Étude sur les effets de l'inactivité sur la santé

Transcription

Qu'est-ce qu'un astronaute et une personne alitée de 70 ans ont en commun?

Ils perdent de la force musculaire.

Ils expérimentent les effets du vieillissement et de la fragilisation, qui découlent souvent d'un manque d'activité physique.

Dans l'espace, le corps des astronautes s'affaiblit, surtout parce qu'ils n'ont pas à défier la gravité.

Nous savons que l'exercice est important pour le corps et l'esprit, mais quelle autre solution peut limiter les effets de l'apesanteur sur la santé?

Et que peuvent faire les personnes âgées pour contrer les effets de l'inactivité?

Une nouvelle étude, unique en son genre au Canada, fournira certaines réponses.

Huit équipes de recherche étudieront les effets d'une longue période d'inactivité sur la santé – et les moyens de les réduire au minimum.

Les chercheurs suivront des hommes et des femmes de 55 à 65 ans prenant part à une étude sur l'inactivité.

Ce genre d'étude est fréquent en recherche spatiale, car elle permet de reproduire sur la Terre les changements physiologiques qui se produisent dans l'espace.

Les participants à l'étude resteront au lit pendant deux semaines, mais certains seront soumis à un entraînement par intervalles de forte intensité, trois fois par jour.

Les résultats nous aideront à trouver des solutions pour :

  • rendre les voyages dans l'espace plus sûrs;
  • améliorer la qualité de vie des personnes âgées;
  • évaluer les effets sur la santé des longues périodes d'inactivité; et
  • minimiser les risques pour les patients qui passent d'un milieu de soins de santé à un autre.

Les IRSC font équipe avec l'Agence spatiale canadienne et le Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées dans le cadre d'une étude sur les effets de l'inactivité sur la santé. Leurs travaux – inédits au Canada – examineront les effets de l'inactivité sur le corps humain ainsi que la capacité de l'exercice physique à prévenir ces effets chez les personnes âgées.

L'étude, menée dans le cadre de l'initiative Transitions dans les soins, servira à orienter les soins apportés aux personnes âgées qui restent alitées longtemps à cause d'une blessure ou d'une maladie, ou qui effectuent un long séjour en milieu de soins de courte ou de longue durée. L'étude aura une autre application unique : améliorer la santé et le bien-être des astronautes. On se rapporte couramment à des études sur l'inactivité en recherche spatiale, car celles-ci reproduisent, sur Terre, les changements physiologiques dus à l'apesanteur qui s'opèrent chez les astronautes en voyage dans l'espace. Ainsi, huit équipes collaboreront à l’étude qui se déroulera à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill au printemps 2021.

Rencontrez les équipes de recherche

Jose A. Morais

Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill

« Démêler les mécanismes qui sous-tendent l'atrophie musculaire induite par l'alitement et une contre-mesure d'exercice. »

Jose A. Morais

Les personnes âgées et les astronautes pendant les vols spatiaux subissent une perte de masse musculaire et de densité osseuse - des conditions associées à l'inactivité. Le Dr Morais et son équipe de recherche utiliseront le repos au lit avec inclinaison de la tête vers le bas comme modèle pour étudier les effets de l'inactivité sur le système musculosquelettique. Ils étudieront 24 hommes et femmes âgés de 55 à 65 ans pratiquant des exercices modérés et vigoureux. Les participants seront alités pendant deux semaines et répartis au hasard en deux groupes; la moitié d'entre eux effectuera une heure d'exercice quotidien au lit comme contre-mesure. En outre, les participants subiront un test oral de tolérance au glucose ainsi qu'une évaluation de leurs performances physiques avant et à la fin de l'alitement. À l'aide d'analyses sanguines et de biopsies musculaires de la cuisse, effectuées au début de l'étude et après trois, sept et 14 jours d'alitement, les scientifiques mesureront les protéines et les hormones qui régulent la masse musculaire et osseuse, et examineront les processus cellulaires qui induisent, par exemple, la synthèse des protéines musculaires et l'adaptation du muscle à l'entraînement. L'équipe espère que cette recherche aidera à concevoir de futures interventions pour prévenir les conséquences négatives de l'inactivité.


Andrew Blaber

Université Simon Fraser

« De la station spatiale au lit d'hôpital : recours aux techniques d'alitement utilisées en orbite pour étudier le réflexe orthostatique avec et sans intervention par entraînement musculaire et HIIT visant à prévenir les chutes chez les aînés hospitalisés »

Andrew Blaber

Après six mois dans l'espace, les astronautes peuvent présenter des problèmes semblables à ceux observés chez les aînés alités : perte de masse osseuse ou musculaire, démarche chancelante et étourdissements au lever. Cependant, les aînés alités s'exposent à des conséquences plus graves : en effet, une chute peut se solder par une fracture de la hanche ou une autre blessure, et entraîner une détérioration de la qualité de vie ou le décès. Une première étude a permis au Dr Blaber d'établir que 60 jours d'alitement affectaient le retour veineux des jambes chez les participants d'âge moyen (ce qui peut causer un évanouissement). Aujourd'hui, son équipe cherche à savoir si l'entraînement musculaire et l'entraînement par intervalles à haute intensité (HIIT) au lit réduisent ces effets chez les aînés et permettent de maintenir la régulation posturale de la pression artérielle sur une période de 15 jours. L'équipe s'intéressera aussi aux réflexes liés à l'activité musculosquelettique. Elle veut déterminer précisément quels biomarqueurs indiquent une atteinte de la couche protectrice qui aide les neurones à transmettre rapidement l'information par impulsions électriques.


Isabelle Dionne

Université de Sherbrooke

« Contrer l'inflammation et les troubles neuromoteurs liés au déconditionnement musculaire grâce à l'activité physique : l'essai contrôlé randomisé SAFE »

Isabelle Dionne

Les patients âgés et les astronautes voient leur santé affectée par la non-sollicitation de leurs muscles sur une période prolongée. Souhaitant s'attaquer à ce problème, la Dre Dionne a mis sur pied l'essai contrôlé randomisé SAFE (de l'anglais SAFety and Effectiveness), qui évalue les issues cliniques de patients en santé (âgés de 55 à 65 ans) au terme d'un programme d'exercice structuré. Les participants garderont le lit en tout temps pendant deux semaines complètes et recevront des soins en physiothérapie et du soutien psychologique. La moitié d'entre eux formeront le groupe témoin, et les autres feront partie du groupe d'intervention, qui réalisera une heure d'activité physique par jour. À partir d'échantillons sanguins et de biopsies musculaires, les chercheurs détermineront si des changements physiques ou neuromusculaires s'observent chez les participants après l'intervention sur sept jours, quatre semaines et quatre mois. Les résultats pourraient mener à une amélioration globale des soins aux astronautes et aux personnes fragiles. L'équipe de la Dre Dionne comptera des stagiaires et des chercheurs à différentes étapes de leur carrière, spécialisés en vieillissement, en activité physique et en fonction musculaire, ainsi qu'en biostatistique.


Simon Duchesne

Université Laval

« Comprendre les effets de la microgravité simulée sur la santé du cerveau pour assurer le succès des missions spatiales et le vieillissement optimal »

Simon Duchesne

Il est important de garder son cerveau en santé pour maintenir une bonne capacité de raisonnement. Or, un séjour spatial prolongé risque d'affecter la santé cérébrale des astronautes et d'avoir des effets semblables à ceux du vieillissement. Le succès d'éventuelles missions sur la Lune ou sur Mars étant en jeu, il est essentiel d'étudier ces effets pour mieux les comprendre et trouver des moyens d'en limiter les répercussions. Les solutions avancées pourraient aussi servir à contrer les effets dévastateurs de l'inactivité sur le cerveau des aînés et à détecter les premiers signes d'affections neurodégénératives, comme la maladie d'Alzheimer. À la barre d'une étude au cours de laquelle 25 participants (de 55 à 65 ans) seront alités durant deux semaines, le Dr Duchesne simulera des conditions d'apesanteur sur Terre et évaluera les effets de l'inactivité sur la santé du cerveau à l'aide de différentes mesures d'imagerie par résonance magnétique et de tests cognitifs ciblant la mémoire, le langage, le raisonnement et le jugement. Son équipe de recherche déterminera également si les activités physiques réalisées par les participants alités arrivent à prévenir les effets néfastes de l'inactivité. Avec un peu de chance, les résultats de l'étude seront utiles aux astronautes lors de leurs prochaines missions spatiales et permettront d'améliorer les soins aux aînés inactifs atteints de neurodégénérescence.


Richard Hughson

Université de Waterloo et Institut Schlegel de recherche sur le vieillissement

« L'alitement chez les aînés accélère les changements associés au vieillissement »

Richard Hughson

Quand ils doivent garder le lit, les aînés sollicitent moins leur cœur, leurs muscles et leur squelette : il peut s'ensuivre de graves problèmes de santé. L'équipe de recherche du Dr Hughson a étudié les effets secondaires ordinairement associés au vieillissement, dont la rigidité artérielle et l'insulinorésistance, chez des astronautes qui ont grandement réduit leur niveau d'activité lors d'un séjour en orbite. Dans le cadre d'une nouvelle étude, le Dr Hughson contrôlera les effets de l'alitement en examinant la santé cardiovasculaire, musculaire, squelettique, métabolique, nutritionnelle et cognitive des participants. Il évaluera les patients selon leur âge chronologique (réel) et biologique (déterminé en fonction des biomarqueurs sanguins et de l'état physique) pour voir si l'alitement représente une plus grande menace pour la santé à un âge biologique avancé. L'étude permettra aussi à l'équipe de déterminer si les aînés alités qui suivent un programme d'exercice au lit arrivent à préserver leur santé. Le but ultime est d'aider les astronautes, les aînés et les fournisseurs de soins de santé à comprendre les risques pour la santé en l'absence d'activité physique quotidienne.


Saija Kontulainen

Université de la Saskatchewan

« Effets de l'inactivité et de l'exercice sur l'adiposité musculaire et de la moelle osseuse »

Saija Kontulainen

Un peu comme les astronautes dans l'espace, certains aînés inactifs subissent une perte osseuse due à l'accumulation de tissus adipeux dans leurs muscles et leur moelle osseuse. L'équipe de recherche de la Dre Kontulainen évaluera l'activité physique comme traitement préventif auprès de 24 participants de 55 à 65 ans. Ces derniers seront affectés soit à un groupe d'entraînement qui réalisera chaque jour une séance de cyclisme et de musculation pour renforcer leurs bras et leurs jambes pendant une période d'alitement de 14 jours, soit à un groupe témoin qui restera inactif durant cette période. À l'aide d'outils d'imagerie de pointe, dont leur nouveau prototype compact d'imagerie par résonance magnétique conçu pour la Station spatiale internationale, l'équipe mesurera de minuscules pores sur les os des participants (porosité osseuse), ainsi que l'adiposité des muscles et de la moelle osseuse au niveau des tibias et des avant-bras avant et après la période d'alitement. Elle sera ainsi en mesure d'établir si l'accroissement de la porosité osseuse est causé par une accumulation de tissus adipeux durant l'alitement, et si l'activité physique permet de le prévenir. L'étude pourrait mener à l'élaboration d'un plan d'intervention par l'exercice visant à stopper l'accumulation de tissus adipeux et la perte osseuse chez les aînés inactifs et les astronautes en mission.


Teresa Liu-Ambrose

Université de la Colombie-Britannique

« Bienfaits de l'activité physique pour le corps et le cerveau inactifs »

Teresa Liu-Ambrose

En vieillissant, les adultes en viennent parfois à réduire leurs activités physiques pour différentes raisons. Comptent parmi les principales la démence et le déclin des fonctions générales liés à l'alitement (en raison d'une blessure, d'une opération ou d'une hospitalisation). Malheureusement, peu d'études portent sur les bienfaits de l'activité physique pour prévenir les conséquences de l'alitement chez les aînés blessés ou malades également atteints d'un trouble cognitif. Dans le cadre d'une étude de 14 jours menée chez des personnes de 55 à 65 ans, l'équipe de recherche de la Dre Liu-Ambrose évaluera si l'activité physique quotidienne d'intensité modérée à élevée a une incidence positive sur ces conséquences. Étant donné le lourd fardeau que représentent les troubles cognitifs en santé et en économie au Canada, les résultats de l'équipe serviront à élaborer d'éventuelles stratégies de réadaptation qui contribueraient à améliorer le vieillissement cognitif chez les aînés inactifs et à faciliter la transition dans les soins.


Olga Theou

Université Dalhousie

« Incidence de l'alitement prolongé et de l'activité physique sur la fragilité et les marqueurs biologiques associés »

Olga Theou

Quand une personne bouge peu ou reste au lit presque toute la journée, sa santé se détériore et son vieillissement s'accélère. Fait intéressant : des changements similaires ont été observés chez des personnes alitées et des astronautes en mission. À l'aide d'un outil d'évaluation de la fragilité qui mesure la vitesse du vieillissement, l'équipe de recherche de la Dre Theou étudiera l'incidence de l'inactivité sur la santé de 24 participants âgés de 55 à 65 ans. Plus précisément, elle examinera si le niveau de fragilité des personnes qui font de l'activité physique pendant 14 jours consécutifs d'alitement diffère de celles qui n'en font pas. L'équipe cherchera également à savoir si ces variations s'expliquent par des anomalies sanguines, le niveau d'inflammation ou la présence de microorganismes (p. ex. bactéries ou virus). En mettant en lumière les facteurs biologiques à l'œuvre, les travaux de la Dre Theou aideront, à long terme, à traiter la fragilité chez les aînés alités (p. ex. en cas d'hospitalisation). Par ailleurs, les résultats de l'étude pourraient servir à protéger la santé des astronautes lors de missions spatiales.

Date de modification :