Une meilleure administration des médicaments pour améliorer les traitements contre le cancer, tout en pavant la voie à une nouvelle génération de vaccins

Dr Pieter Cullis (Photo : Collection des Archives de l'Université de la Colombie-Britannique)

Des traitements révolutionnaires, comme les traitements ciblés contre le cancer et les vaccins à ARN messager, n’auraient jamais vu le jour sans près de cinquante années de recherche fondamentale dirigée par le Dr Pieter Cullis, un biochimiste de l’Université de la Colombie‑Britannique. La curiosité scientifique et de minuscules bulles de graisse sont à l’origine de ces travaux.

Vers la fin des années 1970, le Dr Cullis a commencé à étudier les constituants de base des graisses qui composent la membrane cellulaire grâce au financement de ce que l’on désigne aujourd’hui les Instituts de recherche en santé du Canada. Il a utilisé ces constituants pour créer des nanoparticules de lipides, de minuscules enveloppes biologiques pouvant transporter les médicaments dans notre organisme.

À cette époque, 99,9 % des médicaments utilisés en chimiothérapie provoquaient des effets secondaires toxiques et une quantité infime de la substance atteignait les cellules cancéreuses. Des essais cliniques ont démontré que les médicaments pour lutter contre le cancer administrés à l’aide des nanoparticules de lipides ciblaient les tumeurs plus directement et avec moins d’effets secondaires.

Ces résultats ont amené la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis et l’Agence européenne des médicaments à autoriser le Myocet et le Marqibo, qui sont utilisés pour traiter le cancer du sein et la leucémie lymphoblastique. De nos jours, bon nombre de médicaments contre le cancer utilisent toujours ce mode de transport.

Nanoparticule de lipides

Dans les années 2000, des chercheurs et des sociétés pharmaceutiques ont mis au point de nouveaux médicaments à base d’acide ribonucléique (ARN). Le Dr Cullis et ses collaborateurs ont démontré que les nanoparticules de lipides constituent une bulle de protection parfaite pour transporter les molécules d’ARN jusque dans les cellules. Le traitement s’est avéré efficace pour traiter une maladie rare du foie, l’amylose à transthyrétine, et son utilisation a été approuvée au Canada, aux États-Unis et en Europe.

L’équipe du Dr Cullis a ensuite étudié la capacité des nanoparticules de lipides à transporter de l’ARN messager (ARNm), une molécule plus grosse capable d’inciter les cellules à produire certaines protéines manquantes. Selon le Dr Cullis, « si une mutation génétique empêche un enfant de synthétiser une protéine spécifique, il est possible que notre méthode d’administration puisse inciter son foie à la fabriquer ».

Ces travaux ont amené le laboratoire de l’UBC et Acuitas, une entreprise cofondée par le Dr Cullis, à collaborer avec l’Université de la Pennsylvanie et avec BioNTech (une entreprise allemande) pour concevoir des vaccins à ARNm afin de lutter contre le virus Zika et l’influenza. Ces équipes ont utilisé les nanoparticules de lipides dans le but d’administrer de l’ARNm codant pour la protéine de surface d’un virus afin de déclencher une réaction immunitaire.

Lorsque la pandémie de COVID‑19 a frappé, Pfizer-BioNTech et Moderna ont utilisé la même technologie pour développer rapidement des vaccins ARNm efficaces afin de sauver la vie de millions de personnes. La suite appartient à l’histoire.

Une particularité des nanoparticules de lipides est leur potentiel illimité à favoriser la découverte de nouveaux traitements à base d’ARN pour prévenir et traiter les maladies, ce qui est révolutionnaire dans le domaine de la recherche en santé.

Grâce au financement continu des IRSC, l’équipe du Dr Cullis travaille à l’amélioration des nanoparticules de lipides pour accroître l’impact des médicaments révolutionnaires qu’elle soutient. L’équipe cherche aussi une façon de déclencher l’administration des médicaments contre le cancer directement dans la zone touchée afin de réduire les effets secondaires graves.

Le Dr Pieter Cullis et son équipe en 1980

Le Dr Cullis affirme que ses réalisations récentes et passées auraient été impossibles sans le soutien d’une équipe incroyable et sans son esprit d’entreprise. Son projet, qui a commencé en assemblant du matériel de laboratoire dans le garage d’un collègue de travail et en offrant une bière au personnel tous les vendredis, regroupe désormais 12 entreprises de biotechnologie. Il a aussi donné lieu à plus de 100 brevets et plusieurs collaborations entre des universités et des entreprises.

Le Dr Cullis a été nommé membre de l’Ordre du Canada en 2024 pour sa contribution à l’avancement de la recherche biomédicale et à la mise au point de médicaments ainsi que pour son rôle de mentor auprès de la prochaine génération de scientifiques et d’entrepreneurs.

En bref

L'enjeu

Au début des années 1980, seule une petite partie des médicaments utilisés pour la chimiothérapie atteignait les cellules cancéreuses, causant par la même occasion des effets secondaires toxiques dans le reste du corps. Il fallait trouver une façon plus efficace de libérer le médicament directement dans les cellules.

La recherche

Une solution inspirée par la nature pour faciliter l’administration de traitements a révolutionné la mise au point de médicaments, changé le cours de l’histoire médicale et sauvé des millions de vies. En enveloppant le médicament dans une minuscule bulle de graisse, l’équipe du Dr Cullis a aidé des chercheurs du monde entier à concevoir des traitements pour lutter contre le cancer, des vaccins et des thérapies géniques plus sécuritaires et efficaces. Sa technologie a permis de libérer efficacement dans nos cellules des traitements à ARNm, comme des vaccins contre la COVID‑19.

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