. L'EPTC constitue la politique en matière d'éthique qui encadre la recherche sur les êtres humains financée par les IRSC. [ retour ]
  2. Pour une analyse des différences entre les conceptions autochtones et occidentales de la santé, voir Vers un ressourcement, volume 3 du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. [ retour ]
  3. Certaines ententes territoriales ou d'autonomie gouvernementale avec les Autochtones contiennent des dispositions relatives à la réalisation de recherches sur le territoire administré par le gouvernement autochtone. Voir, par exemple, les sections 17.13.1(g) et (k) de l'Accord sur des revendications territoriales entre les Inuits du Labrador et sa Majesté la Reine du chef de Terre-Neuve-et-Labrador et sa Majesté la Reine du chef du Canada (2005), qui stipulent : « Le gouvernement du Nunatsiavut peut faire des lois dans les Terres des Inuits du Labrador et les communautés inuites relativement à … la recherche en santé impliquant les Inuits, y compris l'établissement de normes d'éthique pour la recherche médicale impliquant les Inuits et de l'examen de cette recherche du point de vue de l'éthique … et la création de conseils, autorités et autres entités pour établir, gérer et faire fonctionner les programmes et les services de soins de santé et de recherche et les installations afférentes. » [ retour ]
  4. Les autres éléments nécessaires au consentement sont décrits dans l'Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, chapitre 2. [ retour ]
  5. Le principe de précaution traduit l'idée que, si les conséquences d'une action sont inconnues, mais qu'il risque d'y avoir des suites négatives graves ou irréversibles, il vaut mieux y renoncer. Le concept prend en compte la prévention du risque, le rapport coût-efficacité, les responsabilités éthiques quant au maintien de l'intégrité des systèmes naturels et sociaux, et la faillibilité de la compréhension humaine. Le principe de précaution sous-tend la responsabilité inhérente des chercheurs de reconnaître le tort que pourraient causer leurs travaux avant, pendant et après leur exécution. [ retour ]
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