Partie 2 : Évaluation de programmes dans des contextes spécifiques

[ Table des matières ]

La recherche interventionnelle en santé des populations peut comprendre une évaluation systématique. Les cas suivants démontrent des méthodes et des stratégies uniques pour l'évaluation de programmes servant à améliorer la santé dans des contextes scolaires.


Évaluation assumée par les communautés et partenariat intersectoriel

Dans le projet Transitions saines, des professionnels de la santé et de l'éducation ont collaboré pour élaborer et mettre en oeuvre une intervention de promotion intégrale de la santé mentale basée dans les écoles, pour en surveiller le déroulement et pour en évaluer l'impact. En allant au-delà des arènes du monde de l'enseignement, des professionnels de la santé mentale, des membres de la communauté, des enseignants, des administrateurs de conseils scolaires, des travailleurs et travailleuses sociaux et des hygiénistes ont assumé la propriété et la responsabilité conjointes de l'élaboration et de la mise à l'essai d'une intervention basée sur les populations pouvant être reprise, mise en oeuvre et évaluée dans d'autres communautés partout au Canada.

Cas 4 - Transitions saines : promouvoir la résilience et la santé mentale chez les jeunes adolescents

Corrine Langill, R.N., B.Sc.N. Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario, Ottawa, Ontario
Ann Croll, Ph. D., C. Psych., Réseau de santé des enfants et adolescents de l'est de l'Ontario, Ottawa, Ontario

Auteure-ressource : Corrine Langill, clangill@cheo.on.ca

Introduction

L'adolescence est une période de changement développemental et de transition sociale et éducative intenses, et c'est aussi une période pendant laquelle des problèmes de santé mentale peuvent commencer à se manifester. Pourtant, les services de promotion de la santé mentale et de soins de santé mentale sont souvent insuffisants; souvent, il faut attendre longtemps pour y avoir accès. Environ 14 p. 100 des jeunes Canadiennes et Canadiens ont un problème de santé mentale pouvant être diagnostiqué, mais moins d'un sur quatre de ceux qui ont un tel problème peuvent obtenir le traitement approprié (Waddell, McEwan, Shepherd, Offord et Hua, 2005). Souvent, le financement de la promotion de la santé mentale ne reflète pas ce besoin.

On s'inquiète de la répartition inégale des ressources, des services limités et de l'opprobre associé à la maladie mentale, tous des facteurs faisant actuellement obstacle au traitement. L'équipe était convaincue qu'un programme universel complet offert dans les écoles pourrait remédier à ces problèmes en identifiant les jeunes qui ont besoin de services et en les mettant en rapport avec les mécanismes de soutien appropriés, tout en faisant la promotion d'une bonne santé mentale et en réduisant l'opprobre associé à la maladie mentale chez tous les élèves.

L'élaboration, la mise à l'essai et l'évaluation d'un tel programme a contribué à déterminer ce qui était efficace, désirable et acceptable pour une intervention basée dans les écoles. Le programme étudié constitue un exemple très pratique de ce qui fonctionne dans la promotion de la santé mentale. L'équipe est allée au-delà des arènes du monde de l'enseignement, en partageant son programme et ses résultats avec de vastes auditoires bien placés pour mettre le programme en oeuvre : des écoles, des centres de santé communautaire et des fournisseurs de services aux jeunes. En outre, le droit d'auteur à usage partagé et l'accès facile au programme et aux outils d'évaluation permettent aux autres communautés de reprendre l'intervention, de la mettre en oeuvre et de l'évaluer.

Description du projet et leçons apprises

Transitions saines a été élaboré en partenariat avec des professionnels de l'enseignement et de la santé. Il comprend un volet de présélection et d'aiguillage de même que des volets éducatifs pour les jeunes, les enseignants et les parents. Certains des membres de l'équipe d'évaluation ont également été responsables de l'élaboration et de la mise en oeuvre du programme. La mise à l'essai du projet pilote et l'évaluation du programme ont été menées à bien au printemps de 2006.

Le programme éducatif conçu pour les jeunes comprenait cinq séances interactives :

  • Comment les idées, les sentiments et les actions s'influencent mutuellement
  • Comment on « rebondit » des événements difficiles
  • Communication
  • Gestion du stress et des sentiments
  • Comment trouver de l'aide quand on en a besoin

Les animateurs, de jeunes adultes, ont été recrutés dans les départements de travail social d'écoles et dans des centres de santé communautaire. Ils ont reçu une formation pour pouvoir offrir des séances en classe à 208 élèves répartis en groupes de 12 à 15 élèves à la fois. Les animateurs se sont servis de protocoles de présélection pour identifier les jeunes ayant besoin de soutien ou d'aiguillage et pour faire le suivi nécessaire.

Le programme de cours offert aux jeunes était fondé sur des théories d'approches de comportement cognitif, de psychologie positive (optimisme) et sur des théories éducatives d'apprentissage social émotionnel. L'évaluation du programme était conçue pour juger des changements de l'état émotionnel des élèves, de leur capacité d'adaptation et de leurs habiletés de promotion de leur santé mentale. Elle tenait compte aussi de l'impact sur les enseignants et les parents, des leçons apprises et des recommandations pour la programmation future.

Les élèves, les parents et les enseignants ont répondu à des sondages à diverses étapes du programme. En outre, des groupes de réflexion et des entrevues avec les principaux informateurs (directeurs d'école, animateurs et membres des groupes consultatifs) ont fourni des données qualitatives sur la satisfaction à l'égard du programme, sur les avantages perçus et sur les recommandations quant à la programmation future.

Quand on discute de concepts de santé mentale avec de jeunes adolescents, il faut accorder une grande attention à l'éthique. Les élèves devaient obtenir le consentement de leurs parents pour participer au programme. La formule de consentement faisait état des principes fondamentaux de confidentialité de l'équipe et contenait également de l'information sur les types de situations dans lesquels les renseignements provenant des élèves seraient communiqués aux parents et aux écoles. C'était particulièrement significatif étant donné que l'équipe posait dans le questionnaire de présélection des questions spécifiques sur les idées et sur les comportements suicidaires. Elle avait établi des protocoles détaillés pour assurer le suivi des élèves qui l'inquiétaient, en s'assurant que tous les animateurs avaient reçu une formation appliquée en techniques d'intervention face au suicide (ASIST) et elle avait établi un système d'aides professionnelles pour les animateurs.

Les animateurs du programme identifiaient les élèves à risque et les aiguillaient vers des services de soutien structurés, tandis que les autres élèves identifiés à la présélection recevaient des services informels de surveillance et de soutien. (La plupart des jeunes identifiés grâce à la présélection étaient déjà venus à l'attention du personnel des écoles.)

Durant tout le programme, la plupart des jeunes participants ont déclaré s'être fréquemment sentis heureux et avoir rarement éprouvé des sentiments négatifs. Pourtant, de nombreux jeunes se sentaient assez souvent stressés, inquiets, en colère ou tristes. Après le programme, une proportion substantielle d'élèves ont déclaré avoir amélioré certaines aptitudes de promotion de la santé. Des jeunes ont également déclaré des niveaux moins élevés de stress et d'inquiétude ainsi qu'une meilleure connaissance des ressources de soutien dans la communauté. Les élèves trouvaient le programme utile, pertinent et agréable.

La majorité des parents et des enseignants qui avaient participé aux ateliers ont déclaré avoir amélioré leurs connaissances du développement sain des adolescents, des ressources communautaires, des signes que des jeunes peuvent avoir des difficultés et des moyens de soutenir une bonne santé mentale chez les adolescents. Deux mois après leur expérience d'enseignant en service, la plupart des enseignants avaient appliqué ce qu'ils avaient appris.

Leçons apprises

Le projet Transitions saines a donné deux grandes leçons. Premièrement, une véritable collaboration entre partenaires intersectoriels garantissait que chacun s'investisse vraiment dans le succès du programme. Les membres du groupe consultatif, composé de professionnels de la santé mentale du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario (CHEO) et de la communauté, d'enseignants, d'administrateurs de conseils scolaires, de travailleurs et de travailleuses sociaux ainsi que d'hygiénistes, ont guidé le développement du programme et appuyé sa mise en oeuvre. Le groupe consultatif était issu d'un groupe de travail du Réseau de santé des enfants et adolescents de l'est de l'Ontario, qui est soutenu par le CHEO et dirigé par une des planificatrices du programme. Ses membres s'étaient portés volontaires pour participer à un groupe de travail oeuvrant en collaboration pour élaborer un programme de promotion de la santé mentale à l'intention des jeunes adolescents. Grâce aux relations professionnelles positives que les planificatrices du programme avaient établies avec les années avec d'autres partenaires de la communauté, il n'a pas été difficile de recruter d'autres membres.

En assumant conjointement la propriété et la responsabilité du programme, il a été possible d'établir des relations plus étroites entre les partenaires et de faciliter l'acceptation du programme dans chacune des écoles participantes. Les dirigeantes du projet ont reconnu la compétence des membres du groupe consultatif en leur demandant d'élaborer des protocoles de suivi, de déterminer le contenu du programme et de donner leur rétroaction à toutes les ébauches de programmes éducatifs. Toutes les rétroactions ont été prises au sérieux et incorporées dans le programme.

La seconde leçon d'importance de Transitions saines, c'est que le soutien et la coopération du personnel des écoles est critique. Il était essentiel que les directeurs d'école soient disposés à se prêter au programme. Heureusement, le programme éducatif s'est vendu tout seul aux directeurs, qui ont vite été convaincus de son potentiel pour répondre à plusieurs des besoins des élèves. Ils ont fait bon accueil à son approche positive de promotion de la santé mentale, en souscrivant aux objectifs d'apprentissage, aux stratégies d'enseignement et au contenu du programme.

En général, il était très important de gagner la confiance du directeur d'école grâce à des communications claires et fiables, en faisant preuve de professionnalisme et de souplesse et en respectant ses engagements. Le soutien du directeur d'école se reflétait dans le dévouement et l'enthousiasme du personnel de l'école, qui établissait les échéanciers, réservait les salles de classe, faisait les arrangements pour les élèves non participants, assurait le suivi des présences, obtenait les consentements requis et répondait aux questions des parents et des enseignants.

Implications pour la recherche, les politiques et la pratique

Pour faciliter l'acceptation du programme, l'équipe avait élaboré un Guide des ressources de l'animateur contenant tout ce qu'il fallait pour mettre Transitions saines en oeuvre dans une communauté scolaire :

  • information contextuelle sur l'évaluation, le consentement et la manière de commencer
  • protocoles de suivi et ressources
  • guide d'évaluation et outils
  • échantillon de formules de consentement
  • programme pour cinq séances en classe (avec le matériel à distribuer)

Des copies papier du Guide (avec un CD) ont été distribuées à des organisations dans des conférences nationales, provinciales et locales de même que sur demande. L'équipe a rencontré des représentants des ministères de l'Éducation et des Services à l'enfance et à la jeunesse pour leur exposer les grandes lignes du programme (tout le programme est en ligne). Il s'ensuit que plusieurs écoles locales ont fait indépendamment leur propre projet pilote du programme. Des écoles, des unités de santé publique, des centres de santé communautaire et des organisations au service des jeunes de tout le Canada ont réclamé le programme éducatif.

Transitions saines a été conçu pour être utilisé dans n'importe quelle école et pourrait facilement être adapté pour être offert à des jeunes au milieu ou à la fin de l'adolescence qui participent à un programme pour les jeunes aux prises avec un problème de santé mentale. Le programme pourrait être mis en oeuvre à grande échelle, dans une série de conseils scolaires, voire à l'échelle de tout un ministère provincial de l'éducation. Le Guide des ressources de l'animateur précise où des modifications pourraient s'imposer pour satisfaire aux exigences législatives ou à celles des politiques (par exemple les exigences provinciales de rapport dans le cas des enfants ayant besoin de protection). Les instances locales devraient également préciser les ressources locales en santé mentale pour les jeunes.

L'équipe soupçonne que le volet de présélection et d'aiguillage est un obstacle à l'acceptation du programme. Le processus nécessite un examen approfondi de tous les questionnaires de présélection remplis, l'application des critères de suivi, un suivi avec des élèves pris individuellement, l'évaluation du risque immédiat et un aiguillage approprié. Le temps, les aptitudes et l'engagement requis pour la présélection, l'évaluation et l'aiguillage des élèves en toute sécurité peut dissuader certains et certaines de ceux qui envisageraient d'introduire Transitions saines dans leur communauté. Le modèle dirigé par un animateur a été recommandé par les jeunes des groupes de réflexion, mais cela risque également d'être difficile à organiser pour les écoles. Elles pourraient peut-être se faciliter la tâche en supprimant le volet de présélection ou en également demander à des professeurs de contribuer à offrir le programme éducatif.

La portée du projet a été limitée à l'élaboration du programme et à son évaluation initiale. Bien que l'évaluation du programme effectuée par l'équipe ait été prometteuse, elle n'avait pas la rigueur que les ministères provinciaux et les conseils scolaires recherchent lorsqu'ils doivent allouer leurs ressources très limitées. Les chercheurs qui s'intéressent à ce domaine pourraient comparer les jeunes qui bénéficient du programme à ceux qui n'en bénéficient pas, évaluer l'impact à long terme du programme et déterminer s'il pourrait être administré efficacement par des enseignants offrant des cours magistraux à de plus gros groupes d'élèves (par exemple à toute une classe). L'équipe aimerait également savoir si le volet de présélection/aiguillage est indispensable au succès du programme. Les écoles consacrent actuellement des ressources considérables à une programmation anti-intimidation, et il serait intéressant de comparer l'impact global des programmes anti-intimidation existants avec un programme plus générique de promotion de la santé mentale comme Transitions saines.

Le projet Transitions saines représente un premier pas vers les changements de politiques nécessaires à une promotion exhaustive de la santé mentale dans les écoles. Il a établi un modèle de partenariat efficace en faisant ressortir les processus critiques au succès du programme et en ayant un impact favorable sur l'état émotionnel et sur l'adaptabilité des élèves. Il a généré des connaissances essentielles non seulement sur les éléments qu'un programme devrait inclure, mais également sur la manière de mettre en oeuvre un programme de promotion de la santé mentale dans les écoles. Il faudra des démonstrations plus rigoureuses de l'impact de ce programme pour réaliser les changements des politiques nécessaires en ce qui concerne le programme d'enseignement dans les écoles, les activités en matière de santé publique et la répartition des ressources.

Pour les professionnels de la santé qui offrent des services, participer à des recherches interventionnelles en santé des populations est un défi. La plupart ont des charges de travail qui ne leur permettent pas de participer à des recherches au-delà de l'évaluation des programmes. Ces professionnels tendent par conséquent à limiter leurs activités de recherche à l'élaboration ou aux essais de solutions pratiques visant à remédier à un problème spécifique, plutôt qu'à planifier depuis le début des projets de recherche publiables. Cela laisse des interventions potentiellement valables dans une sorte de purgatoire de « pratiques prometteuses » où les décideurs ne sont pas susceptibles de les mettre largement en oeuvre sans disposer d'information vraiment probante. La collaboration et le soutien d'enquêteurs principaux d'expérience pour des projets identifiés aux communautés seraient extrêmement utiles. Les professionnels des communautés feraient vraiment bon accueil à leur leadership et à leurs conseils pour planifier et pour effectuer des recherches interventionnelles de qualité en santé des populations et pour obtenir le financement nécessaire à leur réalisation.

Remerciements

Le programme éducatif de Transitions saines a été rédigé par Corrine Langill et Ann Croll. Le financement a été fourni par le Centre provincial d'excellence en santé mentale des enfants et ados au CHEO. Les membres organisationnels du groupe consultatif sont :

  • Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario
  • Réseau de santé des enfants et adolescents de l'est de l'Ontario
  • Centre de santé communautaire de Carlington
  • Conseil scolaire de district d'Ottawa-Carleton
  • Conseil scolaire catholique d'Ottawa-Carleton
  • Centre de ressources communautaires de l'ouest d'Ottawa
  • Centre de toxicomanie et de santé mentale
  • Santé publique Ottawa
  • L'Association canadienne pour la santé mentale

Références

Waddell, C., McEwan, K., Shepherd, C.A., Offord, D.R. et Hua, J.A. (2005). A public health strategy to improve the mental health of Canadian children. Canadian Journal of Psychiatry 50(4) 226-233.

Extension d'un projet pilote basé dans des écoles

Le programme Heart Healthy Kids (H2K) a réuni des groupes des écoles, du secteur de la santé publique et des communautés afin d'évaluer l'efficacité d'un programme pilote basé dans des écoles. Avec une approche de méthodes mixtes, l'équipe d'évaluation a exploré l'intérêt de contribuer au changement de comportements grâce à l'éducation individuelle et à la création d'environnements et de structures sociales plus propices. On s'apprête à mettre le projet pilote en oeuvre dans plus de contextes en jetant les bases de la recherche interventionnelle future en santé des populations.

Cas 5 - H2K - Le programme Heart Healthy Kids

Rebecca Spencer, étudiante en maîtrise en promotion de la santé, Université Dalhousie, Maritime Heart Center, Halifax, Nouvelle-Écosse
Jenna Bower, OT Reg (NS), Maritime Heart Center, Halifax, Nouvelle-Écosse
Jennifer Hoyt, Halifax Infirmary, QE II Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse
Jennifer Miller, Halifax Infirmary, QE II Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse
Gillian Yates, Halifax Infirmary, QE II Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse
Sara Kirk, School of Health Administration, Université Dalhousie, Halifax, Nouvelle-Écosse
Camille Hancock Friesen, Department of Surgery, Université Dalhousie, Division of Cardiac Surgery, IWK Health Centre; Halifax Infirmary, QE II Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse

Auteure-ressource : Becky Spencer, becky.spencer@dal.ca

Introduction

Seulement 12 p. 100 des enfants canadiens sont suffisamment actifs (Active Healthy Kids Canada, 2009), et le nombre de cas d'obésité et de diabète type 2 augmente chez les enfants. Le programme de recherche Heart Healthy Kids (H2K) a été conçu en réaction à ces problèmes de santé, en tant qu'intervention intensive dans le domaine de l'activité physique consistant à déterminer les niveaux d'activité physique des enfants, leur connaissance de la santé cardiaque et leur conditionnement cardiovasculaire. L'objectif à long terme consiste à augmenter suffisamment les niveaux d'activité physique des enfants pour provoquer un changement de culture qui réduira le comportement sédentaire et qui finira par réduire également la prévalence de maladies chroniques.

L'équipe d'évaluation a opté pour une approche de santé des populations afin de cibler les jeunes comme groupe vulnérable nécessitant une intervention. Pour cibler le groupe dans son ensemble, le programme H2K est basé dans des écoles, afin de pouvoir atteindre tous les enfants des écoles participantes, quelle que soit leur situation socioéconomique ou les autres facteurs influant typiquement sur la participation aux programmes de recherche (Sonneville, LaPelle, Taveras, Gillman et Prosser, 2009). Bien que le programme H2K soit un projet de recherche, certains de ses éléments ont été offerts à tous les élèves (qu'ils aient eu le consentement de leurs parents pour y participer ou pas), de façon à offrir à tous des chances égales d'y prendre part. À mesure que les inscriptions au programme passeront de 150 à potentiellement 1 200 élèves, on offrira des éléments supplémentaires à un plus grand nombre d'élèves.

Afin d'accroître la pertinence du projet de recherche (et plus généralement de sensibiliser l'auditoire à l'applicabilité d'une approche de santé des populations), l'équipe a intégré dans le programme diverses activités d'application des connaissances. H2K contribue à soutenir la recherche en santé des populations en ciblant des populations vulnérables et en ayant recours à une approche écologique focalisée sur l'environnement social.

Description du projet et leçons apprises

Le programme H2K a été élaboré par une équipe de professionnels de la santé afin d'accroître les niveaux d'activité physique chez les enfants. Il a commencé en 2006 en tant que projet pilote de trois ans dans une école avec des élèves de quatrième, cinquième et sixième années, et il est basé sur la théorie sociale cognitive et écologique. L'équipe a choisi des élèves de ces années pour combler un vide dans la recherche locale, qui avait révélé que les élèves de troisième année ont une activité physique suffisante, contrairement aux élèves de septième année. Dans l'école du projet pilote, un défi d'activité a été combiné avec des séances d'information biannuelles offertes par des professionnels de la santé. Le défi d'activité consistait à faire porter quotidiennement des pédomètres par les élèves pendant toute l'année scolaire et à les faire rivaliser pour couvrir le plus de distance virtuelle. Le projet pilote a été mené avec un mentor adulte présent quatre heures par semaine dans la première année et sans qu'il soit présent dans la deuxième année. Un deuxième projet pilote a eu lieu pendant l'année scolaire 2009 2010; le mentor adulte étant remplacé par un pair. Les mentors pairs ont reçu une formation d'une journée dans un atelier organisé à l'école, pour développer leurs aptitudes de leadership et pour les informer du programme H2K. Ensuite, ces mentors pairs ont pu aider des équipes d'élèves à accroître leur activité physique. Utiliser des pairs comme mentors a aidé les chercheurs à comprendre le rôle qu'ils n'avaient encore jamais étudié du mentorat par des pairs pour accroître l'activité physique. Le mentorat par des pairs est aussi une solution du problème de poursuite des efforts pour provoquer un changement culturel.

Les deux projets pilotes se sont conclus par des augmentations du nombre moyen de pas par journée d'école des participants en présence des mentors de même que par des gains à court et à long terme de connaissances sur la santé cardiaque. En outre, le conditionnement cardiovasculaire mesuré des participants s'est amélioré. Les données qualitatives obtenues des groupes de réflexion ont révélé des tendances positives sous les thèmes de l'amusement, de la santé et de la motivation. Ces thèmes révélaient premièrement que les participants avaient aimé avoir pris part au programme, que c'était amusant et qu'ils souhaitaient continuer y participer (amusement). Deuxièmement, le programme H2K favorisait l'adoption d'habitudes saines et la reconnaissance de l'importance de l'activité physique et d'une alimentation saine en ce qui concernait la prévention des maladies (la santé). Enfin, les données qualitatives révélaient que la motivation grâce au mentorat par des pairs dans le programme H2K était importante pour renforcer les relations sociales à l'école de même que pour inciter les participants à s'engager dans de nouvelles activités physiques ou dans des activités physiques supplémentaires (motivation).

Une des plus grandes leçons que l'équipe ait apprises, c'est l'importance des programmes interventionnels basés dans des écoles : la recherche antérieure a révélé que les enfants les moins actifs dans l'ensemble accomplissaient la majorité de leur activité pendant la journée scolaire (Cox, Schofield, Greasley et Kolt, 2006). L'acceptation et le soutien des enseignants et du personnel de l'école est d'importance critique pour le succès du programme, et l'équipe recommanderait que les futures interventions basées dans des écoles soient adaptées aux besoins spécifiques de chaque école. L'équipe a également appris des défis associés à la collecte de données rapportées par les enfants eux-mêmes ainsi que de la fatigue du programme. Elle a dû trouver de nouvelles méthodes novatrices pour maintenir l'intérêt des participants, notamment en récompensant non seulement les équipes qui avaient un excellent rendement, mais aussi celles qui s'inscrivaient le plus fréquemment ou qui faisaient preuve du plus d'enthousiasme. Enfin, un grand défi qu'il faut constamment relever consiste à trouver des ressources suffisantes pour le programme. Étant donné qu'H2K est un programme qui comprend un volet de recherche, il n'est souvent pas admissible à des ressources censées être attribuées strictement à des interventions ou à des recherches. L'équipe a simplifié le programme pour en maximiser l'efficience, par exemple en ayant recours à des pairs comme mentors, ce qui accroît sa viabilité en évitant l'obligation de consacrer des ressources limitées à l'embauche d'une infirmière autorisée comme mentore adulte.

En outre, l'équipe a appris l'importance et la valeur de la collaboration. Elle s'est donnée un comité directeur multidisciplinaire composé de bénévoles (dont un chirurgien cardiologue, des infirmières autorisées, une diététiste, des kinésiologues et une ergothérapeute) et nous avons aussi établi des partenariats informels avec des écoles élémentaires locales, leur personnel et leurs élèves, de même que des partenariats en bonne et due forme avec le Conseil scolaire régional d'Halifax, la Heart and Stroke Foundation de Nouvelle-Écosse et Public Health (Capital District Health Authority). L'extension future du programme permettra à l'équipe d'établir des partenariats avec les étudiants en médecine qui offriront les séances d'enseignement et avec les quelque 50 bénévoles (membres de la communauté et étudiants inscrits aux programmes universitaires professionnels de santé) qui contribueront au déploiement du programme.

Implications pour la recherche, les politiques et la pratique

Le projet pilote a montré que le mentorat est associé à des tendances à l'augmentation des niveaux d'activité physique, que les séances éducatives sont associées à des gains de connaissances à court et à long terme, que les élèves participant à des sports organisés sont plus actifs que les autres dans l'ensemble et que la vaste majorité des élèves ne se conforment pas aux recommandations d'activité minimale. Bien que le projet soit trop préliminaire pour avoir pu entraîner un véritable changement de politiques, l'extension continue du programme est la preuve de son acceptation. En septembre 2010, le programme H2K a été étendu à 10 écoles, soit cinq écoles expérimentales et cinq écoles témoins, ce qui permet de disposer d'un véritable volet de contrôle et d'un volet quasi-expérimental plus solide. Les objectifs de recherche de l'extension du projet consistent à évaluer le rôle et l'efficacité du mentorat par des pairs pour accroître les niveaux d'activité physique, avec des objectifs secondaires de connaissance de la santé cardiaque, du conditionnement cardiovasculaire et des données anthropomorphiques. Un questionnaire sur la nutrition et des sondages auprès des parents ont été ajoutés, pour examiner de façon plus approfondie la relation complexe entre les enfants et leur environnement qui influe négativement sur l'activité physique et accroît les taux d'obésité chez les enfants ainsi que pour assurer l'obtention de résultats plus complets pouvant être généralisés.

L'application des connaissances est importante à mesure que la portée et l'envergure du programme H2K s'accroissent et que l'équipe s'efforce de rechercher des possibilités de présenter la recherche ainsi que d'en publier les résultats. Les données du projet pilote laissent entendre que le programme H2K, y compris le mentorat par les pairs, a un impact prometteur pour la santé des populations. Les préparatifs d'extension de ce programme de recherche interventionnelle ont commencé avec l'obtention de l'approbation de l'éthique institutionnelle et du conseil scolaire, de même qu'avec l'adhésion de 10 nouvelles écoles élémentaires. En septembre 2010, un forum des partenariats a été organisé pour générer plus d'intérêt public et privé et pour obtenir du financement.

L'équipe de recherche compte se servir des résultats de l'extension de la recherche comme preuve d'un changement des politiques en ce qui concerne l'activité physique des enfants, en faisant la promotion de cette idée et en travaillant en ce sens avec le gouvernement local. À l'heure actuelle, en Nouvelle-Écosse, les élèves du niveau élémentaire n'ont actuellement que deux périodes de 30 minutes d'éducation physique par semaine; il est recommandé que les enfants fassent 90 minutes d'activité physique par jour, ce qui laisse les individus et leurs familles responsables de s'assurer que chaque enfant accomplisse la plus grande partie de l'activité physique qui lui est nécessaire (Agence de santé publique du Canada et Société canadienne de physiologie de l'exercice, 2009). Nous espérons que le programme H2K a produit suffisamment d'information sur l'activité physique à l'école pour qu'un changement de politiques garantisse que tous les élèves aient des chances égales de se faire offrir un minimum garanti d'activité physique tous les jours.

Au-delà de son extension à 10 écoles, le programme H2K offre de nombreuses possibilités aux futurs chercheurs. L'équipe de recherche prévoit un suivi longitudinal des participants à la recherche pour explorer de façon plus poussée la relation entre le programme et les types d'activité, de même que la relation entre l'activité physique et les maladies cardiovasculaires. D'autres recherches pourraient comprendre un examen plus approfondi du type de mentorat, de même que de la fréquence et de la durée du mentorat, afin de mieux comprendre ce qui peut influer favorablement sur les niveaux d'activité physique des enfants. Au-delà du volet de recherche, l'équipe compte aussi déployer le programme H2K afin d'y inclure plus d'écoles locales de la Nouvelle-Écosse, des autres provinces de l'Atlantique et d'ailleurs.

Pour conclure, l'équipe de recherche est fermement convaincue qu'elle a recueilli des preuves de l'utilité du mentorat pour faire adopter aux enfants des habitudes saines et qu'une approche de santé des populations est nécessaire afin d'accroître largement le niveau actuel d'activité physique des enfants. Elle estime que l'extension du programme H2K produira les preuves nécessaires à un changement des politiques et donnera à tous les enfants un accès équitable à l'activité physique. Elle recommande que les autres chercheurs dans ce domaine adoptent une approche de santé des populations et se concentrent sur l'environnement social pour produire un changement durable.

Remerciements

The Maritime Heart Center, Division of Cardiac Surgery (Capital District Health Authority), Cobequid Community Health Board, Pfizer, GlaxoSmithKline, IWK Health Centre, Nova Scotia Health Research Foundation

Références

Active Healthy Kids Canada. (2009). The Active Healthy Kids Canada report card on physical activity for children and youth (anglais seulement). Toronto : Auteur. Trouvé sur le site Web d'Active Healthy Kids Canada.

Cox, M., Schofield, G., Greasley, N. et Kolt, G.S. (2006). Pedometer steps in primary school-aged children: A comparison of school-based and out-of-school activity. Journal of Science and Medicine in Sport 9 91-97.

Agence de santé publique du Canada et Société canadienne de physiologie de l'exercice. (2009). Guide d'activité physique canadien. Trouvé sur le site Web de l'ASPC.

Sonneville, K., LaPelle, N., Taveras, E., Gillman, M. et Prosser, L. (2009). Economic and other barriers to adopting recommendations to prevent childhood obesity: Results of a focus group study with parents. Trouvé sur le site Web de BioMedCentral.

Yates, G., Cornish, W., Miller, J. et Hancock Friesen, C. L. (2009). Investing in heart healthy children: A primary prevention innovation in Atlantic Canada. Canadian Journal of Cardiovascular Nursing 19 20-25.

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