Comment la recherche sur les nouveau-nés en Afrique occidentale a mené à la conception d’un outil canadien pouvant prédire l’apparition d’une maladie mortelle chez les bébés du monde entier

Le Dr Bob Hancock (debout) et Andy An, étudiant au M.D.-Ph. D.

Deux bébés sont nés à quelques minutes d’intervalle.

L’un est apathique, a de la fièvre et respire rapidement.

L’autre est alerte, et sa température et sa respiration sont normales.

Le premier est malade… le deuxième aussi. Et ils ont tous les deux la même maladie : le sepsis. Si celui-ci n’est pas traité à temps, les deux pourraient en mourir.

Le sepsis néonatal est un véritable casse-tête : il est difficilement détectable et diagnostiquable, et plus on attend pour le traiter, plus il menace la vie.

Le sepsis est une réaction excessive du système immunitaire à une infection qui se propage dans le sang. Habituellement, le système immunitaire combat les infections, mais dans le cas du sepsis, sa réponse disproportionnée endommage gravement les tissus et les organes du corps.

C’est chez les bébés que le sepsis est le plus dangereux, car leur système immunitaire n’est pas encore complètement formé. Cette immaturité immunitaire rendant les nouveau-nés particulièrement vulnérables aux infections, il est primordial de diagnostiquer et traiter (avec des antibiotiques ou des antiviraux) rapidement la maladie, sans quoi ils ne pourront se rétablir pleinement.

Le sepsis est l’une des principales causes de mortalité chez les nouveau-nés de la Gambie. Afin de mieux comprendre pourquoi les taux de sepsis néonatal étaient si élevés dans ce pays ouest-africain, le microbiologiste Bob Hancock et son équipe à l’Université de la Colombie-Britannique ont extrait en laboratoire l’ARN de cellules sanguines de 700 bébés gambiens. Ils ont ensuite séquencé l’ARN pour voir si le sepsis pouvait s’expliquer par des changements dans l’expression des gènes. Sur les 700 bébés, 15 présentaient un sepsis dès leur première semaine de vie.

« Ce qui nous a frappés, c’est lorsque nous sommes retournés examiner les bébés et avons constaté que de grands changements avaient eu lieu au moment de la naissance chez ceux qui allaient par la suite être atteints d’un sepsis, des changements que nous n’observions pas chez les bébés qui n’avaient qu’une infection localisée ou qui n’en avaient pas du tout », se rappelle le Dr Hancock. « En d’autres mots, le sepsis avait déjà commencé à se développer chez ces bébés, même s’ils semblaient en bonne santé à la naissance. »

L’équipe s’est servie de ces découvertes pour identifier les marqueurs moléculaires associés au sepsis, et ce, à l’aide d’outils bio-informatiques, plus précisément de programmes logiciels qui analysent des schémas d’expression génique dans le sang des nouveau-nés. « De cette façon, nous pouvons prédire la survenue du sepsis avant qu’il ne se manifeste », explique le Dr Hancock. « Il s’agit d’une avancée particulièrement importante, puisque ces bébés peuvent maintenant être suivis de près et traités avant même les premiers signes de maladie. »

Au Canada, les bébés atteints de sepsis sont relativement peu nombreux (de 1 à 5 cas pour 1 000 naissances vivantes), mais l’outil de prédiction conçu par l’équipe du Dr Hancock pourrait s’avérer particulièrement utile aux médecins des régions rurales ou éloignées, où il est difficile d’obtenir rapidement des résultats de laboratoire. Cet outil pourrait les aider à détecter plus rapidement le sepsis chez les nouveau-nés et ainsi prévenir les problèmes de santé à long terme, voire le décès.

Les IRSC ont récemment accordé une subvention aux collaborateurs du Dr Hancock pour qu’ils puissent mener des études cliniques sur un outil de prédiction du sepsis au sein de la population générale. L’outil est intégré à un dispositif d’analyse hors laboratoire, ce qui permet au médecin de prédire le sepsis directement au chevet du patient et qui, donc, accélère le traitement et améliore les chances de guérison.

« Le sepsis cause 20 % des décès dans le monde », poursuit le Dr Hancock. « Il est également responsable de presque tous les décès survenant lors de pandémies comme celle de la COVID-19. C’est la première cause de décès en milieu hospitalier. C’est vraiment un enjeu majeur. »

En bref

L’enjeu

Le sepsis néonatal est la troisième cause de décès chez les bébés de 28 jours ou moins. Il est difficile à diagnostiquer. S’il n’est pas traité rapidement, il peut causer des retards de développement, des difficultés d’apprentissage, voire le décès.

La recherche

Le Dr Bob Hancock et son équipe, qui compte Andy An, étudiant au M.D.-Ph. D. à l’Université de la Colombie-Britannique, et la Dre Amy Lee, professeure à l’Université Simon-Fraser, ont conçu un programme logiciel permettant de prédire l’apparition du sepsis chez les nouveau-nés, même chez ceux qui ne présentent pas de symptômes.

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